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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/490

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médiocre électricité par un tems sec, paroissent n’en point avoir du tout dans un tems humide & pluvieux, & c’est sans doute parce que les grandes chaleurs sont presque toûjours accompagnées d’humidité, que les expériences sur l’électricité réussissent moins bien en été qu’en hyver.

Cependant cette condition n’est pas plus essentielle que le frotement à la production de l’électricité : l’humidité enleve & détourne la matiere électrique, mais elle n’empêche pas qu’elle ne soit excitée ; elle ne nous ôte que l’apparence de ses effets sans les anéantir véritablement : car si on respire sur un morceau d’ambre échauffé, ou sur un tuyau de verre, immédiatement après qu’ils auroient été frotés, ils cesseront tout-à-coup de paroître électriques, mais leur vertu se rétablira aussi-tôt que l’humidité se sera évaporée, ensorte qu’ils produiront comme auparavant tous leurs effets d’attraction & de répulsion.

La flamme paroît nuire plus positivement à l’électricité ; en approchant seulement une bougie allumée d’un tube de verre froté, ou d’une barre de fer électrisée par communication, on voit sensiblement diminuer leur vertu électrique, lors même que la bougie en est encore éloignée de 12 à 15 pouces. Cette vertu disparoît à vûe d’œil, à mesure qu’on approche la bougie de plus près ; ensorte que si on porte subitement la flamme sur ces corps électriques, leur vertu cesse aussi-tôt, & ne se rétablit qu’avec peine par un nouveau frotement. Le charbon & tous les corps embrasés produisent le même effet, aussi bien que les métaux qu’on a fait rougir jusqu’au blanc : ceux-ci n’ont cependant pas la même propriété, quand ils sont seulement bien échauffés & qu’ils ne commencent qu’à rougir ; ce qui prouveroit que ce n’est pas par l’effet de la chaleur que disparoît la vertu électrique, mais plûtôt par l’effet des vapeurs & des émanations particulieres que les corps embrasés laissent échapper. On s’attend bien par cet effet de la flamme sur les corps actuellement électriques, que les corps enflammes ne sauroient guere être attirés ; aussi l’approche d’un tube électrique n’excite-t-elle aucun mouvement dans la flamme d’une bougie, ni dans un morceau de papier enflammé & suspendu par un fil.

On ignore quel est le plus électrique de tous les corps, à cause de la difficulté qu’il y a de les comparer exactement volume à volume ; cependant on a reconnu en général que le diamant & les pierres précieuses, le crystal de roche, &c. deviennent plus fortement électriques que les corps résineux : mais il n’y en a pas dont les Physiciens se soient plus servis que du verre, tant parce qu’il est naturellement très-électrique, que parce que l’on a la facilité de lui donner toute sorte de formes commodes, comme celle d’un tube, d’un globe ou d’un cylindre. Le tube a ordinairement trois piés de longueur, un pouce & demi de diametre, & une ligne & demie d’épaisseur : ces dimensions ne sont que commodes, & ne sont point essentielles pour produire de l’électricité : il est plus avantageux qu’il soit fermé hermétiquement par une de ses extrémités, & que l’on puisse boucher l’autre avec un bouchon de liége, pour empêcher la poussiere & l’humidité de s’y introduire. On le frote suivant sa longueur après l’avoir un peu séché au feu ; & de toutes les matieres qu’on peut employer pour le froter, il n’y en a pas qui réussisse mieux que la main seche, ou garnie d’un morceau de papier pour en absorber l’humidité. Les effets de cet instrument sont très-sensibles, il est souvent le plus commode, & c’est par son moyen que les Physiciens ont fait leurs principales découvertes sur l’électricité.

Pour éviter la fatigue du frotement, & aussi pour rendre les phénomenes électriques beaucoup plus

forts & plus apparens, on a substitué au tube un globe de verre creux, d’environ un pié de diametre & aussi d’une ligne & demie d’épaisseur : par le moyen de deux calotes de bois tournées & mastiquées extérieurement aux endroits de ses poles, on peut le retenir entre deux pointes comme les ouvrages du tour, & le faire tourner rapidement sur son axe par le mouvement d’une grande roue semblable à celle dont se servent les couteliers. (Voyez la figure 78 expliquée dans nos Planches de Physique.) En appliquant les mains sous l’équateur de ce globe, tandis qu’il tourne avec rapidité, on excite sur cette partie de sa surface un mouvement beaucoup plus vif qu’on ne peut faire avec le tube, la matiere électrique est excitée en bien plus grande abondance, & il en résulte de plus grands effets. Quoiqu’il soit plus avantageux de froter ce globe avec les mains nues & bien seches, quelques Physiciens ont imaginé pour une plus grande simplicité & uniformité, de le froter avec un coussinet un peu concave & serré convenablement contre l’équateur du globe ; ils ont employé avec succès différentes matieres pour recouvrir ce coussinet, & quelques-uns ont préféré une feuille de papier doré, dont la dorure est appliquée contre le globe. L’usage du coussinet a fait imaginer de substituer au globe un vaisseau de verre cylindrique, qu’on peut faire tourner & froter de la même maniere. Voyez la figure 79.

Le verre froté sous l’une ou l’autre de ces formes, acquiert en peu de tems une vertu électrique très considérable, elle se fait appercevoir par le mouvement des corps legers qu’il attire vivement à la distance de deux à trois piés ; on sent alors, en approchant le visage ou la main, l’impression de la matiere électrique qui se répand de dessus le verre, & qui fait l’effet d’un voile délié qu’on passeroit très-legerement sur la peau de ces parties. Ces émanations continuent à se répandre tant que l’on frote le verre ; & lorsqu’on cesse de froter, elles continuent encore quelque tems en diminuant graduellement jusqu’à ce qu’enfin elles s’évanoüissent.

L’application des autres corps électriques bien secs, sur la superficie du tube ou du globe frotés, ne diminue pas sensiblement leur vertu : on a beau les toucher en différens endroits avec un autre tube de verre, un morceau d’ambre, de soufre ou de cire d’Espagne, on n’appercevra aucun changement ni dans l’étendue de leurs émanations ni dans leur vivacité à attirer ou à repousser les corps legers, non plus que dans la durée de leur vertu. Au contraire le voisinage des corps non électriques, ou leur application immédiate sur le tube, diminue très promptement l’électricité qu’on a produite par le frotement, ensorte qu’on éteint presqu’en un moment toute sa vertu, en l’empoignant dans l’endroit où il a été froté, ou bien en le présentant par cet endroit à du métal ou à quelqu’autre corps aussi peu électrique.

Cette propriété qu’ont les métaux d’éteindre presque en un instant la vertu d’un corps électrique froté, n’a lieu qu’autant qu’ils établissent une communication entre le corps électrique & la terre, au moyen de laquelle les émanations qu’il répand se dirigent & se transmettent promptement à notre globe ; car si l’on applique à l’extrémité d’un tube un corps non électrique quelconque, comme un morceau de métal ; & qu’on frote le tube à l’ordinaire, en prenant garde que ce corps qu’on aura attaché au tube ne touche point à aucun autre, non seulement ce métal ne diminuera pas la vertu du tube, parce qu’il n’établit plus de communication avec la terre, mais il deviendra lui-même électrique, & sera capable d’attirer & de repousser les petits corps legers.