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de l’état, de la banque, & beaucoup d’autres. Voyez Billets.

Les autres, dont le capital se rembourse par partie d’année en année, ou au bout d’un certain nombre d’années en entier, sont les annuités, les contrats, les rentes viageres & tontines, les rentes perpétuelles, les billets d’amortissemens, les loteries. Voyez ces mots à leur article.

Lorsqu’on est obligé d’avoir recours à cette ressource, c’est un mal pour l’état, quoique ces moyens fournissent promptement des fonds ; parce que ces sortes de fonds, au lieu de soulager l’état, le chargent d’intérêts annuels, & obligent le gouvernement d’emprunter de plus grosses sommes afin de payer l’intérêt des emprunts précédens. Ce seroit peut-être peu de chose de n’avoir que des intérêts à payer, il faut en outre rembourser annuellement une portion du capital.

Rien n’est si nécessaire que d’acquitter des dettes faites d’aussi bonne-foi ; & quelles que soient les dettes de l’état, il faut les payer exactement : le retard dans le payement est plus que suffisant pour ôter la confiance. D’ailleurs le crédit de l’état dépend de tant de circonstances, qu’il faut que les emprunts soient faits avec beaucoup de précaution. Un ministre qui ne se sert de cette branche de crédit que pour se la ménager comme une ressource dans l’occasion, est sans doute habile. M. Colbert trouva le moyen de fournir en même tems aux frais de la guerre qui fut terminée en 1678 par le traité de Nimegue, & aux dépenses immenses des somptueux bâtimens & des différens établissemens faits par Louis XIV. & l’état n’étoit point endetté à la mort de ce ministre en 1683. Mais celui qui est capable de porter le poids immense d’une administration que de longues guerres rendent aussi pénible qu’importante ; qui est capable de réparer les desordres, de faire des emprunts dans des tems difficiles, sans interrompre la circulation & le commerce, sans altérer le crédit, est assûrément le plus habile. Le crédit de l’état dans les tems de guerre, dépend beaucoup du sort des armes. Après la bataille d’Hocstet chacun s’empressa de retirer son argent de la caisse des emprunts, ce qui obligea le conseil de faire surseoir au payement des capitaux. Par arrêt du 17 Septembre 1704, on accorda dix pour cent sur les deniers qui seroient apportés à la caisse des emprunts ; mais le crédit se perdit de plus en plus, & on supprima la caisse, rien ne pouvant ranimer la confiance, les promesses perdant sur la place quatre-vingts pour cent.

Dans tous les tems le crédit du roi sur ses peuples, est fondé sur l’amour des peuples pour leur souverain, sur la confiance dans le ministre entre les mains duquel se trouve l’administration des finances, & dans ceux qui régissent les autres parties. Il faut peu de chose pour faire perdre ce crédit si difficile à établir, & nous voyons que le premier ébranlement vient presque toûjours d’une faute commise dans l’administration. Depuis M. Colbert, plusieurs ministres ont sû rétablir ce crédit perdu, & à peine en voyons-nous un qui ait sû le conserver. Les billets de monnoie étoient en faveur ; la grande confiance du public donna lieu au ministre de se servir de cet expédient prompt & facile, pour subvenir aux besoins pressans. On multiplia ces billets avec si peu de précaution, qu’il ne fut plus possible de faire face aux payemens : de-là vint leur décadence.

Souvent lorsque l’esprit s’accrédite trop dans le gouvernement, il fait oublier les maximes les plus sages, l’imagination prend le dessus, on se livre sans prudence à des effets dangereux ; alors l’état incertain & sans principe, ne se conduit plus que par saillies : c’est ce qui arriva à l’auteur du système. Voyez

Système de M. Law. Loin d’employer les facilités qu’il avoit pour tempérer le feu des actions, il s’en servit pour l’attiser, & fit ordonner par arrêts des 13 & 28 Septembre, & 2 Octobre 1719, la création de 150 millions de nouvelles actions, qui seroient de même nature & joüiroient des mêmes avantages que les précédentes. On ajoûta encore, par un ordre particulier du 4 Octobre, 24 mille actions, ce qui faisoit 164 mille actions ; & quoiqu’elles ne fussent créées que sur le fonds réel de 500 livres, on les fit cependant acquérir à raison de 5000 liv. Il est vrai que l’augmentation des actions sembloit être une suite naturelle de la suppression des rentes, chacun cherchant un emploi pour remplacer les contrats.

Le crédit de l’état dépend toûjours de l’assûrance sur les conventions publiques ; sitôt qu’elle devient incertaine, le crédit chancele, & les opérations pour faire des emprunts ne réussissent que par le fort intérêt qu’on y attache, & qui est presque toûjours un moyen sûr. Les hommes ne se conduisent que par l’appas du gain ; mais ce moyen utile pour le moment, ne fait qu’accélérer la chûte du crédit, qui n’est jamais que l’effet de la liberté & de la confiance ; & lorsque les effets publics ont reçû quelqu’atteinte dans leur crédit, on s’épuise en vains efforts pour le soûtenir : il est nécessaire de changer de batterie, & de présenter d’autres objets. On peut dire que la confiance est en proportion avec les dettes : si l’on voit que l’état s’acquitte, elle renaît ; sinon, elle se perd. Il semble pourtant, à en juger par les exemples passés, que la confiance publique dépende moins des retranchemens dans les dépenses & de l’ordre dans les recettes, que des idées que le gouvernement imprime. Le calcul des recettes & dépenses est la science de tout le monde : celle du ministre est une arithmétique qui sait calculer les effets des opérations & des différens réglemens. Il y a des biens de confiance autant que de réalité ; c’est au ministre habile à les faire valoir sans les prodiguer, à savoir par le calcul politique apprécier les hommes, & vérifier toutes les parties de l’état. Il ne seroit pas étonnant que la France, avec un revenu plus fort que celui des autres états, trouvât un crédit plus abondant qu’aucun souverain de l’Europe. Article de M. Dufour.

Emprunt, terme de Riviere, se dit d’un passage qui mene à la travure d’un bateau foncet.

EMPRUNTER, v. act. c’est en général se procurer un usage momentané d’un effet, quel qu’il soit, qui est censé appartenir à un autre. On emprunte de l’argent, une épée, un habit, &c.

Emprunter, (Rubanier.) c’est, lorsque l’on passe les rames d’un patron, se servir des mêmes boucletes des hautes lisses, lorsque cela se peut. La premiere des neuf rames (parce que l’on passe par neuf, comme il a été dit. Voyez Passage des Rames) étant passée, la seconde rame empruntera sur cette premiere lorsqu’il y aura lieu, & ainsi jusqu’à la neuvieme. Exemple : supposons que la seconde rame fasse un pris sur la dix-septieme haute lisse ; si par hasard la premiere rame faisoit aussi un pris sur cette dix-septieme haute lisse, cette seconde rame se passeroit dans la même bouclete de la premiere, & ainsi des autres jusqu’à la neuvieme, qui toutes peuvent emprunter sur la premiere. Cet emprunt sert à ménager les boucletes des hautes lisses ; si l’on n’empruntoit pas, les hautes lisses étant limitées, elles ne pourroient contenir une assez grande quantité de boucletes, en mettant chaque rame dans sa bouclete particuliere.

* EMPUSE, s. f. (Mythol. & Divinat.) phantôme sous lequel Hécate apparoissoit à ceux qui l’évoquoient ; c’étoit la figure ou d’un chien, ou d’un bœuf, ou d’une femme. On ne voyoit de distinct à l’Empuse que ses parties supérieures, le reste finis-