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minutes sur le cadran ; & c’est de cette maniere qu’est faite la pendule du roi d’Espagne, & toutes les autres qu’on a faites jusqu’ici, & que l’on appelle pendules d’équation.

» La seconde maniere, qui est celle que j’entends, & qui n’a pas encore été exécutée, que je sache, est par une pendule dont les vibrations seroient réglées sur le tems apparent, & qui par conséquent seroient inégales entr’elles. Cette pendule ayant son cadran à l’ordinaire, ses aiguilles d’heures, de minutes, de secondes, seroient toûjours d’accord, & montreroient uniquement & précisément le tems apparent, comme il nous est mesuré par le Soleil ». Cette derniere construction d’équation appartient au P. Alexandre : c’est la même dont je parlerai bientôt.

Celles que l’on construisit en Angleterre, étoient aussi sur le même principe : j’ignore quelle étoit la disposition intérieure de ces premiers ouvrages ; mais je suppléerai à cela en faisant la description de celle de M. Julien le Roi, qui est aussi à deux aiguilles, & qui a été une des premieres pendules à équation.

La seconde est celle du P. Alexandre, dont il a fait la description dans son traité des Horloges. Cette construction, toute simple & ingénieuse qu’elle est, a trop de défauts pour que je m’arrête à la décrire en entier, j’en donnerai simplement l’idée ci-après ; ceux qui seront curieux de la connoître mieux, pourront recourir au traité de l’Horlogerie de cet auteur : je ne crois pas qu’elle ait été exécutée ; elle ne pourroit d’ailleurs marquer le tems moyen.

Je puis comprendre dans ce second genre une construction de M. de Rivaz, qui ne marque que les heures & minutes du tems vrai ; mais elle est exempte des défauts de celle du P. Alexandre : j’en ferai la description, & on en verra le plan dans la fig. 38. A.

La troisieme est celle du sieur le Bon : cette construction marque les heures, minutes & secondes du tems vrai, & les heures & minutes du tems moyen ; c’est par le moyen de plusieurs cadrans qu’il a produit ces effets. Je ne connois cet ouvrage que par l’extrait de la lettre de M. le Bon à l’abbé de Hautefeuille, indiqué dans le livre du P. Alexandre, page 342.

Les pendules d’équation à cercles mobiles sont aussi de ce genre. La pendule à équation que j’ai construite, ainsi que la montre, peuvent y être comprises ; la description que j’en donne ci-après, suppléera à celle que j’aurois donnée de celle de M. le Bon, si j’avois eu la facilité de le faire.

Une derniere espece de pendules à équation, est celle dont une aiguille marque les minutes du tems moyen ; & une autre la différence ou le nombre de minutes dont le tems vrai en differe. Cette derniere aiguille ne fait qu’une demi-révolution environ, pour répondre à 30′ 53″. Cette quantité est la somme des variations du Soleil ; car on voit par la table d’équation ci-après, que le Soleil avance de 16′ 9″ le premier Novembre sur le tems moyen ; & qu’au contraire il retarde de 14′ 44″ sur le même tems le 11 Février, & la somme de ces variations est de 30′ 53″.

On peut voir la description de la pendule dont il s’agit, dans le traité de M. Thiout, ainsi que plusieurs constructions d’équations qui y sont décrites, dont une partie sont en usage parmi les Horlogers, telle que celle de l’invention du sieur Enderlin, savant artiste, que l’Horlogerie regrettera long-tems ; une de M. Thiout, auteur du traité ; une du sieur Regnaud, de Châlons. Je ne m’arrêterai sur aucune de ces pieces, qui sont d’ailleurs connues ; mon but étant d’exposer ici ce qu’on a trouvé depuis l’impres-

sion des traités de M. Thiout & du P. Alexandre, ou

qui n’a pas encore été donné au public.

Avant de faire la description des différentes équations, on me permettra quelques remarques sur le choix des constructions d’équation, & sur ce qu’exige l’exécution de cette partie de l’Horlogerie.

Il y a trois sortes de personnes qui travaillent, ou se mêlent de travailler à l’Horlogerie ; les premiers, dont le nombre est le plus considérable, sont ceux qui ont pris cet état sans goût, sans disposition ni talent, & qui le professent sans application, & sans chercher à sortir de leur ignorance : ils travaillent simplement pour gagner de l’argent, & le hasard a décidé du choix.

Les seconds sont ceux qui, par une envie de s’élever fort loüable, cherchent à acquérir quelques connoissances & principes de l’art, mais aux efforts desquels la nature ingrate se refuse.

Enfin le petit nombre renferme ces artistes intelligens, qui nés avec des dispositions particulieres, ont l’amour du travail & de l’art, & s’appliquent à découvrir de nouveaux principes, & à approfondir ceux qui ont déjà été trouvés.

Pour être un artiste de ce genre, il ne suffit pas d’avoir un peu de théorie & quelques principes généraux des Méchaniques, & d’y joindre l’habitude de travailler ; il faut une disposition particuliere donnée par la Nature. Cette disposition seule tient lieu de tout ; lorsqu’on est né avec elle, on ne tarde pas à acquérir les autres parties. Si on veut faire usage de ce don précieux, le tems donne bientôt la pratique, & un tel artiste n’exécute rien dont il ne sente les effets, ou qu’il ne cherche à les analyser : enfin rien n’échappe à ses observations ; & quel chemin ne fera-t-il pas dans son art, s’il joint à ces dispositions l’étude de ce que l’on a découvert jusqu’à lui ? Il est sans doute rare de trouver des génies heureux qui réunissent toutes ces parties nécessaires ; mais on en trouve qui ont toutes les dispositions naturelles, il ne leur manque que d’en faire l’application ; ce qu’ils feroient sans doute, s’ils avoient plus de motifs pour les porter à se livrer tout entiers à la perfection de leur art. Il ne faudroit, pour rendre un service essentiel à l’Horlogerie & à la société, que piquer leur amour-propre, faire une distinction de ceux qui sont horlogers de nom, ou qui le sont en effet ; enfin confier l’administration du corps de l’Horlogerie aux plus intelligens ; faciliter l’entrée à ceux qui ont du talent, & la fermer à jamais à ces misérables ouvriers qui ne peuvent que retarder le progrès de l’art, qu’ils ne tendent même qu’à détruire ; ou, si l’on veut que cette communauté subsiste telle qu’elle est, que l’on érige du moins une société particuliere, composée des plus fameux artistes qui seront juges du talent de ceux qui devront en être reçûs, & qui décideront du mérite de toutes les nouvelles productions. Cette digression, si c’en est une, doit être pardonnée à mon zele pour le progrès de l’art.

On peut réduire à deux points essentiels ou généraux, toutes les parties de l’Horlogerie ; la construction, c’est-à-dire la disposition des différens méchanismes, & l’exécution. L’une & l’autre sont également nécessaires pour rendre les effets que l’on s’est proposé ; sans l’intelligence de l’artiste, l’exécution la plus belle ne forme que des parties séparées, qui n’ont point d’ame, & ne peuvent rendre que très-mal des effets ; & sans la pratique le théoricien ne peut mettre en exécution ses idées. D’ailleurs la pratique nous instruit de bien des phénomenes qu’on n’apperçoit qu’en exécutant.

La construction des ouvrages d’équations été jusqu’à présent trop composée, & les êtres multipliés sans raison, inconvénient ordinaire aux nouvelles