Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/713

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion. Ces sortes de concessions étoient telles, que si le tenancier étoit deux années sans payer la redevance, le bailleur avoit une action pour rentrer dans son fonds. Ces fiefs-fermes ressemblent beaucoup à nos baux à rente, & aux baux emphythéotiques. Voyez Britton, pag. 164 ; Cowel, lib. II. instit. tit. ij. §. 16, & tit. jv. §. 1, lib. III. tit. xxv. §. 2 ; Leges Henrici I. regis Angl. cap. lvj. Matth. Paris, à l’an 1250. Charte de Philippe-le-Bel, de l’an 1384, au thrésor des chartes, reg. 49. Gloss. de Ducange, au mot feudo firma. (A)

Fief ferme, au pays de Normandie est encore une concession d’héritage faite à perpétuité, & qui est opposée à ferme muable : mais on doit plûtôt écrire & dire fieffè-ferme, que fief-ferme ; c’est pourquoi voyez ci-après Fieffe-ferme & Main-ferme. (A)

Fief fini, feudum finitum, est celui dont le cas de reversion au seigneur est arrivé, soit par quelque clause du premier acte d’inféodation, soit par quelque cause postérieure, comme pour félonnie ou desaveu. Le fief fini est différent du fief ouvert, que le seigneur dominant peut bien aussi mettre en sa main, mais non pas irrévocablement : c’est pourquoi le fief en ce cas n’est pas fini, c’est-à-dire éteint. Voy. Loiseau, tr. des off. liv. II. ch. viij. n. 51. (A)

Fief forain, feudum forinsecum, est une pension annuelle assignée sur le fisc, & que le thrésorier du roi est chargé de payer à quelqu’un qui n’est pas de l’hôtel du roi. Voyez le glossaire de Ducange au mot feudum forinsecum, & ci-devant au mot Fief en la court du Seigneur.

Les fiefs forains sont opposés à ces fiefs en la cour. Voyez aussi Fief hors la court du Seigneur. (A)

Fief franc ou Franc Fief, feudum francale seu francum ; c’est ainsi que tous fiefs étoient autrefois appellés, à cause de la franchise ou des prérogatives qui y étoient annexées, & dont joüissoient ceux qui les possédoient. Ce nom convient singulierement aux fiefs nobles & militaires. Voyez ci-aprés Francs Fiefs, Fief militaire, & Fief vilain, roturier, rural. (A)

Fiefs, (francs) dans sa signification propre doit s’entendre de tous fiefs tenus franchement & noblement, c’est-à-dire sans aucune charge de devoir ou prestation annuelle, comme les biens roturiers que l’on qualifioit aussi quelquefois de fiefs ; mais au lieu de les appeller francs-fiefs, on les appelloit fiefs roturiers, fiefs non nobles, &c.

On entend plus communément par le terme de francs-fiefs, la taxe que les roturiers possédant quelque fief, payent au roi tous les vingt ans pour la permission de garder leurs fiefs.

Ce droit est royal & domanial ; les seigneurs n’y ont plus aucune part.

L’origine de ce droit vient de ce qu’anciennement les nobles étoient les seuls auxquels on concédoit les fiefs. Il étoit défendu aux roturiers d’en acquérir ; comme il paroît par deux anciens arrêts, l’un de 1265, l’autre de 1282 ; & comme il est porté dans les coûtumes de Meaux, art. 144 ; Artois, 137 : ce qui s’observe aussi en Bretagne.

Ce ne fut qu’à l’occasion des croisades, lesquelles commencerent l’an 1095, que les roturiers commencerent à posséder des fiefs. Les nobles qui s’empressoient presque tous à faire paroître leur zele dans ces expéditions, pour en soûtenir la dépense se trouverent obligés de vendre une partie de leurs fiefs & seigneuries ; & comme il se trouvoit peu de nobles pour les acheter, parce que la plûpart s’engageoient dans ces croisades, ils furent contraints de les vendre à des roturiers, auxquels nos rois permirent de posséder ces fiefs en leur payant une certaine finance, qui fut dans la suite appellée droit de franc-fief.

