Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voyez Attraction. Il faudroit prouver de plus que cette attraction produit l’adhérence des parties. Voyez Adhérence, Cohésion, & Dureté. D’ailleurs, en attribuant l’élasticité à l’attraction des parties, il resteroit à faire voir comment l’attraction ne produit l’élasticité que dans certains corps. Rien n’est si contraire à l’avancement de la Physique, que les explications vagues & sans précision. Il faut savoir douter & suspendre notre jugement dans les effets dont nous ne connoissons point les causes, & l’élasticité paroît être de ce nombre.

Ce que nous venons de dire ne s’adresse qu’aux philosophes audacieux, qui prenant les phantômes de leur imagination pour les secrets de la nature, croyent rendre raison des phénomenes par des hypotheses hasardées & sans fondement, qu’ils regardent comme des démonstrations. Il n’en est pas de même de ceux qui portant dans l’étude de la nature la sagacité & la sagesse de l’esprit observateur, ont la modestie de ne donner que pour de simples conjectures, des vûes souvent heureuses & fécondes. Telles sont celles que propose M. Diderot sur la cause de l’élasticité, dans ses Pensées sur l’interprétation de la Nature, ouvrage plein de reflexions profondes & philosophiques.

M. Diderot remarque d’abord que quand on frappe une corde d’instrument divisée en deux parties par un leger obstacle, il s’y forme des ventres & des nœuds. Il pense qu’il en est de même de tout corps élastique ; que ce phénomene a plus ou moins lieu dans toute percussion ; que les parties oscillantes & les nœuds sont les causes du frémissement qu’on éprouve au toucher dans un corps élastique frappé ; que ce frémissement, ainsi que celui des cordes frappées, est plus ou moins fort, suivant la violence du coup, mais toûjours isochrone ; qu’ainsi on devroit appliquer au choc des corps élastiques, les lois des vibrations des cordes. Voyez Corde & Percussion.

De plus, imaginons que des molécules de matiere qui agissent les unes sur les autres par attraction, c’est-à-dire en général par quelque cause inconnue (car M. Diderot ne considere ici l’attraction que sous ce point de vûe), se disposent entr’elles d’une certaine maniere par leur action mutuelle ; il est visible que si on dérange ces particules, elles tendront à se remettre dans leur premier état, ou du moins à se coordonner entr’elles relativement à la loi de leur action, & à celle de la force perturbatrice. Le système formé de telles particules, & que M. Diderot appelle A, est un corps élastique ; & en ce sens, dit-il, l’univers en seroit un : idée neuve, & qu’on peut adopter à bien des égards. Le système A dans le vuide sera indestructible, dans l’univers une infinité de causes tendront à l’altérer. Un corps élastique plié se rompra, quand les parties qui le constituent seront écartées par la force perturbatrice au-delà de la sphere de leur action ; il se rétablira quand l’écartement sera moins fort, & permettra à l’action mutuelle des particules de produire un effet.

Si les particules sont de différente matiere, de différente figure, & agissent suivant différentes lois, il en résultera une infinité de corps élastiques mixtes, c’est-à-dire des systèmes composés de deux ou plusieurs systèmes de particules différentes par leurs qualités & leur action. Si on chasse de ce composé un ou plusieurs systèmes, ou qu’on y en ajoûte un nouveau, la nature du corps changera ; ainsi le plomb diminuera d’élasticité, si on le met en fusion, c’est-à-dire si on coordonne entre ses particules un autre système composé de molécules d’air & de feu, qui le constituent plomb fondu. Voyez dans l’ouvrage cité, l’explication détaillée des conjectures de M. Diderot, que nous exposons ici dans un raccourci qui leur fait tort.

Lois de l’élasticité. Pour venir à bout de découvrir la nature & les lois de l’élasticité, nous en considérerons les phénomenes. Nous supposerons donc d’abord que tous les corps dans lesquels on observe cette puissance, soient composés ou puissent être conçûs composés de petites cordes ou fibres qui par leur union constituent ces corps ; & pour considérer l’élasticité dans le cas le plus simple, nous prendrons pour exemple les cordes de musique.

Les fibres n’ont d’élasticité qu’autant qu’elles sont étendues par quelque force, comme on voit par les cordes lâches, qu’on peut faire changer facilement de position, sans qu’elles puissent reprendre la premiere qu’elles avoient, quoique cependant on n’ait pas encore détermine exactement par expérience, quel est le degré de tension nécessaire pour faire appercevoir l’élasticité.

Quand une fibre est trop tendue, elle perd son élasticité. Quoiqu’on ne connoisse pas non plus le degré de tension qu’il faudroit pour détruire l’élasticité, il est certain au moins que l’élasticité dépend de la tension, & que cette tension a des limites où l’élasticité commence & où elle cesse.

Si cette observation ne nous fait pas connoître la cause propre & adéquate de l’élasticité, elle nous fait voir au moins la différence qu’il y a entre les corps élastiques & les corps non-élastiques ; comment il arrive qu’un corps perd son élasticité, & comment un corps destitué de cette force, vient à l’acquérir. Ainsi une plaque de métal devient élastique à force d’être battue ; & si on la fait chauffer, elle perd cette propriété.

Entre les limites de tension qui sont les termes de l’élasticité, on peut compter différens degrés de force nécessaires pour donner différens degrés de tension, & pour tendre les cordes à telle ou telle longueur. Mais quelle est la proportion de ces forces par rapport aux longueurs des cordes ? c’est ce qu’on ne sauroit déterminer que par des expériences faites avec des cordes de métal ; & comme les allongemens de ces cordes sont à peine sensibles, il s’ensuit de-là qu’on ne sauroit mesurer directement ces proportions ; mais qu’il faut pour cela se servir d’un moyen particulier & indirect. Gravesande s’est donné beaucoup de peine pour déterminer ces lois : voici le résultat des expériences qu’il a faites pour cela.

1°. Les poids qu’il faut pour augmenter une fibre par la tension jusqu’à un certain degré, sont dans différens degrés de tension, comme la tension même. Si, par exemple, nous supposons trois fibres de même longueur & de même épaisseur, dont les tensions soient comme 1, 2, 3, des poids qui seront dans la même proportion les tendront également.

2°. Les plus petits allongemens des mêmes fibres seront entr’eux à-peu-près comme les forces qui les allongent ; proportion qu’on peut appliquer aussi à leur inflexion.

3°. Dans les cordes de même genre, de même épaisseur & également tendues, mais de différentes longueurs, les allongemens produits en ajoûtant des poids égaux, sont les uns aux autres comme les longueurs des cordes ; ce qui vient de ce que la corde s’allonge dans toutes ses parties, & que par conséquent l’allongement d’une corde totale est double de l’allongement de sa moitié, ou de l’allongement d’une corde soûdouble.

4°. On peut comparer de la même maniere les fibres de même espece, mais de différente épaisseur, en comparant d’abord un plus ou moins grand nombre de fibres déliées de la même épaisseur ; & prenant ensuite le nombre total des fibres, en raison de la solidité des cordes, c’est-à-dire comme les quarrés des diametres des cordes, ou comme leur poids, lorsque