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recevoir de ceux qui ont affaire à eux, aucuns dons & présens de quelque chose que ce soit, sur peine de concussion : ainsi aucun juge ne peut plus recevoir de présens, même de gibier, vin, ou autres choses semblables.

Les épices étoient dans leur origine, des présens volontaires de dragées & confitures que celui qui avoit gagné son procès, avoit coûtume de faire aux juges ; ce qui passa en usage & devint de nécessité : elles furent ensuite converties en argent, & autorisées par divers réglemens. Voyez Épices.

Sur les présens faits aux juges, ou qu’ils exigeroient des parties, voyez Bartol. in l. lex julia, §. ad. parent. ff. ad legem juliam repetund. l. plebiscito, ff. de off. præsid. l. solent. §. non vero, ff. de off. proconsul. (A)

Don gratuit, signifie en général ce qui est donné volontairement & sans nulle contrainte, par pure libéralité, & sans en retirer aucun intérêt ni autre profit.

On a donné le nom de don gratuit aux subventions que le clergé & quelques-uns des pays d’états payent au roi. Nous parlerons ci-après des dons gratuits du clergé.

Pour ce qui est des dons gratuits que certains pays d’états accordent au roi de tems en tems, c’est un usage qui paroît venir des dons & présens que la noblesse & le peuple faisoient tous les ans au roi sous les deux premieres races. Ces pays d’états se sont conservés dans cet usage, & ont appellé don gratuit ce que la province paye tous les trois ans pour tenir lieu des impositions que payent les autres sujets du roi.

Il y a dans ces pays d’états un don gratuit ordinaire, qui est d’une somme fixe par an ; un don gratuit extraordinaire, dont l’intendant fait la demande aux états, & que l’on regle à une certaine somme pour les trois années.

Outre ces dons gratuits, la province paye encore au roi, dans les tems de guerre & autres besoins pressans de l’état, des secours extraordinaires.

C’est ainsi que l’on en use dans la province du duché de Bourgogne.

Les états de Bretagne & de Languedoc accordent aussi un don gratuit au roi.

Les états de la principauté souveraine de Dombes payoient aussi autrefois tous les sept ou huit ans un don gratuit au prince ; mais depuis quelques années l’imposition de la taille ayant été établie par l’autorité du prince, a pris la place de ce don gratuit. (A)

Don gratuit du Clergé, est une subvention ou secours d’argent que le clergé de France paye de tems en tems au roi pour les besoins de l’état.

On appelle ces dons gratuits, ce qui ne devroit signifier autre chose, sinon qu’ils ne sont point faits à titre de prêt, & que le clergé ne retire aucun intérêt des sommes qu’il paye au roi ; cependant l’idée que l’on a attachée communément aux termes de don gratuit, est que c’est une subvention offerte volontairement par le clergé, & non pas une imposition faite par le roi ; & c’est en ce sens que les subventions payées par le clergé, sont aussi nommées dans quelques anciennes ordonnances, dons charitatifs.

Il est certain que le clergé prévient ordinairement par des offres volontaires, les secours que le roi est en droit d’attendre de lui pour les besoins de l’état ; il y a néanmoins quelques exemples de sommes qui ont été imposées sur le clergé, en vertu seulement de lettres-patentes du roi ou d’arrêts du conseil, ainsi qu’on le remarquera en son lieu.

Les subventions que le clergé fournit au roi, étoient autrefois toutes qualifiées d’aides, dixiemes ou décimes.

Depuis 1516, tems auquel les décimes devinrent ordinaires & annuelles, le clergé commença à les qualifier de dons & de présens, ou de dons gratuits & charitatifs, équipollens à décimes.

Lorsqu’on imposa en 1527 deux millions sur tous les sujets du roi, pour la rançon des enfans de François I. il fut question dans un lit de justice tenu à ce sujet le 20 Décembre de cette année, de régler comment le clergé contribueroit à cette imposition : le cardinal de Bourbon dit que l’église pourroit donner & faire présent au roi de 130000 liv. mais ces offres furent rejettées, & le clergé fut imposé comme les autres sujets du roi.

Le clergé ayant octroyé à François I. trois décimes en 1534, il y eut deux déclarations rendues à cette occasion les 28 Juillet & 19 Août 1535, dans lesquelles ces trois décimes sont qualifiées de don gratuit & charitatif, équipollent à trois décimes ; c’est-à-dire que ce don revenoit à ce que le clergé auroit payé pour trois années de décimes.

La déclaration d’Henri II. du 19 Mai 1547, au sujet des décimes, est adressée entr’autres personnes, à tous commissaires commis & à commettre pour faire payer les deniers-subsides, dons & octrois charitatifs qui pourroient ci-après être imposés sur le clergé.

Au lit de justice tenu par Henri II. le 12 Fév. 1551, le cardinal de Bourbon s’énonça encore à-peu-près comme en 1527. Il dit « que s’étant assemblés la veille jusqu’à six cardinaux, & environ trente archevêques & évêques, tous d’un commun accord avoient arrêté donner au roi si grande part en leurs biens, qu’il auroit matiere de contentement ».

Henri II. par un édit du mois de Juin 1557, créa un receveur de toutes les impositions extraordinaires, y compris les dons gratuits des ecclésiastiques ; & par une déclaration du 3 Janvier 1558, il nomme cumulativement les décimes, dons, octrois charitatifs équipollens à icelles à lui accordées, & qu’il a ordonné être levées sur le clergé de son royaume.

Les dons gratuits proprement dits, dans le sens que ces termes s’entendent aujourd’hui, n’ont commencé à être distingués des décimes, que depuis le contrat passé entre le roi & le clergé le 11 Octobre 1561, appellé communément le contrat de Poissy.

Le clergé prit par ce contrat deux engagemens différens.

L’un fut d’acquitter & racheter dans les dix années suivantes, le sort principal des rentes alors constituées sur la ville de Paris, montant à 7 millions 5 cents 60 mille 56 liv. 16 s. 8 d. & cependant d’en payer les arrérages en l’acquit du roi, à compter du premier Janvier 1568. C’est-là l’origine des rentes assignées sur le clergé, qui ont depuis été augmentées en divers tems, & dont le contrat se renouvelle avec le clergé tous les dix ans. Ce que le clergé paye pour cet objet, a retenu le nom de décimes : on les appelle aussi anciennes décimes ou décimes ordinaires, pour les distinguer des dons gratuits & autres subventions, que l’on comprend quelquefois sous le terme de décimes extraordinaires.

L’autre engagement que le clergé prit par le contrat de Poissy, fut de payer au roi pendant six ans la somme de 1600000 liv. par an ; revenant le tout à 9 millions 6 cents mille livres. C’est-là l’origine des dons gratuits proprement dits, dans le sens que ces termes s’entendent aujourd’hui. Il y a eu depuis ce tems de pareilles subventions fournies par le clergé à-peu-près tous les cinq ans ; & pour cet effet le clergé passe des contrats séparés de ceux des décimes. Il y a encore quelquefois d’autres dons gratuits ou subventions extraordinaires, qui se payent dans les besoins extraordinaires de l’état.