Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/817

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tre ; il peut y en avoir de différens. Il faut les considérer comme de grands tourbillons appuyés les uns contre les autres, qui en resserrent entre eux de plus petits, & qui remplissent ensemble le vuide infini. Au milieu du mouvement général qui produisit le nôtre, cet amas d’atomes que nous appellons Terre, occupa le centre ; d’autres amas allerent former le ciel & les astres qui l’éclairent. Ne nous en laissons pas imposer sur la chûte des graves : les graves n’ont point de centre commun ; ils tombent parallelement. Concluons-en l’absurdité des Antipodes. La Terre n’est point un corps sphérique ; c’est un grand disque que l’atmosphere tient suspendu dans l’espace : la Terre n’a point d’ame ; ce n’est donc point une divinité. C’est à des exhalaisons soûterraines, à des chocs subits, à la rencontre de certains élémens opposés, à l’action du feu, qu’il faut attribuer ses tremblemens. Si les fleuves n’augmentent point les mers, c’est que relativement à ces volumes d’eaux, à leurs immenses reservoirs, & à la quantité de vapeurs que le Soleil éleve de leur surface, les fleuves ne sont que de foibles écoulemens. Les eaux de la mer se répandent dans toute la masse terrestre, l’arrosent, se rencontrent, se rassemblent, & viennent se précipiter derechef dans les bassins d’où elles s’étoient extravasées : c’est dans cette circulation qu’elles sont dépouillées de leur amertume. Les inondations du Nil sont occasionnées par des vents étésiens, qui soûlevent la mer aux embouchures de ce fleuve, y accumulent des digues de sable, & le font refluer sur lui-même. Les montagnes sont aussi anciennes que la terre. Les plantes ont de commun avec les animaux, qu’elles naissent, se nourrissent, s’accroissent, dépérissent, & meurent : mais ce n’est point une ame qui les vivifie ; tout s’exécute dans ces êtres par le mouvement & l’interposition. Dans les animaux, chaque organe élabore une portion de semence, & la transmet à un réservoir commun : de-là cette analogie propre aux molécules séminales, qui les sépare, les distribue, les dispose chacune à former une partie semblable à celle qui l’a préparée, & toutes, à engendrer un animal semblable. Aucune intelligence ne préside à ce méchanisme. Tout s’exécutant comme si elle n’existoit point, pourquoi donc en supposerions-nous l’action ? Les yeux n’ont point été faits pour voir, ni les piés pour marcher : mais l’animal a eu des piés, & il a marché ; des yeux, & il a vû. L’ame humaine est corporelle ; ceux qui assûrent le contraire ne s’entendent pas, & parlent sans avoir d’idées. Si elle étoit incorporelle, comme ils le prétendent, elle ne pourroit ni agir, ni souffrir ; son hétérogénéité rendroit impossible son action sur le corps. Recourir à quelque principe immatériel, afin d’expliquer cette action, ce n’est pas résoudre la difficulté, c’est seulement la transporter à un autre objet. S’il y avoit dans la nature quelque être qui pût changer les natures, la vérité ne seroit plus qu’un vain nom : or pour qu’un être immatériel fût un instrument applicable à un corps, il faudroit changer la nature de l’un ou de l’autre. Gardons-nous cependant de confondre l’ame avec le reste de la substance animale. L’ame est un composé d’atomes si unis, si legers, si mobiles, qu’elle peut se séparer du corps sans qu’il perde sensiblement de son poids. Ce réseau, malgré son extrème subtilité, a plusieurs qualités distinctes ; il est aérien, igné, mobile, & sensible. Répandu dans tout le corps, il est la cause des passions, des actions, des mouvemens, des facultés, des pensées, & de toutes les autres fonctions, soit spirituelles, soit animales ; c’est lui qui sent, mais il tient cette puissance du corps. Au moment où l’ame se sépare du corps, la sensibilité s’évanoüit, parce que c’étoit le résultat de leur union ; les sens ne sont qu’un toucher diversifié ; il s’écoule sans cesse des

