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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/552

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Nous trouvons dans la vie de Philippe-Auguste par Rigord, & dans la Philippide de Guillaume le Breton, une anecdote sur l’insulte que le peuple de Paris fit à Ferrand comte de Flandre, après qu’il eut été fait prisonnier à la bataille de Bovines.

Nec verecumdabantur, dit le premier, illudere comiti Ferrando rustici, vetulæ, & pueri, nactâ occasione ab æquivocatione nominis ; quia nomen ejus tam equo, quam homini, erat æquivocum ; & casu mirabili, duo equi ejus coloris, qui hoc nomen equis imponit, ipsum in lecticâ vehebant. Unde & ei improperabant, quod modo ipse errat ferratus, quod recalcitrare non poterat, qui prius impinguatus, dilatatus, recalcitravit & calcaneum in dominum suum elevavit.

Le Breton rapporte ainsi ce fait.

At Ferrandus, equis evectus forte duobus,
Lectica, duplici Temone, vehentibus ipsum,
Nomine quos illi color æquivocabat, ut esset
Nomen idem comitis, & equorum, parisianis
Civibus offertur, luparâ claudendus in arce
.

Un semblable jeu de mots peut-il dédommager de la honte d’avoir osé insulter au vaincu ? (e)

FERRARE, (Géog.) ville d’Italie, qui n’a porté ce titre que dans le vij. siecle, capitale du duché de même nom, dans l’état ecclésiastique, avec un évêché qui ne releve que du pape. Elle a de belles églises, & une bonne citadelle que Clement VIII. a fait bâtir, & qui lui coûta, dit-on, deux millions d’écus d’or. Ferrare autrefois florissante, ainsi que tout le Ferrarois, est entierement déchue de sa splendeur, depuis qu’elle a passé avec le duché en 1597 sous la domination du saint siége, qui n’y entretient qu’un légat, chef de la police & de la justice du pays. En effet cette ville est aujourd’hui si pauvre, qu’elle a plus de maisons que d’habitans. Elle est située sur la plus petite branche du Pô, à dix lieues nord-est de Bologne, quinze nord-ouest de Ravenne, vingt-huit nord-est de Florence, soixante-seize nord-ouest de Rome. Long. 29d 11′ 30″. lat. 44d 54′ 0″.

Entre les illustres personnages, dont elle a été la patrie avant la fin de ses beaux jours, on compte avec raison Giraldi, Guarini, Riccioli, & le cardinal Bentivoglio.

Lilio Gregorio Giraldi né en 1478, mort en 1552, s’est distingué par son histoire des dieux des payens, par celle des poëtes de son tems, & par son invention des trente nombres épactaux ; mais ce savant éprouva toutes sortes de malheurs pendant le cours de sa vie, & son mérite le rendoit digne d’une plus heureuse destinée.

Baptiste Guarini né en 1537, mort en 1612, passa ses jours dans le trouble des négociations & des changemens de maîtres, après avoir immortalisé son nom par sa tragi-comédie pastorale, le Pastor Fido qui fut représenté en 1570 pour la premiere fois à la cour de Philippe II. roi d’Espagne, avec une grande magnificence.

Jean-Baptiste Riccioli jésuite, né en 1598, mort en 1671, s’est fait connoître par ses ouvrages astronomiques & chronologiques.

Guy Bentivoglio cardinal, né en 1579, mort en 1644, au moment qu’il alloit être élevé sur le throne pontifical, a rendu sa plume célebre par son histoire des guerres civiles de Flandre, ses lettres, & ses mémoires qui sont des modeles de diction. (D. J.)

* FERRE, s. f. (Verrerie.) instrument de fer, c’est une espece de pince dont on se sert dans les verreries à bouteilles, pour façonner la cordeline, & faire l’embouchure de la bouteille. Voyez Cordeline. Voyez aussi l’article Verrerie.

FERRER une piece d’étoffe, (Commerce.) c’est y apposer un plomb de visite & le marquer avec un coin d’acier. Voyez Plomb.