Ce droit fut regardé comme un rachat de la peine encourue par les roturiers, pour avoir acquis des fiefs contre la prohibition des anciennes ordonnances ; & comme il n’appartient qu’au souverain de dispenser des lois & d’en faire de nouvelles, le roi est aussi le seul qui puisse permettre aux roturiers de posséder des fiefs, & exiger d’eux pour cette permission la taxe appellée droit de franc-fief.

La permission accordée aux roturiers de posséder des fiefs, étoit d’autant plus importante, que la possession de ces sortes de biens avoit le privilége d’affranchir les roturiers qui demeuroient dans leur fief, tant qu’ils y étoient levans & couchans. M. de Boulainvilliers, en son histoire de la pairie, prétend même que le roturier qui acquéroit un fief & vouloit bien en faire le service militaire, devenoit noble, & qu’il ne payoit le droit de franc-fief que comme une indemnité, lorsqu’il ne vouloit pas vivre saliquement ou noblement, c’est-à-dire faire le service militaire.

Il paroît du moins certain, que les roturiers possesseurs de fiefs étoient reputés nobles, lorsque leurs fiefs étoient tombés en tierce-foi ; c’est-à-dire que lorsqu’ils avoient déjà été partagés deux fois entre roturiers, à la troisieme fois ils les partageoient noblement & de même que les nobles.

Nos rois n’approuvoient pourtant pas ces usurpations de noblesse ; & pour en interrompre la possession, ils faisoient de tems en tems payer aux roturiers une taxe pour leurs fiefs. Cependant les roturiers possesseurs de fiefs ayant toûjours continué de prendre le titre d’écuyers, l’ordonnance de Blois statua enfin par l’article 258, que les roturiers & non-nobles achetant fiefs nobles, ne seroient pour ce annoblis de quelque revenu que fussent les fiefs par eux acquis. Et tel est l’usage que l’on suit présentement.

Anciennement les roturiers ne pouvoient acquérir un fief sans le consentement du seigneur immédiat dont le fief relevoit. Il étoit permis aux seigneurs particuliers de recevoir des roturiers pour vassaux, pourvû que les droits du roi ne fussent point diminués, c’est-à-dire que les roturiers s’obligeassent de faire le service du fief, ce qui intéressoit le roi en remontant jusqu’à lui de degré en degré.

Mais comme ordinairement les roturiers qui achetoient des fiefs ne s’engageoient pas à faire le service militaire, on appelloit cela abreger le fief, c’est-à-dire que le service du fief étoit abregé ou perdu.

Il arrivoit de-là que le fief étoit dévolu au seigneur supérieur immédiat, au même état que ce fief étoit avant l’abregement ; & comme ce seigneur diminuoit lui-même son fief en approuvant ce qui avoit été fait par son vassal, le fief de ce seigneur supérieur immédiat étoit à son tour dévolu à son seigneur supérieur, & ainsi de seigneur supérieur en seigneur supérieur jusqu’au roi ; de maniere que pour desintéresser tous ces seigneurs, il falloit leur payer à chacun une finance ou indemnité.

Philippe III. dit le Hardi abolit cet ancien droit par son ordonnance de 1275, par laquelle il ordonne que les personnes non-nobles qui auroient acquis des fiefs & les tiendroient par hommage à service compétent, ne pourroient être inquiétés par ses juges, lesquels les laisseroient joüir paisiblement de ces biens ; qu’au cas où ces personnes non-nobles auroient fait de telles acquisitions de fiefs ou arriere-fiefs, hors les terres des barons, si entre le roi & celui qui avoit fait l’aliénation il ne se trouvoit pas trois seigneurs, & s’ils possédoient les fiefs acquis avec abregement de service, ils seroient contraints de les mettre hors de leurs mains, ou de payer la valeur des fruits de deux années ; & que si un fief étoit commué en roture, les choses seroient remises en leur premier état, à moins que le possesseur ne payât au roi l’estimation des fruits de quatre années.