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tueuse, rarescible, ramassée dans quelque partie du corps que ce soit.

Lorsque le scrotum est distendu par des flatuosités, l’enflure qui en résulte est appellée pneumatocele. Lorsque c’est dans la cavité de l’abdomen qu’il se forme un amas de substance aérienne, qui en distend les parois, & les rend susceptibles de retentir comme un tambour, lorsqu’elles sont frappées ; on donne à ce gonflement le nom de tympanite : mais ce ne sont-là que des especes d’emphyseme distinguées par des dénominations particulieres, à cause de la différence du siége.

Cependant il est reçu parmi les Medecins, que l’on doit entendre par emphyseme proprement dit, pris dans un sens plus borné, celui qui occupe toute ou presque toute l’habitude extérieure du corps ; & que l’on appelle tumeur emphysémateuse, celle qui n’occupe que quelque partie de la surface du corps : c’est de ces deux especes d’emphyseme dont il s’agit ici ; les autres sont traitées sous les noms qui les distinguent. Voyez Pneumatocele, Tympanite.

Le siége de l’emphyseme est dans le tissu cellulaire qui est distribué sous toute l’étendue de la peau. « Ce n’est pas une membrane simple, dit M. Winslow, mais un tissu de plusieurs feuillets membraneux attachés les uns aux autres de distance en distance ; de sorte qu’ils forment quantité d’interstices plus ou moins distendus, qui communiquent ensemble, & avec les membranes qui tapissent l’intérieur de la poitrine & du bas-ventre : cette structure est évidemment démontrée tous les jours par les Bouchers ; car lorsqu’ils soufflent un animal récemment tué, ils gonflent non-seulement la membrane adipeuse (qui est la même que le tissu cellulaire, lorsque celui-ci est rempli de graisse), mais l’air pénetre même dans les interstices des muscles & jusqu’aux visceres, où il produit par-tout une espece d’emphyseme artificiel ».....

Les maquignons & les marchands de bœufs se servent aussi quelquefois de cet expédient pour faire paroître les animaux dont ils font commerce, plus pleins, plus gras, selon la dissertation qu’a donnée sur cet artifice Mauchart, eph. nat. cur.

Tavernier (voyage de Perse) dit que l’on procure aussi de ces emphysemes artificiels aux chameaux dans la même intention. Borelli (cent. cxj. obs. 30.) fait mention d’un scélérat qui par le moyen d’un emphyseme artificiel avoit fait de son fils un soufflet animé, &c.

Il n’est pas nécessaire qu’il se fasse aucune rupture dans les parois des cellules pour établir la communication nécessaire pour produire l’emphyseme. Cela est suffisamment prouvé par ce qui arrive à ceux qui ont eu un emphyseme général formé par l’air, qui s’est insinué dans tout le tissu cellulaire sans exciter aucune douleur, en pénétrant par une très-petite plaie faite à la poitrine. Mery, mém. de l’académ. des Sciences, 1717. Moins il y a de suc adipeux dans ce tissu, plus il est susceptible d’admettre l’air dans ses cellules, & de se distendre par les effets de ce fluide. Ce devroit être un spectacle bien singulier qu’un homme tel que l’a vû M. Littre, gonflé d’air par toute l’habitude extérieure du corps, & cela jusqu’à onze pouces d’épaisseur dans les endroits les plus enflés. Observ. cur. de Phys. tome I.

La cause de l’emphyseme est presque toûjours externe, comme il conste par les observations ; il est souvent une suite des plaies faites à différentes parties du corps. Dans le cas, par exemple, dit le docteur Wanswieten où un chirurgien insiste trop à fouiller avec la sonde sous les levres d’une plaie faite aux tégumens de la tête, qui pénetre jusqu’à la membrane adipeuse, pour chercher à s’assûrer si le périoste ou le crâne même est intéressé, l’air s’introduit à la faveur de la sonde dans l’intérieur de la

plaie, dans le tissu cellulaire ; si après cela on vient à rapprocher les bords de la plaie & à la couvrit avec un emplâtre, l’air ainsi fermé ne peut plus se faire une issue au-dehors ; il s’échauffe cependant, & se raréfie ; il fait effort par conséquent pour s’étendre ; il se fait un passage ultérieurement dans la membrane celluleuse, & forme une tumeur dans les environs de la plaie. Si le chirurgien dans l’ignorance de la cause de cette tumeur, cherche à la connoître encore par le moyen de la sonde, il introduit une nouvelle quantité d’air qui, étant ensuite fermé par l’emplâtre, produit de nouveaux effets dans l’intérieur de la plaie, & se répand dans un plus grand espace sous les tégumens, gagne le front, les paupieres & la face ; ensorte qu’il arrive quelquefois que tout le visage est enflé par une tumeur transparente & élastique qui s’éleve presqu’au-dessus du nez, & couvre entierement les yeux. Qu’il puisse ainsi provenir des emphysemes à la suite des plaies de la tête, c’est ce qui est constaté dans les œuvres chirurgicales de Platner, &c.

Les plaies qui pénetrent dans la poitrine, fournissent encore plus souvent des exemples d’emphysemes, qu’elles procurent, sur tout lorsqu’elles pénetrent dans sa cavité par une très-petite ouverture, qui a d’abord donné entrée à l’air, & a été fermée bien-tôt après d’elle-même, par l’art & les emplâtres ; & encore plus aisément, lorsque la surface des poumons se trouve blessée, & laisse échapper l’air, où il se ramasse en plus grande quantité qu’il n’y est dans l’état naturel ; d’où il fait effort contre les bords internes de la plaie du thorax, déterminé à se faire une issue, quâ datâ portâ, par la pression des poumons & de l’atmosphere, qui les dilate ; il pénetre dans le tissu cellulaire à différentes reprises, comme par l’effet d’une pompe foulante, & s’étend sous les tégumens de toute la surface du corps.

La même chose peut encore vraissemblablement arriver dans le cas où il se fait une solution de continuité dans la surface interne du thorax par un ulcere, par érosion, ou par toute autre cause, sans lésion extérieure. L’air habituel de la cavité du thorax pressé de la maniere qui vient d’être exposée, peut s’insinuer dans le tissu cellulaire, & y produire les effets mentionnés.

Les emphysemes survenus à la suite de la fracture d’une côte, sans aucune lésion extérieure, ne peuvent être produits que par l’air thorachique, qui peut être dans le tissu cellulaire par quelque déchirure de la surface intérieure du thorax.

Au reste j’admets volontiers l’existence de l’air thorachique, d’après les expériences rapportées dans l’hæmastatique de M. Halles, que j’ai vû répéter avec succès par M. de la Mure célebre professeur de Montpellier.

Boerhaave (hist. morb. atroc.) fait mention d’un emphyseme produit par une suite de la rupture de l’œsophage.

Il arrive très-rarement que l’emphyseme soit produit par une cause interne, parce que l’air qui en fournit la matiere, étant naturellement incorporé avec les humeurs, & réduit à ses parties élémentaires, a perdu les qualités qui lui sont propres, & n’agit plus comme un air élastique ; c’est ce que prouvent les expériences de Boerhaave, d’Halles, de Jurin. Il ne peut recouvrer son élasticité, que par les effets de la diminution du poids de l’atmosphere, de l’augmentation de la chaleur à un tel degré, que le corps humain n’est jamais naturellement dans le cas d’éprouver ces altérations ; ou par les effets de la putréfaction, qui est très-rarement portée au point de faciliter le développement des parties aériennes, comme on le voit arriver dans les cadavres des noyés, qui, lorsqu’ils sont pourris à un certain