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vages, qui annonçoient le même succès. Mais comme depuis long-tems on a pris le sage parti de ne pas tirer des inductions trop précipitées, & de ne point annoncer de découvertes qu’elles ne soient constatées par un grand nombre de faits, l’académie royale des Sciences chargea M. l’abbé Nollet de répéter la nouvelle expérience, en suivant la méthode de M. Jallabert. M. le comte d’Argenson, ministre de la guerre, donna les ordres nécessaires pour que les expériences pussent être faites à l’hôtel royal des Invalides. Elles y ont été suivies long-tems & avec beaucoup d’attention, sur un grand nombre de soldats paralytiques, en présence de plusieurs medecins & chirurgiens ; mais le résultat n’en a pas été favorable, nulle guérison, pas même aucun effet qui la fît espérer. On a seulement observé ces mouvemens spontanés ou convulsifs dans les différens muscles d’où on tiroit les étincelles ; ce qui est toûjours un fait très-singulier.

[Les habiles gens, tels que M. l’abbé Nollet, ne sont pourtant pas aisément incrédules sur les ressources de la nature. Comme on mandoit d’Italie de très-belles choses concernant les bons effets de l’électricité médicinale, ce célebre académicien conçut le dessein de juger par lui-même de ces prodiges, dont il paroissoit qu’on avoit eu jusqu’alors le privilége exclusif au-delà des Alpes. D’autres raisons littéraires concoururent à faire exécuter ce projet. M. l’abbé Nollet se rendit à Turin, opéra avec M. Bianchi célebre medecin de ce pays-là, répéta sur un grand nombre de malades les expériences électriques sans aucun succès marqué : ainsi tous les phénomenes publiés à Turin en faveur de l’électricité médicinale, resterent sans preuves suffisantes, & même combattus par un témoignage authentique.

M. l’abbé Nollet étoit comme le député de tout l’ordre des Physiciens françois, allemands, anglois, de tous ceux en un mot qui ne voyoient dans aucune expérience la vertu curative de l’électricité. Il se transporta à Venise, où M. Pivati le plus célebre orateur des guérisons électriques exerce ses talens ; le même dont on a vu l’ouvrage electricita medica traduit en françois, auquel tous les bons zélateurs des nouvelles découvertes avoient fait accueil, parce qu’on ne le soupçonnoit pas d’infidélité, ou de broderie surabondante. Il étoit réservé à M. Nollet de bien pénétrer le vrai des choses : tout l’attelier de M. Pivati demeura sans action en présence du voyageur françois ; on n’osa pas même tenter les opérations ; & quand on vint à faire mention de la guérison fameuse de l’évêque de Sebraïco, il se trouva que le prélat n’avoit jamais été guéri par l’électricité ; & quand M. l’abbé Nollet interrogea les personnes du pays sur les merveilles électriques de M. Pivati, il ne se trouva qu’un medecin de ses amis qui pût dire avoir vû quelque chose de réel : d’où il est bien aisé de conclure que l’électricité médicinale n’a pas fort brillé à Venise. Restoit encore Bologne, où M. l’abbé Nollet poursuivit ces phantomes de guérisons. M. Veratti medecin de cette ville, & aussi prévenu en faveur de la merveille, conversa de bonne-foi avec l’académicien françois ; & dans ces conférences le ton affirmatif des livres imprimés sur ce sujet, baissa beaucoup. Il ne resta plus que des doutes & des espérances]. Ce qui vient d’être dit, renfermé entre deux crochets, est tiré des mémoires de Trévoux, Avril 1751. art. 43.

