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» Juste, on t’estimera ; sincere, tu seras crû ; sobre, le sobriété écarte la maladie ; prudent, la fortune te suivra.

» Cours au desert, mon fils, observe la cicogne ; qu’elle parle à ton cœur : elle porte sur ses aîles son pere âgé, elle lui cherche un asyle, elle fournit à ses besoins.

» La piété d’un enfant pour son pere, est plus douce que l’encens de Perse offert au soleil, plus délicieuse que les odeurs qu’un vent chaud fait exhaler des plaines aromatiques de l’Arabie.

» Ton pere t’a donné la vie, écoute ce qu’il dit, car il le dit pour ton bien ; prête l’oreille à ses instructions, car c’est l’amour qui les dicte.

» Tu fus l’unique objet de ses soins & de sa tendresse, il ne s’est courbé sous le travail que pour t’applanir le chemin de la vie ; honore donc son âge, & fait respecter ses cheveux blancs.

» Songe de combien de secours ton enfance a eu besoin, dans combien d’écarts t’a précipité le feu de ta jeunesse, tu compatiras à ses infirmités, tu lui tendras la main dans le déclin de ses jours.

» Ainsi sa tête chauve entrera en paix dans le tombeau ; ainsi tes enfans à leur tour marcheront sur les mêmes pas à ton égard ».

Voyez aussi l’article Enfant (Morale,) où l’on entre dans de plus grands détails. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fils (beau.) Jurisp. & Belles-Lettres, terme d’affinité. Le beau-fils est le fils du mari ou de la femme sorti du premier mariage de l’un ou de l’autre : nous disions autrefois fillâtres, & nous avons eu tort d’appauvrir notre langue de ce terme expressif.

Il me rappelle que des interpretes d’Horace supposant que l’on ne dît en latin privignus, ou privigna, que d’un enfant du premier lit, fils ou fille dont le pere ou la mere sont décédés après avoir passé à de secondes nôces, accusent le poëte latin d’un pléonasme ridicule dans ses deux vers de l’Ode XXIV. liv. III. où est l’éloge des anciens Scythes.

Illic matre carentibus
Privignis mulier temperat innocens.

Mais les critiques dont je veux parler, n’ont pas pris garde que suivant les lois romaines, il pouvoit y avoir des privigni dont le pere ou la mere étoient encore en vie ; ce qui arrivoit dans le cas du divorce ; cas où le mari s’étant séparé de sa femme, comme la loi le lui permettoit, & ayant épousé une seconde femme, les enfans du premier mariage étoient privigni à l’égard de la seconde femme, quoique leur mere fût vivante. Ainsi Tibere Néron ayant cédé Livie à Auguste, Drusus fut privignus à Auguste.

Cette remarque est de M. Aubert dans Richelet, & elle leve une difficulté que la seule science de la langue latine ne peut résoudre sans la connoissance des lois romaines. M. Dacier, admirateur d’Horace, soûtient à la vérité, que privignis & matre carentibus, sont deux expressions différentes qui ne disent point la même chose, mais il n’explique pas en quoi & comment ces deux expressions different, & c’est précisément ce qu’il falloit prouver aux censeurs pour leur fermer la bouche. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fils des dieux (Mythol.) La dénomination de fils des dieux ou enfans des dieux, est aussi confuse qu’étendue dans l’histoire fabuleuse. C’est nettoyer les étables du roi Augias, que de travailler à débroüiller ce cahos. Je me bornerai donc aux principales applications de ce terme, rassemblées d’après l’abbé Banier dans le Dictionnaire mythologique.

1°. Tous les enfans du concubinage des princes mis ensuite au rang des dieux, comme de Jupiter &

de quelques autres qui eurent plusieurs femmes pendant leur vie, étoient tout autant d’enfans ou de fils des dieux.

2°. On a donné souvent le nom de fils des dieux à plusieurs personnages poétiques ; comme quand on dit que l’Acheron étoit fils de Cérès, l’Amour fils de la Pauvreté, l’Echo fille de l’Air, les Nymphes filles. d’Acheloüs, & une infinité d’autres.

3°. Ceux qui furent les imitateurs des belles actions des dieux, & qui excellerent dans les mêmes arts, passerent pour leurs fils, comme Esculape, Orphée, Linus, &c.

4°. Ceux qui se rendoient fameux sur la mer, étoient regardés comme les enfans de Neptune ; ceux qui se distinguoient dans la guerre, étoient des fils de Mars, comme Thésée, Oenomaüs, &c.

5°. Ceux dont le caractere ressembloit à celui de quelque dieu, passoient aussi pour leurs fils. Etoit-on éloquent ? on avoit Apollon pour pere ; fin & rusé ? on étoit fils de Mercure.

6°. Ceux dont l’origine étoit obscure, étoient réputés enfans de la terre, comme les géans qui firent la guerre aux dieux, Tagès inventeur de la divination étrusque.

7°. La plûpart des princes & des héros, qui ont été déïfiés, avoient des dieux pour ancêtres, & passoient toûjours pour en être les fils.

8°. Ceux qu’on trouvoit exposés dans les temples ou dans les bois sacrés, étoient fils des dieux, à qui ces bois étoient consacrés ; ainsi Erictonius passa pour fils de Minerve & de Vulcain.

9°. Quand quelque prince avoit intérêt de cacher un commerce scandaleux, on ne manquoit pas de donner un dieu pour pere à l’enfant qui en naissoit ; ainsi Persée passa pour fils de Jupiter & de Danaé ; Romulus pour fils de Mars & de Rhéa ; Hercule pour fils de Jupiter & d’Alcmène.

10°. Ceux qui étoient nés du commerce des prêtres avec les femmes qu’ils subornoient dans les temples, étoient sur le compte des dieux dont ces prêtres étoient ministres. La Mythologie a tout divinisé. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fils de Dieu, (Théol.) Cette expression est employée fréquemment dans les Ecritures ; on dispute fortement sur le sens qu’elle y reçoit, les Catholiques y attachant des significations que les Ariens, les Nestoriens, les Sociniens & plusieurs autres hérétiques contestent.

Nous allons recueillir les divers sens dont cette expression est susceptible, ou que lui ont donné les Théologiens des diverses sectes & des diverses communions.

1°. On trouve appellés du nom de fils de Dieu, d’enfans de Dieu dans les Ecritures, ceux qui font la volonté de Dieu, qui le craignent & l’aiment comme leur pere, & qu’il aime comme ses enfans, qu’il adopte par sa grace, &c. C’est en ce sens que les anges, les saints, les justes & les chrétiens sont appellés fils de Dieu, enfans de Dieu.

2°. Quelques théologiens hétérodoxes prétendent que Jesus-Christ est appellé Fils de Dieu, parce qu’il étoit envoyé de Dieu, parce qu’il étoit le Messie. Ils prétendent que dans la langue des écrivains sacrés, & dans la croyance générale du peuple juif sur la venue du Messie, Fils de Dieu étoit synonyme de Messie. On conçoit bien qu’en donnant ce sens à l’expression Fils de Dieu, par exclusion aux significations plus amples que les Théologiens catholiques y attachent, on s’écarte de la doctrine catholique ; mais si on ne prétendoit pas exclure ces significations, & si on y met quelques restrictions, la proposition pourroit souffrir un sens favorable. En effet, il n’y a nul inconvénient à dire que les Juifs, avant la prédication des apôtres ; que les malades qui s’approchoient