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posées ; savoir les composées proprement dites, les recomposées, decomposita ; & les sur-composées, supra-decomposita. On a donné le nom de foliole, foliolum, à chacune des petites feuilles qui composent la grande. Les feuilles composées proprement dites, sont celles qui se trouvent plusieurs ensemble sur un même pédicule simple ou branchu ; les recomposées sont celles dont le pédicule commun se divise & se subdivise avant de former le pédicule particulier à chaque foliole. Dans les feuilles sur-composées, le pédicule commun se divise plus de deux fois avant d’arriver aux folioles. Il y a quatorze genres de feuilles composées.

Les feuilles déterminées sont celles que l’on distingue des autres par leur direction, leur position sur la plante, leur insertion, & leur situation respective, sans avoir égard à leur forme ni à leur structure. Ces feuilles déterminées sont divisés en 34 genres ; ce qui fait en tout 126 genres de feuilles, dont on peut faire un beaucoup plus grand nombre d’especes, en employant leurs caracteres pour la description des plantes. Voyez floræ parisiensis prodrom. par M. Dalibard. Paris, 1749. (I)

Observations sur la distribution, les usages, l’utilité, la multiplication, la direction, le retournement des feuilles, leur inspection au microscope, l’art de les disséquer, & d’en prendre l’empreinte. Les Botanistes se sont déjà beaucoup exercés à chercher dans les feuilles, des caracteres propres à distinguer les plantes, à les ranger en classes & en genres ; & si cette ingénieuse idée ne réussit pas, du moins peut-elle fournir des vûes & des avantages assez importans. Les mêmes Botanistes ont tâché de ramener toutes les distributions différentes des feuilles à des classes fixes. M. Bonnet, si distingué par ses connoissances en l’Histoire naturelle, a établi cinq ordres principaux de cette distribution dans son bel ouvrage sur les feuilles, publié à Leyde en 1754, in-4°. avec figures ; & quoiqu’on puisse sans doute découvrir de nouveaux genres de distribution, sa méthode ne mérite pas moins nos éloges.

Le premier ordre, que ce curieux observateur appelle alterne, & qu’il faut regarder comme le plus simple, est celui dans lequel les feuilles sont distribuées le long des branches, sur deux lignes paralleles à ces mêmes branches, & diamétralement opposées l’une à l’autre ; ensorte qu’une feuille placée sur la ligne droite, est suivie immédiatement d’une autre située sur la ligne gauche : celle-ci l’est d’une 3e placée sur la ligne droite, & ainsi alternativement.

Le second ordre, que l’on peut nommer à paires croisées, est composé de feuilles distribuées par paires vis-à-vis l’une de l’autre, de façon que celles d’une paire croisent à angles droits celles de la paire qui suit.

Le troisieme ordre, que les Botanistes connoissent sous le nom de feuilles verticillées, est celui dans lequel les feuilles sont distribuées autour des tiges ou des branches, à-peu-près comme les rayons d’une roue le sont autour du moyeu. Cet ordre peut être sous-divisé par le nombre des feuilles, suivant qu’elles sont distribuées de trois en trois, de quatre en quatre, &c.

Le quatrieme ordre peut se nommer en quinconce, & est composé de feuilles distribuées de cinq en cinq.

Le cinquieme ordre, qui est le plus composé, peut se nommer à spirales redoublées ; il est formé de feuilles arrangées sur plusieurs spirales paralleles. Le nombre de ces spirales, & celui des feuilles dont chaque tour est composé, peuvent donner naissance à des sous-divisions ; traçons sur un bâton trois ou cinq spirales paralleles ; sur chaque tour de ces spirales piquons à une distance à-peu-près égale les unes

des autres, sept ou onze épingles, & nous aurons une idée très-nette de cet arrangement. Le pin & le sapin sont de ce cinquieme ordre qui est extremement rare.

On ne peut voir ces divers ordres de distributions de feuilles, sans se livrer aux sentimens d’admiration pour les lois éternelles, qui ont merveilleusement approprié les moyens à la fin.

On est pénétré des mêmes sentimens, quand on considere la régularité avec laquelle les feuilles sont couchées & pliées avant que de sortir du bouton, & la prévoyance de la Nature pour les mettre à l’abri de tout accident. La position réguliere des feuilles est telle, qu’elle embrasse la sixieme partie d’un cercle, comme dans le syringa, ou la huitieme comme dans la mauve, & généralement la douzieme comme dans le houx.

Le soin que la nature a pris de la conservation des feuilles, n’est pas moins digne d’attention ; en effet, autant que leur figure le permet, elles sont toûjours défendues par les autres parties du bouton, ou se servent de défense respective. Lorsqu’elles sont en trop petit nombre & trop minces pour former ensemble un corps élevé en surface convexe, alors elles se déployent ou se roulent en tant de manieres, qu’il a fallu inventer des mots pour pouvoir les exprimer. A ces différens rouleaux, établis pour la défense des feuilles, nous pouvons ajoûter celle que procure l’interposition de diverses membranes fines qui servent au même but. Le docteur Grew en compte jusqu’à six, qu’il désigne par les noms de feuilles, de surfeuilles, d’entre-feuilles, de tiges des feuilles, de chaperons, & de petits manteaux ou voiles qui les couvrent. Voy. l’anat. des plantes de ce curieux physicien, liv. I. tab. 41, 42. Voyez aussi Malpighi de gemmis ; nous ne pouvons pas entrer dans ces détails.

Les feuilles si bien distribuées, si variées dans leurs formes, si régulierement couchées & pliées, si savamment défendues contre les accidens, n’ont pas été données aux plantes uniquement pour les orner ; elles ont des usages plus importans, & qui répondent mieux aux grandes idées que nous avons de l’ordre général.

Entre ces usages, celui d’élever le fluide nourricier, est un des principaux & des mieux constatés par les belles expériences de M. Hales ; mais la préparation de ce fluide, l’introduction de l’air dans le corps de la plante, & la succession des particules aqueuses répandues dans l’atmosphere, ont d’autres fonctions, qui demandent encore d’être approfondies.

On distingue deux surfaces dans les feuilles des plantes ; la surface supérieure, ou celle qui regarde le ciel, & la surface inférieure, ou celle qui regarde la terre ; ces deux surfaces different sensiblement l’une de l’autre dans presque toutes les plantes terrestres. La surface supérieure est ordinairement lisse & lustrée, ses nervûres ne sont pas saillantes ; la surface inférieure est pleine de petites aspérités, ou garnie de poils courts, ses nervûres ont du relief, & sa couleur toujours plus pâle que celle de la surface supérieure n’a que peu ou point de lustre. Ces différences assez frappantes ont sans doute une fin. L’expérience démontre que la rosée s’éleve de la terre ; la surface des feuilles auroit-elle été principalement destinée à pomper cette vapeur, & à la transmettre dans l’intérieur de la plante ? La pointe des feuilles relativement à la terre, & le tissu de leur surface inférieure, semblent l’indiquer.

Il y a une étroite communication entre toutes les parties de la feuille ; les vaisseaux en s’abouchant les uns avec les autres, se communiquent réciproquement les sucs qu’ils reçoivent des pores absor-