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ractere, & les symptomes qui les accompagnent dans cette fievre, prognostiquent le bien ou le mal qu’on en peut attendre. La plûpart des fievres exanthémateuses se terminent presque toûjours sûrement par des éruptions benignes à la peau, & de telles éruptions calment souvent les fâcheux symptomes des fievres aiguës ; mais les humeurs corrompues dans le corps, qui s’arrêtent sur les parties extérieures par un transport imparfait, & se déposent en même tems sur les parties intérieures, où elles produisent des oppressions, des anxiétés, & autres desordres, sont d’un fâcheux présage, surtout quand elles sont suivies de déjections putrides sans aucun soulagement. L’hétérogene qui forme une éruption imparfaite, menace les malades d’un plus grand danger dans les fievres pourpreuses, pétéchiales, & miliaires, que dans les exanthémateuses, scarlatines, & rougeoliques. Les fievres exanthémateuses épidémiques sont ordinairement contagieuses & d’une mauvaise espece.

Cure. La méthode curative exige en général les boissons legeres, diluantes, apéritives, pour donner de la mobilité à la matiere, & pour que la force de la vie persévere toûjours dans une juste modération ; car par ce moyen les exanthemes se dissipent, en faisant tomber l’épiderme par écailles. La cure particuliere doit se rapporter aux diverses causes de la fievre. Par exemple,

Les fievres exanthémateuses occasionnées par la transpiration ou par la sueur, dont la matiere retenue est devenue plus acre dans les gens foibles, valétudinaires, cacochymes, bilieux, demandent pour remedes de legers diaphorétiques internes, & quelques anti-putrides.

Lorsque les fievres exanthémateuses procedent de mauvaises humeurs, assemblées dans le ventricule & dans les intestins, de bile corrompue, de la nourriture de moules, ou autres crustacés vénimeux, il faut commencer par les purgatifs ou vomitifs, pour chasser du corps la matiere morbifique.

Dans les fievres exanthémateuses produites par de violens exercices ; l’abus des échauffans & des acres, on usera de diluans, de réfrigérans, & de relâchans, mais les fievres exanthémateuses épidémiques, qui ont été animées par des échauffans, ou par des cardiaques stimulans, veulent une diete legere, des laxatifs, & des anti-phlogistiques, pour éviter la métastase dans les parties internes.

Observations de pratique. Le préjugé trop reçu sur la maniere d’agir des remedes échauffans, a fait imaginer qu’ils poussoient l’hétérogene morbifique vers la peau, & qu’ils le détournoient des parties internes, parce qu’on a vû que quelquefois l’éruption est accélérée par leur secours, que les pustules sont fort vives, & qu’elles croissent promptement ; mais bien des raisons nous empêchent d’avoir une opinion avantageuse de ces sortes de remedes. En effet lorsque l’éruption extérieure est d’un mauvais caractere, que les accidens de la maladie sont formidables, les remedes échauffans augmentant la fievre & l’acrimonie des humeurs, portent la violence de l’éruption intérieurement comme extérieurement, & par conséquent aggravent la maladie : de plus ils n’ont aucune vertu pour dompter la malignité du venin & du délétere ; aussi les bons praticiens n’osent les prescrire que lorsqu’ils sont indiqués par l’abattement des forces & la débilité du pouls, que l’on ne peut attribuer à la pléthore sanguine : hors de ce cas, leur circonspection les engage à les supprimer entierement.

Il est vrai que la fievre précede & accompagne toûjours les éruptions les plus favorables ; il est vrai encore qu’elle n’est point suspecte aux grands maîtres, quand elle est simple ; mais le rapport des remedes échauffans avec celui de la fievre, n’est point le mê-

me, on ne doit pas les comparer ensemble, & leur

attribuer les mêmes avantages. L’action que les remedes échauffans excitent, n’est pas comme la fievre, un effet du propre méchanisme de la maladie, c’est l’effet d’une cause étrangere à cette maladie : ainsi l’action des remedes échauffans peut altérer l’ordre de ce méchanisme, & produire quelques accidens spasmodiques, capables de s’opposer & à la dépuration & à l’éruption. Il faut donc les regarder presque toûjours ou comme nuisibles, ou du moins comme inutiles.

L’idée qu’on s’est formée de l’opération des grands diaphorétiques & des sudorifiques dans les éruptions cutanées, ne paroît pas moins chimérique. L’effet propre de ces remedes est d’exciter l’action des filtres de la peau, & de provoquer une plus grande excrétion par la voie de la transpiration ; mais ils ne poussent point, comme plusieurs medecins se l’imaginent, du centre à la circonférence (pour me servir des termes vulgaires), ils ne conduisent point à la peau les humeurs dont ils provoquent l’excrétion ; elles y sont entraînées par le cours ordinaire de la circulation, & ce n’est que là où les diaphorétiques & les sudorifiques agissent, en provoquant l’évacuation de ces humeurs : mais dans les éruptions, il ne s’agit nullement de cette évacuation ; ainsi ces remedes ne sont encore d’aucun avantage à cet égard ; ils ne peuvent pas même alors produire leur effet ordinaire, parce que les organes de la transpiration sont d’autant plus lésés, & leurs fonctions d’autant plus empêchées, que l’éruption est considérable, & qu’elle dérange le tissu de la peau. Enfin les éruptions se font par l’affinité du délétere ou du venin, avec la partie qui est plus susceptible que les autres de son impression.

Concluons, avec M. Quesnay, que les idées communes sur la dépuration des humeurs par l’évacuation, & sur la maniere de la procurer par les échauffans, les diaphorétiques & les sudorifiques, ne présentent à l’esprit que des erreurs, qui deviennent pernicieuses par les fausses indications qu’elles suggerent dans la pratique de la Medecine. Voyez aussi Huxnam, in Fevers.

Fievre hectique, febris tabida, & par les modernes hectica ; fievre chronique, continue, ou rémittente, qui dans la durée de son cours croît en violence & en nombre de fâcheux symptomes, mine peu-à-peu tout le corps, consume les sucs, détruit les forces, & conduit ordinairement le malade au tombeau.

Signes de cette fievre. Cette fievre se manifeste par un pouls foible, dur, petit, & fréquent ; la rougeur des levres, de la bouche, des joues, qui s’augmente dans le tems qu’il entre de nouveau chyle dans le sang ; une chaleur inquiétante, une aridité brûlante dans la peau, qui est sur-tout sensible aux mains après les repas ; une urine nidoreuse, écumeuse, qui dépose un sédiment & porte sur sa surface un nuage leger, gras, de couleur foncée ; le desir de toute nourriture froide, la sécheresse de la bouche, une soif continuelle, le sommeil de la nuit sans soulagement, & la langueur répandue par-tout le corps.

A cet état succedent des crachats glutineux & écumeux, un sentiment de poids & de douleur dans les hypochondres, une grande sensibilité aux moindres changemens de tems, un état qui empire dans les équinoxes, & principalement dans celui de l’automne ; une tête étourdie au reveil, des évacuations d’humeurs ténues & fétides par les sueurs, les urines, les selles ; l’abattement de toutes les forces, & cette émaciation universelle qu’on nomme marasme.

Le mal croissant toûjours, produit de nouveaux symptomes encore plus funestes, des tremblemens, des taches, des pustules, une couleur livide & plom-