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y en eût, que les deniers en seroient dûs à proportion ; ce qui est conforme aux coûtumes d’Anjou & du Maine, qui décident aussi que le retrait y a lieu ; quand il y a des deniers déboursés.

Le même auteur explique dans le chapitre suivant, en quoi l’emphytéose differe du bail à locaterie perpétuelle. Voyez Locaterie perpétuelle.

En pays coûtumier l’emphytéose est un bail à longues années d’un héritage, à la charge de le cultiver & améliorer ; ou d’un fonds, à la charge d’y bâtir : ce qui a quelque rapport au contrat superficiaire des Romains ; ou d’une maison, à condition de la rebâtir, moyennant une pension ou redevance annuelle modique, payable par le preneur.

On stipule aussi quelquefois que le preneur payera une certaine somme de deniers d’entrée pour ce bail.

Tout bail qui excede neuf années, est réputé bail emphytéotique ou à longues années.

L’emphytéose se fait ordinairement pour 20, 30, 40, 50, 60, ou 99 ans, qui est le terme le plus long que l’on puisse donner à ces sortes de baux.

Lorsque ce bail est fait pour un tems fixe, les héritiers du preneur en joüissent pendant tout le tems qui en reste à expirer, quoique le bail ne fasse pas mention d’eux.

On peut faire un bail emphytéotique, tant pour la vie du preneur que pour celle de ses enfans & petits-enfans. La coûtume d’Anjou, art. 412, & celle du Maine, art. 413, appellent ces sortes de contrats, baux à viage.

Le bail à vie differe néanmoins à cet égard des autres baux emphytéotiques, en ce que si le bail à vie ne nomme que le preneur & ses enfans, les petits-enfans n’y sont pas compris ; au lieu que si c’est un bail emphytéotique simplement pour le preneur & ses enfans, les petits-enfans y sont aussi compris sous le nom d’enfans, suivant la regle ordinaire de droit.

L’emphytéose ressemble au bail à loyer ou à ferme, en ce que l’un & l’autre contrat est fait à la charge d’une pension annuelle ; mais l’emphytéose differe aussi du loüage, en ce que l’emphytéote a la plûpart des droits & des charges du propriétaire : & en effet le bail emphytéotique est une aliénation de la propriété utile au profit du preneur pendant tout le tems que doit durer le bail, la propriété directe demeurant réservée au bailleur.

Le preneur étant propriétaire, peut vendre, aliéner, échanger ou hypothéquer l’héritage, mais il ne peut pas donner plus de droit qu’il en a ; & lorsque le tems de la concession est expiré, resoluto jure dantis, resolvitur & jus accipientis.

Ceux qui ne peuvent pas aliéner, ne peuvent pas non plus donner à titre d’emphytéose perpétuelle, ou à tems.

L’église & les communautés ne le peuvent faire qu’avec les solennités prescrites pour l’aliénation de ses biens ; on tient même qu’elle ne peut faire d’emphytéose perpétuelle, mais seulement pour 99 ans au plus.

La pension ou redevance emphytéotique est tellement de l’essence de ce contrat, que s’il n’y en avoit pas une réserve, ce ne seroit point une emphytéose.

L’emphytéote ne peut pas, comme un simple locataire ou fermier, obtenir une remise ou diminution de la pension annuelle, pour cause de stérilité, parce que la pension emphytéotique est moins pour tenir lieu des fruits, qu’en signe de reconnoissance de la seigneurie directe.

Il n’est pas permis à l’emphytéote de dégrader le fonds, ni même d’en changer la surface, de maniere que la valeur en soit diminuée : ainsi il ne peut pas convertir en terre labourable ce qui est en bois ; mais

il peut couper les bois, même de haute-futaie, qui se trouvent en âge d’être coupés pendant la durée de son bail.

Il ne peut pas détruire les bâtimens qu’il a trouvés faits, ni même ceux qu’il a construits lorsqu’il étoit obligé de le faire ; mais s’il en a fait volontairement quelques uns, il peut de même dans le courant de son bail les enlever, pourvû que ce soit sans dégrader l’héritage.

On stipule ordinairement, quand on donne une place à titre d’emphytéose, que le preneur sera tenu d’y bâtir : cette clause n’est pourtant pas de l’essence d’un tel contrat ; mais si elle y est apposée, on peut contraindre le preneur à l’exécuter.

La lésion, telle qu’elle soit, n’est point un moyen de restitution contre l’emphytéose, excepté pour celles qui concernent l’église & les mineurs, qui peuvent être relevées quand la lésion est énorme.

La joüissance d’un bail emphytéotique peut être saisie & vendue, comme les immeubles, à la requête des créanciers.

En fait d’emphitéose, la tacite réconduction n’a point lieu.

Le preneur ne peut pas non plus prescrire le fonds, attendu qu’on ne peut pas changer la cause de sa possession ; mais il peut prescrire les arrérages de sa redevance, qui sont échûs.

Toutes les réparations, tant grosses que menues, sont à la charge de l’emphytéote pendant la durée de son bail.

Il est aussi obligé d’acquitter toutes les charges réelles & foncieres, telles que la dixme, le cens, champart, &c.

A l’expiration du terme porté par le bail emphytéotique, le preneur, ses héritiers ou ayans cause, doivent rendre les lieux en bon état, à l’exception des batimens qu’il a construits volontairement, lesquels on ne peut pas l’obliger à réparer ; mais il ne peut pas non plus les démolir à la fin de son bail, en emporter aucuns matériaux, en répéter les impenses, ni obliger sous ce prétexte le bailleur à lui continuer le bail, soit pour la totalité de ce qui y étoit compris, soit même pour la joüissance de ces bâtimens ; dans ce cas, superficies solo cedit.

Si le fonds donné en emphytéose vient à périr totalement ; par exemple, si c’est une maison, & qu’elle soit entierement ruinée par quelque force majeure, en ce cas le preneur est déchargé de la pension.

Il peut aussi, en déguerpissant l’héritage, se faire décharger en justice de la pension, quoiqu’il se fût obligé personnellement au payement de cette pension, & qu’il y eût hypothéqué tous ses biens, l’obligation personnelle étant dans ce cas seulement accessoire à l’hypothécaire. Voyez Déguerpissement. Voyez au digeste, si ager vectigalis, id est emphyteuticarius, petatur ; & au code de jure emphyteutico. Il y a aussi plusieurs traités de jure emphyteutico, par Julius Clarus, Guido de Suzaria, Corbulus, Rutherus, Rulandt ; & un petit traité de l’emphytéose, par Jovet, inséré dans le dictionnaire de Brillon, au mot bail emphytéotique. Voyez aussi Duclapier, quest. j. cause 15. Despeisses, tome III. page 31. Chorier sur Guipape, p. 243. Franc. Marc, tome I. quest. 253. (A)

EMPHYTÉOTE, s. m. (Jurispr.) est celui qui a pris un bien à titre d’emphytéose, c’est-à-dire à longues années ou à perpétuité. Voyez ci-devant Emphytéose. (A)

EMPHYTÉOTIQUE, adj. (Jurispr.) se dit de ce qui appartient à l’emphytéose, comme un bail emphytéotique, une redevance emphytéotique. Voyez Emphytéose. (A)

EMPIÉTANT, adj. en termes de Blason, se dit de l’oiseau de proie qui est sur sa proie, qu’il tient avec ses serres.