l’évêque pour son voyage. Voyez ci-apr. Don gratuit & Subside charitatif. (A)
Dons corrompables : on appelloit ainsi dans l’ancien style, les présens qui pouvoient être faits aux magistrats & autres juges, pour les corrompre.
Ces sortes de présens ont toûjours été réprouvés par toutes les lois divines & humaines.
L’Ecriture dit que xenia & munera excacant oculos judicum.
Chez les Athéniens un juge qui s’étoit laissé corrompre par argent, étoit condamné à dédommager la partie lésée, en lui rendant le double de ce qu’il lui avoit fait perdre.
Les décemvirs qui rédigerent la loi des douze tables, ne crurent point cette peine suffisante pour réprimer l’avidité des magistrats injustes ; c’est pourquoi la loi des douze tables ordonna qu’un juge ou arbitre donné par justice, qui auroit reçu de l’argent pour juger, seroit puni de mort.
Ciceron dit dans sa quatrieme Verrine, que de tous les crimes il n’y en a point de plus odieux ni de plus funeste à l’état, que celui des juges qui vendent leur suffrage.
Il étoit défendu aux magistrats de rien exiger de ceux qui leur étoient subordonnés ; c’étoit le crime appellé repetundarum, c’est-à-dire de concussion. Voyez Concussion.
Il n’étoit même pas permis aux juges de recevoir les présens qui leur étoient offerts volontairement, excepté esculentum & poculentum, c’est-à-dire des choses à boire & à manger, pourvû qu’elles fussent de peu de valeur, & qu’elles pussent se consommer en peu de jours, comme du gibier ou venaison ; mais les lois condamnent absolument celui qui reçoit des présens un peu considérables. Il paroît néanmoins que l’on s’étoit relâché de la sévérité de la loi des douze tables. Lorsque le juge étoit convaincu d’avoir été corrompu par argent, & d’avoir rendu un jugement injuste, ou d’avoir pris de l’argent des deux parties ; si c’étoit en cause civile, on le condamnoit à restituer le triple, & il étoit privé de son office ; si c’étoit en matiere criminelle, il étoit banni & son bien confisqué.
En France il a toûjours été défendu aux magistrats & autres juges, d’exiger aucuns présens, ni même d’en recevoir de ceux qui ont des affaires pendantes devant eux.
Il paroît seulement que dans la disposition des anciennes ordonnances on n’avoit pas poussé si loin le scrupule & la délicatesse, que l’on fait présentement ; ce que l’on doit imputer à la simplicité, ou, si l’on veut, à la grossiéreté des tems où ces réglemens ont été faits.
L’ordonnance de Philippe-le-Bel, du 23 Mars 1302, article 17, défend aux conseillers du roi de recevoir des pensions d’aucune personne ecclésiastique ou séculiere, ni d’aucune ville ou communauté ; & veut que s’ils en ont, ils y renoncent au plûtôt.
On voit par l’article 40 de la même ordonnance, que les baillis, sénéchaux & autres juges devoient faire serment de ne recevoir directement ni indirectement ni or ni argent, ni autre don mobilier ou immobilier, à quelque titre que ce fût, excepté des choses à manger ou à boire. Ils ne devoient cependant en recevoir que modérément, selon la condition de chacun, & en telle quantité que le tout pût être consommé en un jour, sans dissipation.
S’ils recevoient du vin, ce ne pouvoit être qu’en barrils, ou en bouteilles ou pots, sans aucune fraude ; & il ne leur étoit pas permis de vendre le superflu. C’est ce qu’ordonne l’art. 42.
Il leur étoit aussi défendu, article 43, d’emprunter de ceux qui avoient des causes devant eux, sinon jusqu’à concurrence de 50 liv. tournois ; & à condi-
créancier voudroit leur faire crédit plus long-tems.
On leur faisoit aussi prêter serment de ne faire aucun présent à ceux qui étoient députés du conseil pour aller informer de leur administration ; même de donner rien à leurs femmes, enfans, ou autres personnes subordonnées. Art. 44.
Il est défendu par l’article 48 aux baillis & sénéchaux de recevoir des officiers, qui leur étoient subordonnés, aucun gîte, repas, droit de procuration, ni autres dons.
Enfin l’article 49 leur défend de recevoir aucun présent des personnes religieuses domiciliées dans l’étendue de leur administration, non pas même des choses à manger ou à boire : l’ordonnance leur permet seulement d’en recevoir une fois ou deux l’année, au plus, & lorsqu’ils en seront requis avec grande instance, des chevaliers, seigneurs, bourgeois, & autres personnes riches & considérables.
L’ancienne formule du serment que prêtoit le chancelier de France au roi, porte qu’il ne recevra robes, pensions ou profits d’aucun autre seigneur ou dame, sans la permission du roi, & qu’il ne prendra aucun don corrompable.
On faisoit prêter le même serment à tous les officiers royaux. Il y a à la chambre des comptes une ordonnance de l’an 1454, qui défend à tous officiers de recevoir aucuns dons corrompables, sous peine de privation de leurs offices.
L’ordonnance d’Orléans, du mois de Janv. 1560, défend, article 43, à tous juges, avocats & procureurs, tant des cours souveraines que des siéges subalternes & inférieures, de prendre ni permettre être pris des parties plaidantes, directement, aucun don ou présent, quelque petit qu’il soit, de vivres ou autres choses quelconques, à peine de crime de concussion ; mais cette ordonnance est encore imparfaite, en ce que le même article excepte la venaison ou gibier pris ès forêts & terres des princes & seigneurs qui les donneront.
Cette même ordonnance est cependant moins indulgente pour plusieurs autres officiers.
En effet elle défend, art. 77, aux clercs ou commis des greffiers, d’exiger ni prendre des parties aucune chose que le droit des greffiers, non pas même ce qui leur seroit offert volontairement, à peine contre le greffier qui le permettra ou dissimulera, de privation de son office, & à l’égard du clerc qui exigeroit ou prendroit quelque chose, sous peine de prison & de punition exemplaire.
L’art. 79 défend aux substituts d’exiger ni prendre des parties aucune chose pour la visitation des procès criminels, à peine d’être punis comme de crime de concussion.
L’article 132 de la même ordonnance défend aux élus, procureurs du roi, greffiers, receveurs, & autres officiers des tailles & aydes, de prendre ni exiger des sujets du roi aucun don, soit en argent, gibier, volaille, bétail, grain, foin ou autre chose quelconque, directement ou indirectement, à peine de privation de leurs états ; sans que les juges puissent modérer cette peine.
L’ordonnance de Moulins n’admet point, comme celle d’Orléans, d’exception d’aucuns présens, même modiques ; elle défend purement & simplement, article 19, à tous juges de rien prendre des parties, sinon ce qui est permis par les ordonnances. L’art. 20 fait la même défense aux avocats & procureurs du roi.
On pourroit encore faire quelqu’équivoque sur les termes de cette ordonnance ; mais celle de Blois y a pourvû, art. 114, en défendant à tous officiers & autres ayant charge & commission du roi, de quelqu’état & condition qu’ils soient, de prendre ni