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L’art. 29 du tit. xiij, que nous avons déja cité, porte que tous greffiers, même des cours, & ceux des seigneurs, sont tenus de prononcer aux accusés les arrêts, sentences & jugemens d’absolution ou d’élargissement, le même jour qu’ils auront été rendus ; & s’il n’y a point d’appel par le procureur du roi ou du seigneur dans les vingt-quatre heures, ils doivent mettre les accusés hors des prisons, & l’écrire sur le registre de la geole.

On doit pareillement, aux termes du même article, élargir ceux qui n’auront été condamnés qu’en des peines & réparations pécuniaires ; en consignant entre les mains du greffier les sommes adjugées pour amendes, aumônes, & intérêt civils ; sans que, faute de payement d’épices, ou d’avoir levé les arrêts, sentences & jugemens, les prononciations & les élargissemens puissent être différés.

Enfin l’article xxx. défend aux geoliers, greffiers des geoles, guichetiers & cabaretiers ou autres, d’empêcher l’élargissement des prisonniers, pour frais, nourriture, gîte, geolage, ou aucune autre dépense. Voyez Prison, Prisonnier. (A)

ELASTICITÉ s. f. ou FORCE ELASTIQUE, en Physique, propriété ou puissance des corps naturels, au moyen de laquelle ils se rétablissent dans la figure & l’étendue que quelque cause extérieure leur avoit fait perdre. Voyez Elastique.

Cette propriété se trouve à un degré plus ou moins grand dans presque tous les corps, il y en a même dont l’élasticité est presque parfaite, c’est-à-dire qui paroissent reprendre exactement la même figure qu’ils avoient avant la compression ; tels sont l’ivoire, l’acier trempé, le verre, &c. cependant il paroît presqu’impossible qu’il se trouve des corps absolument doüés d’une parfaite élasticité. En effet, lorsqu’un corps se bande & se débande, il faut de nécessité que quelques-unes des parties solides qui se touchent mutuellement, se repoussent & se retirent, & qu’elles souffrent de cette maniere un frotement considérable ; ce qui produit un très-grand obstacle au mouvement, & doit nécessairement faire perdre une partie de la force. Voyez Densité.

Il semble que l’élasticité soit différente, à proportion que les parties des corps sont plus ou moins compactes ; car plus on bat les métaux, plus ils deviennent compactes & élastiques. L’acier trempé a beaucoup plus d’élasticité que l’acier qui est mou, il est aussi beaucoup plus compact ; car la pesanteur de l’acier trempé est à celle de l’acier non trempé, comme 7809 à 7738.

Outre cela, un corps paroît avoir d’autant plus d’élasticité qu’il est plus froid, apparemment parce que ses parties sont alors plus resserrées ; ainsi une corde de violon retentit avec plus de force en hyver qu’en été. L’élasticité de tous les corps reste constamment la même dans le vuide que dans l’air, pourvû seulement qu’on ait soin que ces corps ne deviennent ni humides, ni secs, ni froids, ni chauds. Musschenbr. essai de Phys. §. 448. & suiv.

On est fort partagé sur la cause de cette propriété des corps : les Cartésiens la déduisent d’une matiere subtile qui fait effort, selon eux, pour passer à-travers des pores devenus plus étroits ; ainsi, disent-ils, en bandant où comprimant un corps élastique, par exemple un arc, ses particules s’éloignent l’une de l’autre du côté convexe, & s’approchent du côté concave, & par conséquent les pores se retrécissent du côté concave ; desorte que s’ils étoient ronds auparavant, ils deviennent ovales ; & la matiere du second élément tâchant de sortir des pores ainsi retrécis, doit en même tems faire effort pour rétablir le corps dans l’état où il étoit lorsque les pores étoient plus ouverts & plus ronds, c’est-à-dire avant que l’arc fût bandé. Voyez Cartésianisme.

D’autres philosophes expliquent l’élasticité à-peu-près comme les Cartésiens ; mais avec cette legere différence, qu’au lieu de la matiere du second élément des Cartésiens, ils substituent l’éther, ou un milieu très-subtil qui traverse librement les pores. Voyez Ether.

Ces explications vagues sont bien éloignées de nous apprendre d’une maniere claire & distincte la cause de l’élasticité : car si les pores sont retrécis d’un côté, ils sont élargis de l’autre, de l’aveu des Cartésiens ; par conséquent la matiere subtile qui sort d’un côté, ira remplir les espaces qui lui sont pour ainsi dire ouverts à la surface convexe ; & elles les remplira avec d’autant plus de facilité, que cette matiere, selon les Cartésiens, est capable de prendre toutes sortes de figures, & ne tend à en conserver aucune.

C’est pourquoi le corps restera dans l’état de compression où il a été mis, & dont la matiere subtile ne peut avoir aucune action pour le tirer. D’ailleurs il paroît difficile d’expliquer par l’action de cette matiere, les vibrations successives des corps élastiques ; car une corde de violon, par exemple, qui a été frappée, ne se rétablit pas d’abord dans son premier état : quand elle est lâchée, non-seulement elle se débande, mais elle se jette du côté opposé, où elle forme une nouvelle courbure, & revient ensuite, en passant au-delà de son état de repos, pour former une nouvelle courbe : or comment par le simple écoulement d’un liquide, un corps peut-il faire autre chose que de se remettre dans la situation où il étoit ?

D’autres philosophes, à la tête desquels est le P. Malebranche, ont attribué l’élasticité à de petits tourbillons de matiere, dont ils ont supposé que tous les corps étoient remplis. Ces tourbillons, selon eux, sont applatis par la compression, & changent leur figure sphérique en une figure ovale ; alors leur force centrifuge les rétablit dans leur premier état, aussi bien que les parties des corps dans lesquelles ils sont engagés. Mais sur quoi est fondée l’existence de ces petits tourbillons ? elle n’est pas appuyée sur des fondemens plus solides que celle des grands tourbillons de Descartes. Voyez Tourbillon. D’ailleurs, pourquoi l’action de ces tourbillons n’est-elle pas la même dans tous les corps, & pourquoi tous les corps dans ce système ne sont-ils pas élastiques ?

D’autres philosophes ont attribué l’élasticité à l’action de l’air ; mais ce sentiment tombe de lui-même, puisque l’élasticité subsiste dans la machine du vuide.

D’autres ont crû que la matiere subtile, ou l’éther, étoit lui-même élastique ; mais ce n’est pas là une explication : car on demandera de nouveau d’où peut provenir l’élasticité de l’éther, & la difficulté restera toûjours la même.

D’autres enfin abandonnant la supposition gratuite de la matiere subtile, déduisent la cause de l’élasticité de l’attraction, cette grande loi de la nature, qui est, selon eux, la cause de la cohésion des solides & des corps durs. Voyez Cohésion.

Supposons, disent-ils, qu’un corps dur soit frappé ou bandé de façon que les parties composantes sortent un peu de leur place, & s’éloignent un peu les unes des autres, mais sans se quitter tout-à-fait, & sans se rompre ou se séparer assez pour sortir de la sphere de cette force attractive qui les fait adhérer les unes aux autres ; alors il faudra nécessairement, lorsque la cause extérieure cessera d’agir, que toutes ces parties retournent à leur état naturel. Voyez Attraction.

Cette explication ne paroît guere plus fondée que les précédentes à bien des philosophes ; car, disent-ils, il faudroit d’abord prouver l’existence de cette attraction entre les particules des corps terrestres.