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férentes, par rapport aux solides comparés entr’eux, par rapport aux solides comparés avec les fluides, & par rapport aux fluides comparés entr’eux-mêmes : c’est ce qu’il est nécessaire d’expliquer.

Pour que l’équilibre, tel qu’on en a donné l’idée, relativement à l’économie animale, subsiste entre les différens organes, il faut que le tissu, le ressort de tous les vaisseaux, soit proportionné à la quantité des liquides qu’ils doivent recevoir, au mouvement qu’ils doivent communiquer à ces liquides, & à l’effort qu’ils doivent en éprouver : ainsi les vaisseaux lymphatiques, par exemple, doivent avoir autant de force d’action & de résistance que les vaisseaux sanguins, respectivement à la quantité, au mouvement & à l’effort du liquide que ceux là reçoivent, contiennent & distribuent à des vaisseaux subalternes de différens ordres.

Ainsi dans un corps bien conformé, & joüissant d’une santé aussi parfaite qu’il est possible, tous les solides, dans les vaisseaux de toutes les especes, doivent avoir proportionnément la même force d’action, de résistance & de réaction.

Mais pour que cette force puisse être exercée librement, il est nécessaire qu’il existe une proportion entre elle & la quantité, la consistance des différens fluides, respectivement aux solides qu’ils contiennent ; d’où s’ensuit que l’équilibre des solides entr’eux suppose nécessairement celui des solides avec les fluides, & celui des fluides comparés les uns aux autres : par conséquent l’équilibre dont il s’agit dépend principalement de l’état des parties solides qui ont dans l’animal toute l’action, ou naturelle, c’est-à-dire élastique, ou sur-ajoûtée, c’est-à-dire musculaire, tandis que les fluides n’ont que des forces passives, telles que la pesanteur, la mobilité : celle-ci même doit presque annuller les effets de celle-là ; de maniere que la masse des humeurs animales ne doit avoir de poids que pour être susceptible de recevoir un mouvement réglé, pour résister à en trop prendre, & non pour suivre sa tendance comme corps grave.

On doit se représenter toutes les fibres qui entrent dans la structure de l’animal, comme dans un état de distractilité continuelle, plus ou moins grande, à proportion que les vaisseaux qu’elles forment sont plus ou moins remplis ou dilatés par les liquides contenus : elles sont dans un état violent, attendu que, laissées à elles-mêmes, celles qui sont dans une position longitudinale tendent à se racourcir de plus en plus, & les vaisseaux à s’oblitérer par la contraction des fibres circulaires, qui en est aussi un véritable racourcissement. Ces effets n’ont jamais lieu dans les vaisseaux qui contiennent quelque liquide ; ils ne peuvent jamais parvenir à l’état de contraction parfaite ; ils en approchent seulement plus ou moins, à proportion qu’ils sont plus ou moins distendus par la quantité & l’effort des fluides qu’ils contiennent, tant que la distribution des fluides se fait avec égalité, c’est-à-dire proportionnément à ce que chaque vaisseau doit en recevoir dans l’état naturel.

Tous les solides, dans quelque état qu’on les considere, soit de systole, soit de diastole, forment un ressort d’une seule piece, dont les parties soûtiennent l’effort les unes des autres, sans qu’aucune plie : mais s’il arrive, par quelque cause que ce soit, que les fibres ou les tuniques de quelques vaisseaux viennent à perdre de cette force de ressort, celle de toutes les autres restant la même, les fluides éprouvant moins de résistance à se porter dans la partie affoiblie, y sont poussés plûs abondamment, & diminuent proportionnément leur effort vers les vaisseaux des autres parties, dont le ressort n’a rien perdu de ses forces, & résiste toûjours également & plus efficacement, attendu que ces vaisseaux peu-

vent se resserrer de plus en plus, en suivant leur disposition

intrinseque, qui étoit auparavant sans effet excédent.

Ainsi lorsque l’équilibre est rompu par relâchement dans quelques-unes des parties contenantes, l’effort des fluides y devenant de plus en plus supérieur à la résistance des solides, ceux-ci cedent aussi de plus en plus, se laissent allonger au point que les vaisseaux qui en sont composés se dilatent outre mesure, quelquefois jusqu’à se rompre : les liquides contenus n’éprouvant que foiblement, ou point du tout, la réaction des vaisseaux trop dilatés, croupissent & dégénerent de leurs qualités naturelles, ou ils s’épanchent de la cavité de ceux dans lesquels s’est fait une solution de continuité, ou ils transudent par les pores les plus ouverts, à cause de l’écartement des fibres, ou ils coulent plus abondamment qu’ils ne devroient, pour le bien de l’économie animale, par l’orifice forcé des vaisseaux, qui se trouve plus ouvert qu’il ne doit être dans l’état naturel.

De tous ces différens effets s’ensuivent des symptomes, dont la différence dépend principalement de celle du siége & des fonctions des organes qui pechent par le relâchement. Si ce vice a lieu dans le tissu cellulaire qui appartient aux tégumens en général, il en provient une leucophlegmatie ; si ce n’est que dans le tissa cellulaire des extrémités inférieures, il en résulte seulement l’enflure de ces parties ; s’il s’établit dans les vaisseaux lymphatiques du bas-ventre, ou de la poitrine, ou de la tête, il en est produit une hydropisie, ou un engorgement séreux des poumons, ou un épanchement dans la poitrine d’humeurs de même nature, ou une hydropisie de différente espece.

Mais le mal n’est jamais plus grand que lorsque les vaisseaux relâchés servent à une excrétion quelconque : alors les liquides contenus s’écoulant sans résistance par les conduits qui leur sont propres, sont suivis par les autres parties de la masse des humeurs, qui sont de consistance à ne pas trouver plus d’obstacle à s’écouler par la même voie ; ce qui rend le flux continuel, ou presque tel. Tous les autres vaisseaux du corps recevant & contenant à proportion moins des fluides qu’il s’en porte plus dans la partie foible, ont la liberté de se resserrer davantage : le chyle, avant de se changer en sang, la matiere même du suc nourricier se portent aussi avec les parties les plus fluides de la masse des humeurs, vers les vaisseaux les plus libres, les moins résistans, c’est-à-dire vers ceux dont les fibres ont perdu l’équilibre : d’où il résulte que la déperdition des fluides en général, par la voie ouverte, venant à excéder la réparation, il se fait une diminution proportionnée du volume dans toutes les parties du corps, attendu qu’il dépend principalement de la quantité des humeurs qui tiennent les vaisseaux dans l’état de la dilatation ; cette diminution fait l’amaigrissement. Le cerveau ne recevant pas une suffisante quantité de fluides travaillés pour être changés en esprits animaux, il en resulte la foiblesse, l’abattement, l’impuissance au mouvement. Le suc nourricier manquant dans les vaisseaux auxquels il doit être distribué, ils s’obliterent peu-à-peu, d’où le marasme. La partie relâchée devenant comme un égout, vers lequel tendent les humeurs de toutes les parties, la plûpart des vaisseaux deviennent vuides & affaissés ; le corps se desseche, & la flexibilité nécessaire aux solides en général, qui ne peut être attribuée qu’à l’interposition convenable des fluides, venant à manquer conséquemment à leur défaut, le mouvement qui ne peut avoir lieu sans cette flexibilité, cesse, & la mort suit.

Cette théorie convient à toutes sortes de fluxions, de dépôts, d’amas considérables, & d’écoulemens