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exposées à l’action immédiate de cet astre ; elles forment ce qu’on appelle le hâle, morphæa solaris. Voyez Hale.

On comprend encore parmi les éphélides, mais improprement, certaines taches brunes, quelquefois roûgeâtres, qui affectent le visage & le front, sur-tout des femmes grosses, & même des filles. On n’a pû être autorisé à les nommer ainsi, que par la ressemblance qu’on a crû leur trouver avec les véritables éphélides ; les fausses dont il s’agit proviennent de cause interne, & principalement de la suppression des regles, par la grossesse ou par maladie : le sang qui se porte à la matrice ayant croupi dans les sinus, & étant reporté dans la masse des humeurs avec les mauvaises qualités qu’il y a contractées, cause beaucoup de trouble dans l’économie animale, & fournit quelquefois aux colatoires de la peau des sucs viciés qui les engorgent, & occasionnent ces changemens de couleur qui la tachent. Hippocrate regardoit ces sortes d’éphélides comme des signes de grossesse : mais ils sont très-équivoques ; elles se dissipent quelquefois vers le quatrieme mois avec les autres symptomes qu’elle produit ; d’autres fois elles paroissent & disparoissent à diverses reprises pendant le cours des neuf mois, & ne sont entierement détruites que par l’accouchement : il en est même qui subsistent après l’accouchement, & deviennent ineffaçables Dans les filles elles ne sont parfaitement emportées que par la cessation de la suppression des regles qui les a fait naître.

Pour ce qui est de la maniere de traiter les fausses éphélides, elle doit être bornée aux topiques pour les femmes enceintes : on conseille l’usage des graines de laurier réduites en poudre, après en avoir ôté l’écorce, & mêlées avec du miel en forme d’onguent, dont on oint le visage : l’émulsion de graines de chanvre, dont on lave la partie affectée, est aussi employée avec succès dans ce cas. On recommande, pour les filles, de froter les taches avec un linge imbu du suc qui découle d’une racine de buglose coupée & exprimée, dans le tems du flux menstruel ; car il faut, avant tout, qu’il soit rétabli, pour que ce remede puisse être de quelque utilité. Voyez Tache. (d)

EPHEMERE, s. f. (Hist. nat. Insectolog.) musca ephemera, insecte qui meurt presqu’aussitôt qu’il est transformé en mouche ; la plûpart vivent à peine une demi-heure ou une heure dans cet état : celles qui y restent depuis le coucher du soleil jusqu’à l’aurore du lendemain, passent pour avoir vécu longtems. On en distingue grand nombre d’especes, elles ressemblent beaucoup à des papillons ; mais il n’y a point de poussiere sur leurs ailes, comme sur celles des papillons ; elles sont fort transparentes & très minces. Les éphémeres ont quatre ailes, deux en-dessus & deux en-dessous : les ailes supérieures sont de beaucoup plus grandes que les inférieures. Le corps est allongé, & composé de dix anneaux ; il sort du dernier une queue beaucoup plus longue que tout le reste de l’animal, & formée par deux ou trois filets extrèmement fragiles.

Ces insectes vivent dans l’eau pendant un, deux ou trois ans sous la forme de ver, & ensuite de nymphe, avant que de se transformer en mouche. En les considérant dans ces différens états, leur vie est longue relativement à celle des insectes ; & même on a donné le nom d’éphémere à des mouches qui vivent pendant quelques jours après leur métamorphose. Le ver ne differe de la nymphe qu’en ce que celle-ci a seulement de plus que le ver, des fourreaux d’aile sur le corcelet. L’un & l’autre ont six jambes écailleuses attachées au corcelet. La tête est triangulaire & un peu applatie ; il y a deux gros yeux ordinairement bruns, & un filet grainé au côté

intérieur de chaque œil. La bouche est garnie de dents, & le corps composé de dix anneaux, dont les premiers sont plus gros que les derniers. La partie postérieure du corps est terminée par trois filets qui forment une longue queue : ces filets sont écartés les uns des autres, & bordés des deux côtés par une frange de poils. Ces insectes ont une teinte plus ou moins foncée de couleur brune, jaunâtre ou blanchâtre. Ils restent dans des trous creusés en terre au-dessous de la surface de l’eau d’une riviere, ou d’une autre eau moins courante ; les uns n’en sortent que très-rarement, d’autres plus souvent : ceux-ci nagent dans l’eau, & marchent sur les corps qu’ils y rencontrent, ou se tiennent cachés sous des pierres, &c. Lorsqu’on les observe de près, on voit le long du corps, de chaque côté, des sortes de petites houppes qui ont un mouvement fort rapide, & qui tiennent lieu d’oüies à ces animaux.

Comme les insectes qui doivent se transformer en mouches éphémeres, ne nagent que très-rarement dans l’eau, il faut, quand on les veut voir, les chercher dans une terre compacte, où ils font des trous : la consistence de cette terre approche de celle de la glaise. Lorsque les eaux de la Seine & de la Marne ne sont pas hautes, on voit sur les bords de ces rivieres, jusqu’à deux ou trois piés au-dessus du niveau de l’eau, la terre criblée de ces trous, dont les ouvertures ont deux ou trois lignes de diametre ; ils sont vuides, les insectes les ont abandonnés lorsqu’ils se sont trouvés à sec, & ont fait d’autres trous plus bas dans la terre que l’eau baigne ; il y en a jusqu’à plusieurs piés au-dessous de la surface de l’eau. Ces trous sont dirigés horisontalement ; ils ont deux ouvertures placées l’une à côté de l’autre, de sorte que la cavité du trou est semblable à celle d’un tuyau coudé. L’insecte entre par l’une des ouvertures, & sort par l’autre : la capacité du trou est proportionnée au volume de son corps dans ses différens degrés d’accroissement. La transformation de la nymphe en mouche est très-prompte ; celle-ci quitte son fourreau avec beaucoup de facilité : quelques-unes prennent leur essor avant que de s’en être entierement dégagées, & emportent leur dépouille qui tient encore à leur queue.

Le tems de l’apparition des mouches éphémeres n’est pas toûjours le même pour toutes les especes de ces mouches. C’est vers la fête de la saint Jean qu’elles paroissent, dans des pays plus froids que le nôtre. A Paris on les voit vers la mi-Août, quelquefois plûtôt, & d’autres fois plûtard. Sur le Rhin, la Meuse, &c. les éphémeres commencent à voler environ deux heures avant le coucher du soleil. Sur la Seine & la Marne on n’en voit que dans le tems où le soleil est prêt à se coucher ; elles ne viennent en grand nombre que lorsqu’il a disparu : alors il s’éleve en l’air une prodigieuse multitude de ces insectes ; ils volent si près les uns des autres, que l’on ne voit que des éphémeres autour de soi, sur-tout si l’on tient une lumiere. Elles s’y portent de toutes parts ; elles décrivent des cercles tout-autour & en tout sens ; elles se répandent par-tout en un instant ; elles tombent comme les flocons de la neige la plus abondante, la surface de l’eau en est couverte ; la terre en est jonchée sur les bords de la riviere, où elles s’amoncelent, & forment une couche d’une épaisseur considérable.

En 1738, le 19 Août, cette grande affluence d’éphémeres ne dura sur la Marne à Charenton, que depuis neuf heures jusqu’à neuf heures & demie ; leur nombre diminua peu-à-peu, & sur les dix heures on n’en appercevoit plus que quelques-unes qui voloient sur la riviere : on en avoit déjà vû le jour précédent. Le 20, ces insectes parurent en aussi grand nombre que le 19 ; le 21 il y en eut à peine