Cependant depuis, en quelques lieux, l’ancien droit fut suivi par rapport à l’abregement de fief ; comme il se voit dans l’ancienne coûtume de Bourges, qui porte, que là où aucune personne non-noble acquiert de noble, telle personne acquérant ne peut tenir l’acquêt si elle ne fait finance au seigneur de fief, & aussi de seigneur en seigneur jusqu’au roi.
Philippe-le-Bel par son ordonnance de 1291, dérogea en quelque chose à celle de Philippe-le-Hardi, ayant ordonné que, quant aux personnes non-nobles qui acquerroient des terres en fiefs ou arriere-fiefs du roi, hors les terres des barons, sans son consentement, s’il n’y avoit pas entre le roi & celui qui avoit fait l’aliénation trois seigneurs intermédiaires, soit que les acquéreurs tinssent à la charge de desservir les fiefs ou non, ils payeroient au roi la valeur des fruits de trois années ; & que s’il y avoit abregement de fief, ils en payeroient le dédommagement au dire de prudhommes.
Le droit de francs-fiefs fut aussi levé par Philippe V. dit le Long, lequel par son ordonnance du mois de Mars 1320, renouvella celle de Philippe-le-Bel, excepté qu’au lieu du dire de prudhommes, que les roturiers devoient payer en cas d’abregement de service, il ordonna qu’ils payeroient l’estimation des fruits de quatre années.
Charles-le-Bel fit deux ordonnances touchant les francs-fiefs.
L’une en 1322, portant que les personnes non-nobles qui avoient acquis depuis trente ans sans la permission du roi des fiefs & arriere-fiefs & des aleux, seroient obligés de mettre ces acquisitions hors de leurs mains sous peine de confiscation, avec défense de faire dans la suite de semblables acquisitions.
L’autre ordonnance du même prince, qui est du 18 Juillet 1326, est conforme à celles de Philippe-le-Bel & de Philippe-le-Long, & qui porte que dans le cas expliqué par ces précédentes ordonnances, les roturiers payeroient seulement la valeur des fruits de deux années, & qu’ils en payeroient quatre pour la conversion d’un fief en roture.
On trouve aussi une déclaration de la même année, portant que les roturiers ne payeroient pas de finance pour les biens qu’ils auroient acquis à titre d’emphytéose, moyennant un certain cens ou pension, pourvû que ce fût sans jurisdiction, & que la valeur du fief ne fût pas diminuée.
Il est aussi ordonné que les roturiers descendant d’un pere non-noble & d’une mere noble, ne payeront aucune finance pour les biens qui leur viendroient par succession de leur mere, ou de ses collatéraux nobles.
Du tems de Philippe-de-Valois, on fit une recherche du droit de franc-fief. Ce prince fit le 18 Juin 1328 une ordonnance latine à ce sujet, portant entr’autres choses, que pour les choses & possessions que les personnes non-nobles avoient acquises depuis trente ans en-çà dans les fiefs ou arriere-fiefs du roi, sans le consentement de lui ou de ses devanciers, posé qu’il n’y eût pas entre le roi & la personne qui avoit fait cette aliénation, trois seigneurs intermédiaires ou plus, ils payeroient pour finance l’estimation des fruits de trois ans.
Que si aucune personne non-noble acquéroit d’une autre personne non-noble quelque fief, & que le vendeur l’eût tenu plus anciennement que depuis trente ans, ou qu’au bout de trente ans il eût payé une finance, l’acquéreur ne seroit point contraint de payer une nouvelle finance, ou de mettre le fief hors de ses mains.
Suivant cette même ordonnance, dans le cas où une personne non-noble devoit payer quelque finance pour son assignation, les commissaires dépu-
point assigner ni mettre la main, si ce n’est sur les biens acquis, avant que la finance fût accordée entre le commissaire & l’acquéreur.
On voit par un mandement qui fut adressé à cette occasion aux commissaires députés pour la recherche des francs-fiefs, que quand un noble vendoit son fief à un non-noble moyennant une somme d’argent, & en outre une certaine rente ou pension annuelle, on ne devoit avoir égard qu’au prix payé en argent pour estimer la finance qui étoit dûe, sans compter la rente ou pension retenue par le vendeur.
Philippe-de-Valois renouvella son ordonnance du 6 Juin 1328, le 23 Novembre suivant ; avec cette différence qu’au lieu de trois années que l’on devoit payer pour le droit de franc-fief, il en mit quatre par cette derniere ordonnance.
Comme les nobles outre leurs fiefs possédoient aussi quelquefois des biens roturiers, il expliqua par un mandement adressé le 10 Juin 1331 au sénéchal de Beaucaire, que les roturiers qui acquéroient des nobles de tels biens, auxquels il n’y avoit ni fief, ni hommage, ni justice attachée, ne devoient pour cette acquisition aucune finance au roi.
Le droit de franc-fief étoit dû par les non-nobles, quoiqu’ils eussent acquis d’un noble ; comme il paroît par des lettres du même prince du 24 Août 1338.
Mais ce qui est encore plus remarquable, c’est que du tems de Philippe de Valois & de ses prédécesseurs, l’affranchissement d’un fief où l’acquittement du droit de franc-fief étoit réputé réel, de maniere qu’un non noble pouvoit, sans payer au roi aucune nouvelle finance, acheter le fief d’un autre non noble qui l’avoit acquis, & qui avoit payé au roi le droit de franc-fief, pour obtenir de Sa Majesté l’abregement & affranchissement de service ; ce qui fut changé environ deux cents ans après, en établissant que ces sortes d’affranchissemens ne seroient plus que personnels à chaque possesseur, & non réels.
L’ordonnance de 1302, donnée par Charles IV. dont on a parlé ci-devant eut quelques suites, non-seulement, mais même sous les regnes suivans. En conséquence de cette ordonnance, on envoya plusieurs commissaires dans la sénéchaussée de Beaucaire, pour faire saisir & confisquer au profit du roi les acquisitions de biens nobles faites depuis 30 ans par des roturiers ; il y eut en effet quelques-uns de ces biens saisis : quelques acquéreurs payerent des finances pour conserver leurs acquisitions ; les commissaires ne tirerent pourtant pas de-là les finances infinies qu’ils auroient pû, dit-on, en tirer. Ceux dont les acquisitions avoient été servies, continuerent depuis d’en percevoir les fruits & revenus.
Le duc de Berry & d’Auvergne, & comte de Poitiers, fils & lieutenant du roi Jean dans le Languedoc, donna des lettres pour continuer à exécuter l’ordonnance de 1322, & l’on fit en conséquence quelques poursuites qui furent interrompues lorsqu’il sortit du Languedoc.
Mais le maréchal Daudeneham, lieutenant du roi dans ce pays, envoya des commissaires dans la sénéchaussée de Beaucaire avec ordre de s’informer de ces nouvelles acquisitions, soit par témoins ou par titres, d’obliger même à cet effet les notaires de donner des copies des actes qui seroient dans leurs protocoles & dans ceux de leurs prédécesseurs contenant ces sortes d’acquisitions, & après cette information faite, de faire saisir toutes ces nouvelles acquisitions, d’en faire percevoir tous les revenus, de faire défenses à ceux qui les possédoient de les recevoir, & même de les vendre, de les donner à cens ou moyennant quelque redevance annuelle, & enfin de faire rendre compte à ceux qui avoient