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à la nature de cette cause, qu’ils nous indiquent aussi sûrement qu’il est possible ses divers changemens : on voit par-là combien il est utile de multiplier les instrumens de cette espece. On sait assez les avantages que l’on a retiré des barometres & des thermometres, depuis sur-tout qu’on a fait ces derniers sur des échelles, de maniere à pouvoir comparer leurs divers degrés de froid & de chaud dans différens climats.

Or s’il y a une partie de la Physique où un instrument de l’espece de ceux dont je viens de parler soit nécessaire, c’est sûrement dans l’électricité qui est si changeante, tantôt forte, tantôt foible ; le seul changement de position des mains par rapport à l’équateur du globe que l’on frote, l’augmente ou la diminue. Si donc l’on n’est pas en état d’estimer ou de connoître les variations de cette force, on sera à tout moment exposé à tirer de fausses conséquences des expériences les plus simples ; & il n’y a presque pas lieu de douter, que si plusieurs physiciens ont embrassé des sentimens différens sur divers phénomenes de l’électricité, c’est par cette raison ; parce que l’un ayant fait ses expériences avec une électricité plus forte que l’autre, cette seule différence dans la force a suffi pour en produire de telles dans les effets qu’elles les ont portés à en déduire des conséquences très-différentes. Un électrometre les eût bien-tôt mis d’accord, en leur faisant voir que ces différences qu’ils ont observées, ne naissoient que de celle de la force électrique. Ceci nous montre clairement combien cet instrument est nécessaire pour faire avec quelque succès des expériences sur cette matiere. Il y a plus : c’est qu’avec des instrumens de cette espece bien construits & universels comme le thermometre, c’est-à-dire dont on pourroit comparer les degrés d’élévation dans différens pays, on pourroit peut-être parvenir à décider une question importante ; savoir, si l’électricité a le même degré de force dans les différens climats ; si elle est plus forte dans les septentrionaux que dans les méridionaux, & de combien.

La nécessité de cet instrument étant établie, il ne reste plus qu’à choisir parmi les divers phénomenes de l’électricité, celui qui est le plus propre à donner une mesure exacte & générale de la force électrique ; mais c’est ce qui n’est pas difficile à faire, la répulsion étant le seul dont on puisse faire usage dans cette vûe. Car si l’on y employe l’attraction, ce sera celle d’un corps soûtenu ou par des non électriques ou par des électriques par eux-mêmes : dans le premier cas, à mesure que le corps sera attiré, il dérobera de l’électricité à celui qui l’attire, & ainsi cette vertu se perdant à chaque instant, on n’en pourra estimer la force : dans le second, le corps s’électrisant à mesure qu’il est attiré, & cet effet diminuant instantanement la force avec laquelle il est attiré, cette maniere ne pourra encore servir de mesure ; parce qu’on pourra attribuer à la diminution de l’électricité dans le corps attirant, ce qui sera produit uniquement par l’électrisation du corps attiré ; si l’on se sert des aigrettes, elles augmenteront ou diminueront, non-seulement selon le nombre & la figure des parties aiguës du système des corps électrisés, mais encore selon que les corps non électriques circonvoisins en seront plus ou moins près. De plus ces aigrettes étant formées par le fluide électrique qui s’échappe des corps électrisés, l’électricité diminuera d’autant plus que ces corps auront un plus grand nombre de points ou de parties capables de rendre des aigrettes, & que ces parties seront plus aiguës. Ce moyen sera donc encore imparfait ; puisqu’outre son incertitude, on ne pourra en faire usage sans faire perdre aux corps électriques une partie de leur électricité. Enfin les étincelles n’en fournissent pas un plus certain ; car ces étincelles sont plus fortes

ou plus foibles selon que la masse des corps électrisés est augmentée ou diminuée, selon que l’on les tire de parties plus ou moins lisses de la surface d’un même corps, ou que l’on les tire avec des corps qui approchent plus ou moins de la figure sphérique. Voyez Electricité. Il résulte de tout cela que la répulsion, comme je l’ai dit, est le seul moyen sûr & général dont on puisse se servir pour mesurer la force électrique : c’est aussi celui que nous avons employé M. le chevalier d’Arcy & moi dans l’instrument dont je donnerai la description dans un moment, & qui est, si je ne me trompe, le premier électrometre que l’on ait exécuté. Cependant on dira peut-être, comme je sais qu’on l’a déja fait, qu’il est trop-tôt de penser à un électiometre ; qu’il faut avant toutes choses que ce que l’on veut mesurer soit saisissable de tout point, sans quoi la mesure ne fait qu’embrouiller. Mais je demanderai ce qu’on entend par ce saisissable de tout point : si on entend qu’un électrometre doit mesurer à-la-fois l’attraction, la répulsion, la grandeur des aigrettes, la force des étincelles, &c. c’est demander un être chimérique. Mais si l’on entend seulement qu’en mesurant la force électrique, ou en nous montrant ses variations, il doit nous indiquer toutes celles qui en doivent résulter dans les phénomenes dont je viens de faire mention (lorsque toutes les circonstances restent absolument les mêmes), on a raison ; & c’est, je puis l’assûrer, ce que fait l’électrometre dont il sera question dans cet article. Car si toutes les circonstances d’un système de corps électriques restent les mêmes ainsi que celles des corps qui les environnent ; quand cet instrument marquera que la force électrique est augmentée, les aigrettes des corps électrisés deviendront plus grandes & plus vives, l’attraction sera plus forte, & les étincelles que l’on tirera avec le même corps & des mêmes points de la surface d’un des corps électrisés, seront aussi plus fortes, &c. Mais si l’on suppose la figure de ces corps changée, leur masse augmentée ou diminuée, & les corps circonvoisins plus près ou plus éloignés ; alors l’électrometre n’indiquera ni ne pourra indiquer diverses variétés des phénomenes dont je viens de parler, qui résultent uniquement de ces changemens de masse, de figure, &c. parce qu’ils suffisent, comme je l’ai exposé plus haut, pour produire des différences dans ces phénomenes, quoique la force électrique soit toujours au même dégré dans chaque partie qui compose le système de corps électrisés.

Il suit de tout ceci, qu’il n’est point trop tôt pour penser à un instrument servant à mesurer la force de l’électricité ; que la repulsion nous fournit un moyen sûr & général de le faire ; & qu’un électrometre construit en conséquence, loin d’embrouiller, peut au contraire éclaircir beaucoup de difficultés ; & c’est j’ose dire, ce qu’a fait l’électrometre suivant, nous ayant servi à M. d’Arcy & à moi à nous assûrer de plusieurs faits, & entr’autres de ceux-ci : savoir, 1°. que la force électrique est toûjours comme les surfaces & non comme les masses. 2° : qu’elle a la propriété des fluides qui par les lois de pression se répandent toûjours également quels que soient les canaux de communication, &c. Voyez Electricité. Voyez les mémoires de l’Academie de 1749. pag. 63.

Description de l’électrometre. Dans un grand vase AB plein d’eau (Pl. Phys. fig. 75), on plonge une bouteille CD de verre, que les marchands appellent œuf philosophique ; à l’extrémité de cette bouteille, on adapte une verge V parfaitement cylindrique d’une ligne de diametre & de 12 pouces de long. Le vase AB se recouvre d’une plaque de laiton H percée d’un grand trou à son centre (qui est aussi celui du vase), afin que la verge puisse passer à-tra-