Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/654

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la jaune, avec de l’orpin ; de la violette, avec de la laque fine calcinée & préparée, en broyant bien ces couleurs avec du vernis pareil à celui de notre encre rouge. La préparation du verd-de-gris, du bleu de Prusse, & de la laque fine, consiste à y mêler du blanc de céruse pour les rendre plus claires ; sans cela ces couleurs rendroient l’encre trop foncée. Cet article est de M. Le Breton.

Encre de la Chine, est une composition en pain ou en bâton, qui délayée avec de l’eau ou de la gomme arabique, & quelquefois un peu de bistre ou de sanguine, sert à tracer & laver les desseins.

Elle se prépare avec du sain-doux. Mettez en deux livres dans une terrine ; placez au milieu une meche allumée ; couvrez le tout d’un plat vernissé, ne laissant que le moins d’ouverture qu’il sera possible entre la terrine & le plat. Lorsque vous aurez laissé brûler votre meche pendant un certain tems, ramassez le noir de fumée qui se sera formé au plat ; calcinez-le, ou le dégraissez.

Encre sympathique, (Physiq. Chim.) on appelle encres sympathiques, toutes liqueurs avec lesquelles on trace des caracteres auxquels il n’y a qu’un moyen secret qui puisse donner une couleur autre que celle du papier. On les distribue de la maniere suivante.

Faire passer une nouvelle liqueur, ou la vapeur d’une nouvelle liqueur sur l’écriture invisible. Exposer la premiere écriture à l’air, pour que les caracteres se teignent. Passer legerement sur l’écriture une matiere colorée réduite en poudre subtile. Exposer l’écriture au feu.

Pour faire la premiere liqueur, prenez une once de litharge ou de minium plus ou moins, que vous mettrez dans un matras, versant dessus cinq ou six onces de vinaigre distillé ; faites digérer à froid pendant cinq ou six jours, ou sept ou huit heures au bain de sable, le vinaigre dissoudra une partie de la litharge ou du minium, & s’en saoulera : après quoi vous filtrerez par le papier, & le garderez dans une bouteille. Cette dissolution est connue en Chimie sous le nom de vinaigre de Saturne.

Pour préparer la seconde liqueur, prenez une once d’orpiment en poudre, deux onces de chaux vive ; mettez les ensemble dans un matras, ou tel autre vase de verre convenable ; versez par-dessus une chopine d’eau commune ; faites digérer le tout à une chaleur douce l’espace de sept ou huit heures, agitant de tems en tems le mêlange, une partie de l’orpiment, & une partie de la chaux s’uniront & formeront avec l’eau une liqueur jaunâtre, connue dans l’art sous le nom de foie d’arsenic. Vous pouvez filtrer cette liqueur, ou bien la laisser clarifier d’elle même par le repos, la décanter & l’enfermer dans une bouteille.

Si vous versez un peu de cette seconde liqueur sur une petite quantité de la premiere, ces deux liqueurs de claires & de limpides qu’elles étoient, se troubleront & deviendront d’un noir-brun foncé : c’est cette propriété du foie d’orpiment qui le rend propre à découvrir les vins lithargirés. Voyez Vin.

Mais ces deux liqueurs nous présentent un phénomene beaucoup plus surprenant. Prenez une plume neuve, écrivez avec la premiere liqueur sur du papier ; les caracteres que vous aurez formés ne paroîtront pas, ou du moins ne paroîtront que comme si on eût écrit avec de l’eau, c’est-à-dire que le papier sera mouillé par-tout où la plume aura passé : vous pouvez le laisser sécher de lui-même, ou le présenter au feu, marquant seulement l’endroit où vous aurez passé la plume. Couvrez l’écriture de deux ou trois feuilles de nouveau papier, & passez legerement avec la barbe d’une plume ou une petite éponge, un peu de la seconde liqueur sur la feuille de papier la plus éloignée