De l’histoire de tous ces faits connus, il paroît résulter que la Medecine ne doit pas se flater de tirer un grand avantage des nouvelles expériences de l’électricité. On n’est cependant pas en droit d’en conclure l’inutilité absolue ; peut-être n’y a-t-il qu’une espece assez rare de paralysie qui puisse en attendre quelque secours, ou peut-être y a-t-il dans ces ma-

ladies quelque circonstance favorable qu’on n’a point

encore apperçûe, & sans laquelle point de succès. Le peu que l’on en a eu, suffit pour encourager à faire de nouvelles tentatives, non-seulement dans le cas de paralysie, mais pour plusieurs autres maladies ; où la raréfaction des liqueurs du corps humain, son accélération dans les vaisseaux, l’augmentation de la transpiration insensible, la fonte des humeurs, les vives secousses, ou l’ébranlement des parties solides, pourroient être utiles : car un grand nombre d’expériences semble prouver que tous ces effets sont dûs à l’électricité appliquée au corps humain ; & d’ailleurs la matiere électrique joue peut-être un plus grand rôle qu’on ne pense dans l’œconomie animale. (d)

* ELECTRIDES, s. m. pl. (Myth. & Géog. anc.) îles supposées par la fable à l’embouchure du Pô. Ce fut dans une de ces îles que tomba Phaéton foudroyé. Le lac qui le reçut en avoit conservé une grande chaleur, & une odeur de souffre funeste aux oiseaux qui s’y exposoient. On ajoûte qu’on y trouvoit beaucoup d’ambre, en grec ἤλεκτρον, d’où vient le nom d’Electrides.

ELECTRIQUE, adj. (Physiq.) on appelle ainsi tout ce qui reçoit ou communique l’électricité. Ainsi on dit vertu électrique, matiere électrique, corps électrique, &c. Voyez Electricité.

ELECTRISER, v. act. (Physiq.) c’est donner à un corps la vertu électrique, ou l’électricité. Voyez Electricité.

ELECTROMETRE, s. m. (Physiq.) c’est le nom d’un instrument, qui sert à mesurer la force de l’électricité. Il est formé des mots grecs, ἤλεκτρον, ambre, & μέτρον, mesure.

Avant que d’en donner la description, il est à-propos de faire quelques réflexions sur les avantages qu’on retire dans la Physique des instrumens de cette espece, c’est-à-dire qui servent à mesurer les divers degrés d’une force ou d’une vertu dont on observe les effets.

L’ignorance où nous sommes sur la plûpart des causes & sur la chaîne des effets qui en dépendent, fait que souvent nous croyons que tels & tels effets sont produits par différentes causes, lorsqu’ils résultent uniquement du plus ou moins de force de la même cause ; comme on pourroit le prouver par des des exemples sans nombre. On ne peut donc trop s’attacher dans la Physique à observer la parité des circonstances ; afin 1°. d’obvier aux variétés qui pourroient naître de la différence de ces circonstances, ou au moins de pouvoir reconnoître à quoi l’on peut attribuer ces variétés ; 2°. de pouvoir répéter les mêmes expériences, avec quelque certitude d’observer les mêmes phénomenes ; 3°. enfin pour les décrire de façon que les autres puissent avoir un succès semblable en les répétant, ou si cela n’arrive pas, qu’ils puissent démêler la cause qui les en a empêché. Aussi voyons-nous souvent les plus grands physiciens descendre, dans la description de leurs expériences, dans des détails qui peuvent sembler minutieux à des personnes qui ont peu étudié la nature, mais qui n’en paroissent pas moins nécessaires aux yeux de ceux qui l’ont suivie de plus près. Ils savent bien que dans plusieurs occasions les circonstances qui nous paroissent peu importantes, sont souvent celles qui produisent ces irrégularités que nous remarquons avec tant d’étonnement. On ne peut donc observer trop soigneusement la parité des circonstances. Mais comment le fera-ton, si l’on n’a pas des moyens de s’assûrer que la cause principale qui opere les phénomenes que l’on observe, est toûjours à-peu-près la même, ou si elle change, quelle est la nature de ses variations ? Or c’est à quoi on ne peut parvenir que par des instrumens tellement construits relativement