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EVERGETE, (Hist. anc.) surnom qui signifie bienfaiteur ou bienfaisant, & qui a été donné à plusieurs princes. Les anciens donnerent d’abord cette épithete à leurs rois, pour quelques bienfaits insignes, par lesquels ces princes avoient marqué ou leur bienveillance pour leurs sujets, ou leur respect envers les dieux. Dans la suite, quelques princes prirent ce surnom, pour se distinguer des autres princes qui portoient le même nom qu’eux. Les rois d’Egypte, par exemple, successeurs d’Alexandre, ont presque tous porté le nom de Ptolemée ; ce fut le troisieme d’entre eux qui prit le surnom d’évergete, pour se distinguer de son pere & de son ayeul ; & cela, dit S. Jérome, parce qu’ayant fait une expédition militaire dans la Babylonie, il reprit les vases que Cambyse avoit autrefois enlevés des temples d’Egypte, & les leur rendit. Son petit-fils Ptolemée Phiscon, prince cruel & méchant, affecta aussi le surnom d’evergete ; mais ses sujets lui donnerent le nom de kakergetes, c’est-à-dire malfaisant. Quelques rois de Syrie, des empereurs romains après la conquête de l’Egypte, & quelques souverains, ont été aussi surnommés évergetes, comme il paroît par des médailles & d’autres monumens. Chambers. (G)

EVERRER, v. act. (Chasse.) opération qu’on fait aux jeunes chiens, quand ils ont un peu plus d’un mois ; elle consiste à leur tirer le filet ou nerf de la langue, qu’on nomme ver, d’où l’on a fait éverrer. On prétend que cette opération fait prendre corps au chien, & l’empêche de mordre.

* EVERRIATEUR, s. m. (Hist. anc.) c’est ainsi qu’on appelloit l’héritier d’un homme mort ; ce nom lui venoit d’une cérémonie qu’il étoit obligé de faire après les funérailles, & qui consistoit à balayer la maison, s’il ne vouloit pas y être tourmenté par des lemures. Ce balayement religieux s’appelloit everræ, mot composé de la préposition ex & du verbe verro, je balaye.

EVERHAM, (Géog. mod.) ville du Worcestershire, en Angleterre. Elle est située sur l’Avon. Long. 15. 44. lat. 52. 10.

EUFRAISE, eufrasia, s. f. (Hist. nat. bot.) genre de plantes à fleur monopétale & anomale, qui présente une sorte de mufle à deux levres ; celle du dessus est relevée & découpée en plusieurs parties, celle du dessous est divisée en trois parties dont chacune est recoupée en deux autres. Il sort du calice un pistil qui entre comme un clou dans la partie postérieure de la fleur : ce pistil devient dans la suite un fruit ou une coque oblongue qui est partagée en deux loges, & qui renferme de petites semences. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Eufraisé, (Mat. méd.) cette plante passe pour un bon ophthalmique : mais on peut avancer que c’est une vertu réellement imaginaire ; & on peut l’avancer avec d’autant plus d’assûrance, que c’est à l’eau qu’on distille de cette plante, que cette propriété est attribuée ; car l’eufraise étant absolument inodore, l’eau d’eufraise est de l’eau exactement privée de toute vertu médicinale particuliere. Voyez Eaux distillées.

Quelques personnes se servent de l’eufraise séchée en guise de tabac, pour fumer dans les maladies des yeux. Mais il est encore fort clair que l’excrétion de la salive excitée par la fumée de l’eufraise, ne fait pas une évacuation plus salutaire que si elle étoit excitée par la fumée de toute autre plante inodore. L’eau d’eufraise entre dans le collyre roborant de la pharmacopée de Paris. (b)

EUGENIA, s. f. (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en rose, composée ordinairement de quatre pétales faits en forme de capuchon, & disposés en rond. Le calice devient un fruit mou, ou une

baie arrondie un peu sillonnée & surmontée d’une couronne. Ce fruit renferme un noyau un peu épais. Nova plantarum americanarum genera, par M. Micheli. (I)

EVIAN, (Géog. mod.) ville du duché de Chablais, en Savoie ; elle est située sur le lac de Geneve. Long. 24. 15. lat. 46. 23.

EVICTION, s. f. (Jurispr.) signifioit la même chose que garantie, ou action en garantie : on confondoit ainsi cette action, avec la cause qui la produit parmi nous. L’éviction est la privation qu’un possesseur souffre de la chose dont il étoit en possession, soit à titre de vente, donation, legs, succession, ou autrement.

L’éviction a lieu pour des meubles, lorsqu’ils sont revendiqués par le propriétaire, & pour des immeubles, soit que le propriétaire les reclame, ou que le détenteur soit assigné en déclaration d’hypotheque, par un créancier hypothécaire.

Il n’y a d’éviction proprement dite, que celle qui est faite par autorité de justice ; toute autre dépossession n’est qu’un trouble de fait, & non une véritable éviction.

On peut néanmoins être aussi évincé d’une acquisition par retrait féodal, lignager, ou conventionnel, & si le retrait est bien fondé, y acquiescer, sans attendre une condamnation.

Un bénéficier peut aussi être évincé par dévolut.

Si celui qui est évincé a un garant, il doit lui dénoncer l’éviction ; & dans ce cas, l’éviction peut donner lieu à la restitution du prix, & à des dommages & intérêts. Voyez Dénonciation & Garantie.

C’est une maxime en Droit, que quem de evictione tenet actio, eundem agentem repellit exceptio.

La plûpart des autres textes de droit qui parlent de l’éviction, doivent être appliqués à la garantie ou action en garantie. Voyez au digeste de evictionibus. (A)

EVIDENCE, s. f. (Métaphysiq.) le terme évidence signifie une certitude si claire & si manifeste par elle-même, que l’esprit ne peut s’y refuser.

Il y a deux sortes de certitude ; la foi, & l’évidence.

La foi nous apprend des vérités qui ne peuvent être connues par les lumieres de la raison. L’évidence est bornée aux connoissances naturelles.

Cependant la foi est toûjours réunie à l’évidence ; car sans l’évidence, nous ne pourrions reconnoître aucun motif de crédibilité, & par conséquent nous ne pourrions être instruits des vérités surnaturelles.

La foi nous est enseignée par la voie des sens ; ses dogmes ne peuvent être exposés que par l’entremise des connoissances naturelles. On ne pourroit avoir aucune idée des mysteres de la foi les plus ineffables, sans les idées même des objets sensibles ; on ne pourroit pas même, sans l’évidence, comprendre ce que c’est que certitude, ce que c’est que vérité, ni ce que c’est que la foi : car sans les lumieres de la raison, les vérités révélées seroient inaccessibles aux hommes.

L’évidence n’est pas dans la foi ; mais les vérités que la foi nous enseigne sont inséparables des connoissances évidentes. Ainsi la foi ne peut contrarier la certitude de l’évidence ; & l’évidence, bornée aux connoissances naturelles, ne peut contrarier la foi.

L’évidence résulte nécessairement de l’observation intime de nos propres sensations : comme on le verra par le détail suivant.

Ainsi j’entens par évidence, une certitude à laquelle il nous est aussi impossible de nous refuser, qu’il nous est impossible d’ignorer nos sensations actuelles. Cette définition suffit pour appercevoir que le pyrrhonisme général est de mauvaise foi.