de celle où vous avez tracé les caracteres, à l’endroit qui répond aux caracteres formés avec l’autre liqueur ; sur le champ les caracteres d’invisibles qu’ils étoient paroîtront très-bien, & seront presque aussi noirs que s’ils eussent été formés avec de l’encre ordinaire. Bien plus, si vous enfermez le papier écrit avec la premiere liqueur entre plusieurs mains de papier, que vous frotiez la feuille avec la seconde liqueur, & que vous mettiez ces mains de papier à la presse sous quelque gros livre, quelque tems après vous pouvez retirer votre papier dont les caracteres seront devenus noirs. Deux cents feuilles de papier interposées entre elles, ne sont pas capables d’empêcher leur effet ; elles ne font que le retarder.

Autre exemple de la premiere classe. On fait dissoudre dans de l’eau régale tout l’or qu’elle peut dissoudre, & l’on affoiblit cette dissolution par cinq ou six fois autant d’eau commune. On fait dissoudre à part de l’étain fin dans de l’eau régale : lorsque le dissolvant en est bien chargé, on y ajoûte une mesure égale d’eau commune.

Ecrivez avec la dissolution d’or sur du papier blanc ; laissez-le sécher à l’ombre, & non au Soleil ; l’écriture ne paroîtra pas, du moins pendant les sept ou huit premieres heures. Trempez un pinceau dans la dissolution d’étain, & passez ce pinceau sur l’écriture d’or, dans le moment elle paroîtra de couleur pourpre. On peut effacer la couleur pourpre de l’écriture d’or, en la mouillant d’eau régale. On la fera reparoître une seconde fois, en repassant dessus la solution d’étain.

Les caracteres qui ont été écrits avec une matiere qui a perdu sa couleur par être dissoute, reparoissent en trouvant le précipitant de ce qui l’a dissoute ; car alors elle se révivifie, renaît, & se rencontre avec sa couleur. Le dissolvant la lui avoit ôtée, le précipitant la lui rend.

Sur cela est fondé un jeu d’encre sympathique qui a dû surprendre, quand il a été nouveau, il étoit bien imaginé pour écrire avec plus de mystere & de sûreté. Sur une écriture invisible, on met une écriture visible, & l’on fait disparoître l’écriture visible & fausse, & paroître l’invisible & vraie.

La seconde classe comprend les encres sympathiques dont l’écriture invisible devient colorée, en l’exposant à l’air. Ajoûtez, par exemple, à une dissolution d’or dans l’eau régale, assez d’eau pour qu’elle ne fasse plus de taches jaunes sur le papier blanc ; ce que vous écrirez avec cette liqueur, ne commencera à paroître qu’après avoir été exposé au grand air pendant une heure ou environ ; l’écriture continuera à se colorer lentement, jusqu’à ce qu’elle soit devenue d’un violet foncé presque noir.

Si au lieu de l’exposer à l’air, on la garde dans une boîte fermée ou dans du papier bien plié, elle restera invisible pendant deux ou trois mois ; mais à la fin elle se colorera, & prendra la couleur violette obscure.

Tant que l’or reste uni à son dissolvant, il est jaune ; mais l’acide de son dissolvant étant volatil, la plus grande partie s’en évapore, & il n’en reste que ce qu’il en faut pour colorer la chaux d’or qui est demeurée sur le papier.

La dissolution de l’argent fin dans de l’eau-forte, qu’on a affoiblie ensuite par l’eau de pluie distillée comme on a affoibli celle de l’or, fait aussi une écriture invisible, qui tenue bien enfermée, ne devient lisible qu’au bout de trois ou quatre mois ; mais elle paroît au bout d’une heure si on l’expose au Soleil, parce qu’on accélere l’évaporation de l’acide. Les caracteres faits avec cette solution sont de couleur d’ardoise ; parce que l’eau-forte est un dissolvant toûjours un peu sulphureux, & que tout ce qui est sulphureux noircit l’argent. Cependant comme ce