Ce terme est particulierement usité dans la fabrique de la sajetterie d’Amiens : dans les autres manufactures de lainage, on dit plomber ou marquer. Voyez Plomber & Marquer. (G)

Ferrer, v. act. en Architecture, c’est mettre les garnitures en fer nécessaires aux portes & aux croisées d’un bâtiment, comme équerres, gonds, fiches, verroux, targettes, loquets, serrures, &c. Voyez ces mots, & les planches & les articles de la Serrurerie.

Ferrer, en terme d’Aiguilletier, c’est garnir un ruban de fil, ou de soie, ou une tresse, d’un ferret de quelqu’espece qu’il puisse être.

Ferrer, c’est parmi les filassieres, frotter la filasse contre un fer obtus qui la broye, pour ainsi dire, & en fait tomber les chenevotes. Voyez Fer.

Ferrer un Cheval, (Maréchallerie.) Expression qui caractérise non-seulement l’action d’attacher des fers aux piés du cheval, mais celle de couper l’ongle en le parant ou le rognant. Voyez Ferrure.

Le premier soin que doit avoir le maréchal, que l’on charge de ferrer un cheval, doit être d’en examiner attentivement les piés, à l’effet de se conformer ensuite dans son opération aux principes que l’on trouvera discutés au mot ferrure. Cet examen fait, il prendra la mesure de la longueur & de la largeur de cette partie, & forgera sur le champ des fers convenables aux piés sur lesquels il doit travailler ; ou s’il en a qui puissent y être appliqués & ajustés, il les appropriera de maniere à en faire usage. Voyez Forger & Fer.

Je suis toûjours étonné de voir dans les boutiques de maréchaux un appareil de fers tous étampés, & que quelques coups de ferretier disposent après un moment de séjour dans la forge, à être placés sur le pié du premier animal qu’on leur confie. Que de variétés ! que de différences n’observe-t-on pas dans les piés des chevaux, & souvent dans les piés d’un même cheval ! Quiconque les considérera avec des yeux éclairés, partagera sans doute ma surprise, & ne se persuadera jamais que des fers faits & forgés presque tous sur un même modele, puissent recevoir dans un seul instant les changemens que demanderoient les piés auxquels on les destine. D’ailleurs il n’est assûrément pas possible de remédier assez parfaitement aux étampures qui doivent être ou plus grasses ou plus maigres. Voyez Ferrure. Et il résulte de l’attention du maréchal à se précautionner ainsi contre la disette des fers, des inconvéniens qui tendent à ruiner réellement les piés de l’animal, & à le rendre totalement inutile.

Ces sortes d’ouvriers cherchent à justifier cet abus, & à s’excuser sur la longueur du tems qu’il faudroit employer pour la ferrure de chaque cheval, si leurs boutiques n’étoient pas meublées de fers ainsi préparés ; on se contente de cette raison spécieuse, & l’abus subsiste ; mais rien ne sauroit l’autoriser, lorsque l’on envisage l’importance de cette opération. D’ailleurs il n’est pas difficile de se convaincre de l’illusion du prétexte sur lequel ils se fondent : ou les chevaux qu’ils doivent ferrer, sont en effet des chevaux qu’ils ferrent ordinairement ; ou ce sont des chevaux étrangers, & qui passent. Dans le premier cas, il est incontestable qu’ils peuvent prévoir l’espece de fers qui conviendront, & l’instant où il faudra les renouveller, & dès-lors ils ne seront pas contraints d’attendre celui où les chevaux dont ils connoissent les piés, leur seront amenés, pour se mettre à un ouvrage auquel ils pourront se livrer la veille du jour pris & choisi pour les ferrer. Dans le second cas, ils consommeront plus de tems ; mais ce tems ne sera pas considérable, dès qu’ils auront une quantité de fers auxquels ils auront donné d’avance une sorte de contours, qu’ils auront dégrossis, & qu’il ne s’a-