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Fief d’habitation, est celui qui n’est concedé que pour le vassal personnel. Il en est parlé dans les coûtumes des fiefs, lib. I. tit cv. & par Razius, part. III. de feudis. (A)

Fief de Haubert ou de Haubergeon, feudum loricæ, c’est un fief de chevalier, c’est-à-dire dont le possesseur étoit obligé à 21 ans de se faire armer chevalier, & de servir avec le haubert, haubergeon ou cotte de maille, qui étoit une espece d’armure dont il n’y avoit que les chevaliers qui pussent se servir.

Ce fief est le même que les Anglois appellent feudum militare.

Quelques-uns écrivent fief de haubert, comme qui diroit fief de haut baron ; car dans tous les anciens livres de pratique, ber & baron, haubert & haut-baron, sont termes synonymes.

Comme le haubert ou seigneur du fief de haubert étoit obligé de servir le roi avec armes pleines, c’est-à-dire armé de toutes pieces, & conséquemment avec l’arme du corps, qui étoit la cotte de maille ; cette armure fut appellée haubert ou haubergeon, & par succession de tems le fief de haubert a été pris pour toute espece de fief dont le seigneur est tenu de servir le roi avec le haubert ou haubergeon, ce qui a fait croire à quelques-uns que le fief de haubert étoit ainsi appellé à cause du haubergeon, comme le dit Cujas sur le tit. jx. du liv. I. des fiefs quoique ce soit au contraire le terme de haubergeon qui vienne de haubert, & que haubergeon fût l’arme du haubert.

Cette erreur est cependant cause aujourd’hui qu’en la coûtume reformée de Normandie, fief de haubert est moins que baronie. Les art. 155. & 156. taxent le relief de baronie à 100 liv. & celui du fief de haubert entier, à 15 liv. seulement.

Bouteiller, Ragueau & Charondas supposent que le fief de haubert releve toûjours immédiatement du roi, ce qui est une erreur. Terrien qui savoit très-bien l’usage de son pays, remarque sur le chap. ij. du liv. V. p. 171. de l’édition de 1654, qu’un fief de haubert peut être tenu de baronie, la baronie de la comté, la comté de la duché, & la duché du roi.

Suivant l’ancienne & la nouvelle coûtume de Normandie, le fief de haubert est un plein fief ou fief entier ; le possesseur le dessert par pleines armes qu’il doit porter au commandement du roi. Ce service se fait par le cheval, le haubert, l’écu, l’épée & le heaume ; ce fief ne peut être partagé entre mâles, mais quand il n’y a que des filles pour héritieres, il peut être divisé jusqu’en huit parties, chacune desquelles parties peut avoir droit de court & usage, jurisdiction & gage plége, & chacune de ces huit portions est appellée membre de haubert. Mais si le fief est divisé en plus de huit parts, en ce cas chaque portion est tenue séparément comme fief vilain, & dans ce cas aucune de ces portions n’a court ni usage. Ces droits reviennent au seigneur supérieur dont le fief étoit tenu. Il en est de même lorsqu’une des huitiemes est subdivisée en plusieurs portions, chacune perd sa court & usage. Voyez Couvel, lib. II. instit. tit. iij. §. 5 ; Loyseau, des seigneur. ch. vij. n. 45. & suiv. (A)

Fief héréditaire, est celui qui passe aux héritiers du vassal, à la différence des fiefs qui n’étoient anciennement concédés que pour la vie du vassal. Vers la fin de la seconde race de nos rois, & au commencement de la troisieme, les fiefs devinrent héréditaires. Voyez ce qui est dit ci-devant des fiefs en général. (A)

Fief héréditaire, est aussi celui qui non-seulement se transmet par succession, mais qui ne peut être recueilli à la mort du dernier possesseur que par une personne qui soit véritablement son héritiere, de maniere qu’en renonçant à la succession, elle ne

puisse plus le vendre. La succession de ces fiefs est pourtant reglée par le droit féodal, en ce que les femelles n’y concourent point avec les mâles, du moins dans les pays où ce droit est observé, comme en Allemagne ; mais du reste le fief héréditaire est reglé par le droit civil, en ce que l’on y succede suivant le droit civil, ultimo possessori, de même que dans la succession des alodes.

Le fief héréditaire est opposé au fief ex pacto & providentiâ, ou fief propre. Voyez ci-après Fief ex pacto & Fief propre.

Les feudistes distinguent quatre sortes de fiefs héréditaires.

La premiere est celle où le vassal est investi, de maniere que l’investiture lui donne le pouvoir non seulement de transmettre le fief par succession à toutes sortes d’héritiers sans exception, mais même d’en disposer par actes entre-vifs ou de derniere volonté. Un tel fief, dit Struvius, est moins un fief qu’un alode, & il est considéré comme tel ; c’est ce que les feudistes appellent un fief purement héréditaire. Les femmes y peuvent succéder à défaut de mâles, & en ce sens, on peut aussi l’appeller fief féminin héréditaire : mais suivant le droit féodal, les femmes n’y concourent jamais avec les mâles.

La seconde espece de fief héréditaire est celle où le fief est concédé par l’investiture, pour être tenu par le vassal & ses héritiers en fief héréditaire ; & dans ce cas, il n’y a que les héritiers mâles du vassal qui y succedent, c’est pourquoi on l’appelle aussi fief masculin héréditaire : dans tout le reste, ce fief conserve toûjours la vraie nature de fief, ensorte que le vassal n’en sauroit disposer sans le consentement du seigneur, & qu’il n’y a que les mâles qui y puissent succéder.

La troisieme espece de fief héréditaire est celle où l’investiture permet au vassal de transmettre le fief par succession à ses héritiers quelconques. Dans cette troisieme espece quelques auteurs pensent que la femme est admise à la succession du fief, d’autres pensent le contraire : mais ceux qui tiennent que la femme a droit d’y succéder, conviennent qu’elle n’y succede jamais concurremment avec les mâles, mais seulement à défaut de mâles.

Enfin la quatrieme espece de fief héréditaire est celle où l’investiture porte expressément cette clause extraordinaire, que les femmes seront admises à la succession du fief, concurremment avec les mâles, comme dans la succession des alodes ; il est constant que c’est-là le seul cas où elles ne sont point excluses par les mâles en parité de degré, & où elles recueillent le fief héréditaire conjointement avec eux ; telles sont les divisions des fiefs héréditaires, suivant le droit féodal. Voyez Struvius syntagm. juris fend. & Schilter en ses notes, ibid. Rosenthal, c. ij. conclus. 26. Gail. lib. II. observat. cliv. n. ult.

Suivant l’état présent de notre droit coûtumier, par rapport aux fiefs, les femelles y concourent avec les mâles en parité de degré dans les successions directes, mais en succession collatérale le mâle exclud la femelle en parité de degré. (A)

Fief d’honneur ou Fief libre, feudum honoratum, est celui qui ne consiste que dans la mouvance & la foi & hommage, sans aucun profit pécuniaire pour le seigneur dominant.

Dans les provinces de Lyonnois, Forêt, Beaujolois, Maconnois, Auvergne, les fiefs sont nobles, mais simplement fiefs d’honneur ; ils ne produisent aucun profit pour quelque mutation que ce soit, en directe ou collatérale, ni même en cas de vente. C’est pourquoi l’on est peu exact à y faire passer des aveux. Voyez les observat. de M. Bretonnier sur Henrys, tom. I. liv. III. chap. iij. quest. 38.

Ils sont aussi de même qualité dans les deux Bour-