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l’existence n’ont guere été remarquées, que l’on pourroit regarder comme des fausses fleurs blanches, entant qu’il leur ressemble, sans avoir la même source, ou comme une gonorrhée bénigne, puisqu’il n’est autre chose qu’une excrétion trop abondante de l’humeur prostatique de la mucosité des lacunes du vagin, une sorte de catarrhe des organes qui servent à séparer l’humeur excrémentitielle destinée à lubrifier ce canal.

Tout ce qui peut augmenter la pléthore générale dans les femmes, & sur-tout celle de la matrice en particulier, en y attirant, en y déterminant un plus grand abord d’humeurs : tout ce qui peut affoiblir le ressort des vaisseaux de cette partie, doit être mis au nombre des causes procatartiques des fleurs blanches ; comme la vie sédentaire, d’où suit trop peu de dissipation ; l’excès d’alimens, la bonne chere, d’où suit une confection trop abondante de bon sang ; la transpiration, ou toute autre évacuation ordinaire, supprimée, d’où résulte la surabondance des fluides ; le tempérament luxurieux ; les fortes passions, effets de l’amour ; le coït trop fréquent, ou toute autre irritation des parties génitales, qui, par les tensions spasmodiques qu’ils y causent, gênent le retour du sang, le retiennent dans les vaisseaux utérins, causent la dilatation forcée trop fréquente de ceux-ci, d’où la perte de leur ressort, & les autres effets mentionnés en parlant des causes immédiates de la maladie dont il s’agit ; les grossesses multipliées, les fausses-couches répetées, qui contribuent aussi beaucoup, sur-tout dans les personnes cachectiques, à déterminer vers la matrice une trop grande quantité d’humeurs, à affoiblir le ton de ses vaisseaux, par conséquent à établir la disposition aux fleurs blanches, &c.

Il suit de tout ce qui vient d’être dit des différentes causes de cette maladie, que toutes les personnes du sexe, dans quelqu’état qu’elles vivent, mariées ou non-mariées, jeunes ou vieilles, sont susceptibles de contracter les différens vices qui établissent la cause des fleurs blanches. Fernel dit qu’il a vû des filles de sept à huit ans affectées de cette maladie : l’observation commune apprend aussi que des femmes y sont sujettes pendant la grossesse, & d’autres dans l’âge le plus avancé ; ainsi elle peut arriver avant le tems des regles, elle en est quelquefois l’annonce : mais elle n’a lieu le plus souvent qu’après que la disposition au flux menstruel est bien établie, & elle succede assez communément à la suppression de ce flux, soit que celle-ci ait lieu par maladie, ou qu’elle soit naturelle par l’effet de l’âge. Les fleurs blanches sont souvent un supplément aux menstrues, nécessaire & même salutaire ; mais dans l’un & dans l’autre cas, l’exercice, la vie laborieuse, comme on le voit à l’égard des femmes de campagne, dispense la plûpart de celles qui s’y adonnent encore plus utilement, de ces incommodités dans tout le tems de leur vie.

L’écoulement d’une humeur quelconque qui n’est pas du pus, sur-tout lorsqu’elle est blanchâtre, suffit pour caractériser la maladie des fleurs blanches, dans les personnes à l’égard desquelles il n’y a lieu de soupçonner aucune maladie vénérienne. Il n’y a donc que la gonorrhée, c’est-à-dire la chaude-pisse proprement dite, de cause virulente, ou le flux prostatique, avec lequel on puisse les confondre ; mais outre que cette sorte de flux vérolique est ordinairement beaucoup moins abondant encore que l’écoulement le moins considérable des fleurs blanches, il y a un moyen de les distinguer sûrement, proposé par Baglivi, prax. medic. lib. II. cap. viij. sect. 3. qui n’étoit pas inconnu à Ambroise Paré, quoique les auteurs intermédiaires n’en fassent pas mention. Voyez les œuvres d’Amb. Paré, liv. XXIV.