corps mêmes, des simulacres qui leur sont semblables, & qui viennent frapper nos sens. Les sens sont communs à l’homme & à tous les animaux. La raison peut s’exercer, même quand les sens se reposent. J’entens par l’esprit, la portion de l’ame la plus déliée. L’esprit est diffus dans toute la substance de l’ame, comme l’ame est diffuse dans toute la substance du corps ; il lui est uni ; il ne forme qu’un être avec elle ; il produit ses actes dans des instans presqu’indivisibles ; il a son siége dans le cœur en effet c’est delà qu’émanent la joie, la tristesse, la force, la pusillanimité, &c. L’ame pense, comme l’œil voit, par des simulacres ou des idoles ; elle est affectée de deux sentimens généraux, la peine & le plaisir. Troublez l’état naturel des parties du corps, & vous produirez la douleur ; restituez les parties du corps dans leur état naturel, & vous ferez éclore le plaisir. Si ces parties au lieu d’osciller pouvoient demeurer en repos, ou nous cesserions de sentir, ou, fixés dans un état de paix inaltérable, nous éprouverions peut-être la plus voluptueuse de toutes les situations. De la peine & du plaisir, naissent le desir & l’aversion. L’ame en général s’épanoüit & s’ouvre au plaisir ; elle se flétrit & se resserre à la peine. Vivre, c’est éprouver ces mouvemens alternatifs. Les passions varient selon la combinaison des atomes qui composent le tissu de l’ame. Les idoles viennent frapper le sens ; le sens éveille l’imagination ; l’imagination excite l’ame, & l’ame fait mouvoir le corps. Si le corps tombe d’affoiblissement ou de fatigue, l’ame accablée ou distraite succombe au sommeil. L’état où elle est obsédée de simulacres errans qui la tourmentent ou qui l’amusent involontairement, est ce que nous appellerons l’insomnie ou le rêve, selon le degré de conscience qui lui reste de son état. La mort n’est que la cessation de la sensibilité. Le corps dissous, l’ame est dissoute ; ses facultés sont anéanties ; elle ne pense plus ; elle ne se ressouvient point ; elle ne souffre ni n’agit. La dissolution n’est pas une annihilation ; c’est seulement une séparation de particules élémentaires. L’ame n’étoit pas avant la formation du corps, pourquoi seroit-elle après sa destruction ? Comme il n’y a plus de sens après la mort, l’ame n’est capable ni de peine, ni de plaisir. Loin de nous donc la fable des enfers & de l’élisée, & tous ces récits mensongers dont la superstition effraye les méchans qu’elle ne trouve pas assez punis par leurs crimes mêmes, ou repaît les bons qui ne se trouvent pas assez récompensés par leur propre vertu. Concluons, nous, que l’étude de la nature n’est point superflue, puisqu’elle conduit l’homme à des connoissances qui assûrent la paix dans son ame, qui affranchissent son esprit de toutes vaines terreurs, qui l’élevent au niveau des dieux, & qui le ramenent aux seuls vrais motifs qu’il ait de remplir ses devoirs Les astres sont des amas de feu. Je compare le Soleil à un corps spongieux, dont les cavités immenses sont pénétrées d’une matiere ignée, qui s’en élance en tout sens. Les corps célestes n’ont point d’ame : ce ne sont donc point des dieux. Parmi ces corps, il y en a de fixes & d’errans : on appelle ces derniers planetes. Quoiqu’ils nous semblent tous sphériques, ils peuvent être ou des cylindres, ou des cones, ou des disques, ou des portions quelconques de sphere ; toutes ces figures & beaucoup d’autres ne répugnent point avec les phénomenes. Leurs mouvemens s’exécutent, ou en conséquence d’une révolution générale du ciel qui les emporte, ou d’une translation qui leur est propre & dans laquelle ils traversent la vaste étendue des cieux qui leur est perméable. Le Soleil se leve & se couche, en montant sur l’horison & descendant au-dessous, ou en s’allumant à l’orient & s’éteignant à l’occident, consumé & reproduit journellement. Cet astre est le foyer de notre monde : c’est de-là que toute la