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nous avons vû dans cet article, à l’équilibre de deux corps égaux & semblables, animés en sens contraire de vîtesses de tendance égales. Tout se reduit donc à savoir, s’il peut encore y avoir équilibre dans d’autres cas ; c’est-à-dire par exemple si deux corps égaux dont les vîtesses contraires sont inégales, pourront se faire absolument équilibre, ou ce qui est la même chose, comme il est aisé de le voir, si un corps A animé d’une vîtesse quelconque a, & venant frapper un autre corps égal en repos, les deux corps resteront en repos après le choc. Il semble que ce dernier cas est impossible ; car au lieu de supposer le second corps en repos, supposons-le animé de la vîtesse −a égale & en sens contraire à la vîtesse a ; il est certain d’abord que dans ce cas il y aura équilibre ; supposons à présent que dans l’instant où il est animé de la vîtesse −a, par laquelle il fait équilibre au premier corps, il soit animé de la vîtesse +a, il est évident 1°. que rien n’empêchant l’action de cette derniere vîtesse, puisque l’autre −a est détruite par l’action du premier corps, rien n’empêchera ce second corps de se mouvoir avec la vîtesse +a ; cependant ce même corps animé des vîtesses +a, −a, est dans un cas semblable à celui du repos, où nous l’avons supposé, & puisqu’on suppose que ce second corps en repos ne seroit point mû par le premier, ce second corps seroit donc tout à la fois en repos & en mouvement, ce qui est absurde. Donc il n’y a de vrai cas d’équilibre que celui des vîtesses égales & contraires. Donc, &c.

6°. Donc quand deux corps sont en équilibre, en vertu de la raison inverse de leur vîtesse & de leurs masses, si on augmente ou qu’on diminue si peu qu’on voudra la masse ou la vîtesse d’un des corps, il n’y aura plus d’équilibre. Il faut nécessairement supposer cette derniere proposition, pour démontrer la proposition ordinaire de l’équilibre dans le cas de l’incommensurabilité des masses, voyez page 39 de ma Dynamique ; car dans le cas des incommensurables on ne démontre que par la réduction à l’absurde ; & la seule absurdité à laquelle on puisse réduire ici, comme on le peut voir par la démonstration citée, c’est qu’une masse plus grande fait le même effet qu’une moindre avec la même vîtesse. Il est assez singulier que pour démontrer une proposition nécessairement vraie, telle que celle de l’équilibre des masses en raison inverse des vîtesses, il faille absolument supposer cette autre proposition qui paroît moins nécessairement vraie ; qu’un corps en mouvement venant frapper un autre corps en repos, lui donnera nécessairement du mouvement. Cette connexion forcée n’est-elle pas une preuve que la seconde proposition est aussi nécessairement vraie que la premiere ? Il me semble que ce raisonnement n’est pas sans force, sur-tout si on le joint à celui de l’article 5 précédent.

De tout cela il s’ensuit, qu’il n’y a qu’une seule loi possible d’équilibre, un seul cas où il ait lieu, celui des masses en raison inverse dés vîtesses ; que par conséquent un corps en mouvement en mouvera toujours un autre en repos : or ce corps en mouvement, en communiquant une partie du sien, en doit garder le plus qu’il est possible, c’est-à-dire, n’en doit communiquer que ce qu’il faut pour que les deux corps aillent de compagnie après le choc avec une vîtesse égale. De ces deux principes résultent les lois du mouvement & de la Dynamique ; & il résulte de tout ce qui a été dit, que ces lois sont non seulement les plus simples & les meilleures, mais encore les seules que le Créateur ait pû établir d’après les propriétés qu’il a données à la matiere. Voy. Dynamique, Percussion.

Sur l’équilibre des fluides, voyez Fluide, Hydrostatique, &c.

Au reste on ne devroit à la rigueur employer le mot équilibre, que pour désigner le repos de deux puissances ou deux corps qui sont dans un état d’effort continuel, & continuellement contre-balancé par un effort contraire, en sorte que si un des deux efforts contraires venoit à cesser ou à être diminué, il s’ensuivroit du mouvement. Ainsi deux poids attachés aux bras d’une balance sont en équilibre dans le sens proprement dit : car ces deux poids agissent sans cesse l’un contre l’autre, & si vous diminuez un des poids, la balance sera en mouvement. Au contraire deux corps égaux & durs qui se choquent en sens opposés avec des vîtesses égales, détruisent à la vérité leurs mouvemens, mais ne sont pas proprement en équilibre, parce que l’effort réciproque des deux corps est anéanti par le choc ; après l’instant du choc ces deux corps ont perdu leur tendance même au mouvement, & sont dans un repos absolu & respectif, en sorte que si on ôtoit un des corps, l’autre resteroit en repos sans se mouvoir. Cependant pour généraliser les idées, & simplifier le langage, nous donnons dans cet article le nom d’équilibre à tout état de deux puissances ou forces égales qui se détruisent, soit que cet état soit instantané, soit qu’il dure aussi long-tems qu’on voudra. (O)

Equilibre, (Economie animale.) est un terme fort employé par Baglivi, & adopté par plusieurs physiologistes, mais dans un sens qui n’est pas exactement conforme à celui dans lequel il est usité en Méchanique & en Hydraulique.

L’égalité de forces entre des corps qui agissent les uns sur les autres par leur gravité spécifique, ou par toute autre cause, d’où résulte la cessation de leur mouvement, dès l’instant où cette égalité est établie (en quoi consiste le véritable équilibre, pris à la rigueur), ne peut pas avoir lieu dans l’économie animale, qui exige un mouvement continuel dans tous les organes nécessaires pour l’entretien de la vie, & dans tous les fluides que ces organes sont destinés à mouvoir : ainsi ce n’est pas de la théorie de l’équilibre proprement dit qu’on se propose de faire une application à la physique du corps humain.

L’auteur cité, & ceux qui admettent avec lui le terme d’équilibre dans la théorie de la Medecine, ont seulement prétendu désigner par ce terme, ou par celui d’équilibration, à défaut d’un autre plus propre, une égalité non absolue, mais respective, une proportion dans les forces actives & passives, qui peut être conçue dans toutes les parties tant solides que fluides du corps animal, par rapport à ce que chacune de ces parties doit opérer pour la fonction à laquelle elle est destinée. C’est en vertu de cette proportion de forces dans toutes les fibres qui composent les différens vaisseaux dont est formé le corps humain, que chaque fluide est retenu en quantité déterminée, est réglé dans son cours, & reçoit l’élaboration qui lui est nécessaire, dans les canaux qui lui sont propres ; en sorte qu’il est conservé entr’eux une égalité d’action & de réaction alternatives, qui ne laisse point prédominer, d’une maniere durable, les parties contenues sur les parties contenantes, & réciproquement celles-ci sur celles-là, tant que l’état de santé subsiste.

Cette disposition est absolument requise pour cet effet : c’est de la différence habituelle de cette disposition dans les différens sujets, que dépend aussi la diversité des tempéramens, dont les uns sont plus ou moins robustes que les autres, selon que cette disposition est plus ou moins susceptible qu’il y soit porté atteinte par l’usage ou par l’abus des choses nécessaires à la vie, que l’on appelle dans les écoles les choses non naturelles.

Cette sorte d’équilibre, ainsi conçue dans le corps humain, peut être considérée de trois manieres dif-