chap. lxiij. Il consiste, ce moyen, à observer si l’écoulement équivoque paroît continuer dans le tems des regles, ou non ; la cessation est une preuve qu’il n’est autre chose que les fleurs blanches, & sa continuation assûre que c’est une gonorrhée. La raison en est évidente : celle-ci dépend d’une source (c. à d. les glandes prostates, ou les lacunes muqueuses du vagin, ou les ulceres formés dans le canal de l’urethre, les glandes & les parties voisines) indépendante du flux menstruel, au lieu que la matiere des fleurs blanches est fournie par les mêmes vaisseaux que celle des menstrues.

Mais il n’est pas aussi aisé de distinguer le flux catarrheux du vagin, dont il a été question ci-devant sous le nom de fausses-fleurs blanches, c’est-à-dire la gonorrhée simple, qui n’a aussi rien de commun avec les menstrues, de celui qui est produit par une cause virulente : on ne peut guere s’assûrer de n’être pas trompé à cet égard, quand on a affaire avec des personnes d’une vertu équivoque, dont on peut presque toûjours suspecter la confession ; cependant si on peut observer la matiere de l’écoulement dans sa source ou sur le linge, on peut aussi y appliquer la maniere de faire la différence entre une gonorrhée virulente, à l’égard des hommes, & ce qui n’est qu’un flux de l’humeur prostatique. Voyez Gonorrhée.

On peut juger de l’intensité des causes qui ont donné lieu aux fleurs blanches, par celle des symptomes qui accompagnent ou qui sont les suites de cette affection : ainsi dans celle qui n’est qu’une extension du flux lymphatique, ordinairement, & après les regles, extension qui consiste en ce qu’il dure assez pour être rendu bien sensible pendant un jour ou deux, il ne s’ensuit le plus souvent aucune lésion de fonctions marquée : elle est souvent dans ce cas, comme il a été dit, un supplément avantageux au défaut de l’évacuation naturelle du sang surabondant ; ou au moins elle peut durer long-tems, toute la vie, sans qu’on en soit, pour ainsi dire, incommodé, lorsque le sujet est d’ailleurs d’un bon tempérament.

Dans les sujets cachétiques, les fleurs blanches ainsi périodiques & faisant comme partie du flux menstruel, annoncent le peu de consistence de la masse des humeurs, la sérosité surabondante, le sang mal travaillé ; ce qui est le plus souvent un effet des vices contractés dans les premieres voies par le défaut de sucs digestifs de bonne qualité, par une suite des obstructions du foie, de la rate, &c. en un mot, par de mauvaises digestions.

Lorsque les fleurs blanches sont continuelles, ou qu’elles reviennent souvent irrégulierement, elles sont accompagnées des symptomes de la cachexie, de la pâleur du visage, quelquefois de la bouffissure de cette partie, sur-tout aux paupieres, du dégoût, de l’abattement des forces ; parce que cette maladie est un symptome elle-même du vice dominant dans les solides & dans les fluides, c’est-à-dire du relâchement de l’atonie dans ceux-là, & de la cacochymie dans ceux-ci. Voyez Débilité, Équilibre, Fibre, Cachexie, Cacochymie, Chlorose.

Lorsque la matiere des fleurs blanches est fort séreuse, & qu’elle détrempe continuellement la matrice & le vagin, elles rendent ordinairement les femmes stériles, parce qu’elles éteignent & noyent, pour ainsi dire, la liqueur séminale, selon que le dit le judicieux Hippocrate, Aphor. xlij. sect. 5. Il s’ensuit aussi très-souvent un relâchement si considérable des parois de ce canal, que le poids de la matrice qui tend à la faire tomber vers l’orifice extérieur des parties génitales, fait replier ce canal sur lui-même, & établit la maladie qu’on appelle chûte de matrice, prolapsus uteri. Voyez Matrice.

Si la matiere des fleurs blanches coule moins abondamment, est d’une qualité bilieuse, séjourne dans