L’Encyclopédie/1re édition/FIBRE

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FIBRE LIGNEUSE, s. f. (Bot.) on nomme, en Botanique, fibre ligneuse, les vaisseaux fibreux destinés principalement à conduire le suc nourricier dans toutes les parties de la plante ; mais on distingue dans les arbres & les arbrisseaux les fibres ligneuses de l’écorce, d’avec celles du bois, quoique leur composition soit à-peu-près la même.

Les fibres ligneuses de l’écorce sont certains corps tubulaires, composés de quantité d’autres fibres qui communiquent ensemble ; ils sont ramassés pour l’ordinaire en paquets ou faisceaux, qui en s’étendant & se séparant les uns des autres, forment une espece de tunique réticulaire qui embrasse le bois. M. Grew les appelle des conduits lymphatiques, parce qu’ils contiennent un fluide aqueux, lympide, & pour l’ordinaire sans saveur.

Les fibres ligneuses du bois sont les mêmes que dans l’écorce ; avec cette différence seulement, que si l’on coupe le tronc en-travers, la seve découle de celles de l’écorce, & rarement de celles du bois ; elles forment la plus considérable partie du bois, & servent à le rendre plus fort & plus compact.

Les fibres ligneuses semblent être aux plantes ce que les fibres osseuses sont aux animaux. D’habiles gens prétendent que c’est sur-tout par les fibres ligneuses de la racine, que le suc nourricier s’éleve dans la plante, & que c’est à leur extrémité que sont les principales bouches qui donnent entrée dans l’intérieur : mais quoique cette hypothèse soit vraissemblable à l’égard de plusieurs plantes, il est absolument besoin de l’établir par des expériences, parce qu’il n’appartient qu’aux expériences de consacrer les hypothèses. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fibre, (Anat.) on en distingue d’osseuses, de nerveuses, ligamenteuses, &c. mais celle qui a le plus occupé les Anatomistes méchaniciens, c’est la fibre musculaire.

Borelli observa dans les fibres musculaires, une substance spongieuse (peut-être analogue à celle qu’on trouve dans les tuyaux de plume) ; il en conclut que ces fibres étoient creuses, conjecture qui a été presque généralement adoptée. Mais comme ces fibres devenoient par-là des membranes roulées, il restoit à déterminer quels plis recevoient les filamens de ces membranes dans le mouvement des muscles. On suppose qu’alors les fibrilles transversales qui forment dans l’état de repos des réseaux lâches & paralleles autour des grosses fibres, se tendent, resserrent ces fibres en différens points, & y produisent des vésicules qu’enflent les esprits animaux.

Rien n’est plus incertain que la courbure des fibres de ces vésicules. Si on n’a égard qu’à l’action des esprits animaux, on trouvera toûjours (à cause de la pression perpendiculaire des fluides) que dans chaque point le rayon du cercle osculateur est en raison réciproque de la pression du fluide en ce même point ; comme l’ont démontré M. Jean Bernoulli, chap. xvj. de sa théorie de la manœuvre des vaisseaux ; & après lui M Michelotti, p. 60-1. de sa dissertation de separatione fluidorum. Mais si l’on a aussi égard à la pesanteur des molécules de la fibre musculaire, les vésicules prendront toutes les courbures comprises sous l’équation générale des courbes produites par deux puissances, dont l’une est perpendiculaire à la courbe, & l’autre toûjours parallele à une ligne donnée quelconque ; équation que M. Daniel Bernoulli a donnée dans le t. III. des mémoires de Petersbourg. Je ne parle point encore de l’extensibilité de la fibre musculaire.

On éluderoit ces difficultés, si l’on pouvoit démontrer la supposition sur laquelle raisonne M. Mead dans son mémoire sur le mouvement musculaire, imprimé à la tête de la Myotomia reformata de Cowper. M. Mead, ou plûtôt M. Pemberton, prétend que la courbe qui convient aux fibres des vésicules musculaires, est entre les courbes isopérimetres, celle dont la révolution autour de son axe produit le plus grand solide. Il détermine cette courbe par les quadratures d’aires curvilignes, suivant la méthode de M. Newton ; mais il ne dit point que cette courbe est l’Elastique, ce que M. Jacques Bernoulli avoit démontré long-tems auparavant. Voyez Elastique. Ce silence est d’autant plus surprenant, que la construction que donne M. Pemberton de la courbe isopérimetre cherchée, est absolument la même que celle de la lintearia qu’il a pû voir dans la phoronomie d’Herman, liv. II. pag. 167-8 : mais cette construction même suppose les démonstrations de M. Bernoulli.

M. Daniel Bernoulli (mém. acad. de Petersbourg, tom. I. pag. 306.) croit aussi que chaque filament du petit cylindre creux, qui forme une fibre musculaire, se courbe en élastique : mais comme on ne peut déterminer la rectification de cette courbe, & le solide formé par sa révolution autour de son axe, que par des approximations pénibles, M. Daniel Bernoulli lui substitue une parabole, dont le parametre est fort grand, & les branches de côté & d’autre du sommet, fort petites.

M. Jean Bernoulli, qui a le premier appliqué les nouveaux calculs à la recherche de la courbure des fibres de la vésicule musculaire, a pensé avec beaucoup de vraissemblance que cette courbure est circulaire.

Lorsque le mouvement du muscle cesse, quelle est la direction des filamens qui composent une fibre musculaire, creuse & cylindrique ? M. le marquis Poleni répond, & tous les auteurs paroissent l’avoir supposé, que ces filamens reprennent leur premiere longueur, & se couchent les uns sur les autres en ligne droite. Voyez sa lettre de causâ motûs musculorum, à l’abbé Guido Grandi, p. 5.

Il semble que ces auteurs n’ont pas fait assez d’attention au mouvement tonique des fibres, que d’autres physiologistes ont très-bien distingué de leur mouvement musculaire. Ce mouvement tonique suppose un influx continuel des esprits animaux, qui les fait passer librement & successivement d’une vésicule dans une autre, lorsque les fibrilles transversales sont relâchées : on voit que la courbure des filamens des vésicules est alors la même que la courbure de la voile, ou la chaînette. Voyez Chainette.

On sait qu’entre toutes les surfaces égales produites par la révolution des courbes quelconques, la chaînette est celle qui a la moindre périmétrie. L’avantage de cette courbure est donc de rassembler sous la surface donnée d’un muscle en repos, le plus grand nombre possible de machines musculaires.

S’il est quelque sujet dans la Physiologie qu’on puisse ramener à la nouvelle Géométrie, c’est assûrément celui-ci, sur-tout après les théories de MM. Bernoulli. Par l’incertitude attachée à cette recherche, qu’on juge du succès des autres applications du calcul pour éclaircir les points importans de l’économie animale. Voyez Application de la Géométrie à la Physique. (g)

Fibre, (Economie anim. Medecine.) On entend en général par fibres, dans la physique du corps animal, & par conséquent du corps humain, les filamens les plus simples qui entrent dans la composition, la structure des parties solides dont il est formé.

Les anciens ne sont jamais entrés dans un si grand détail sur cette composition, ils ne cherchoient pas à y voir au-delà de ce qu’ils pouvoient découvrir à l’aide des sens ; ils n’avoient pas même poussé bien loin leurs recherches par ce moyen : ils étoient par conséquent bien éloignés d’employer le raisonnement analytique pour parvenir à se faire une idée des parties élémentaires du corps humain qu’on appelle fibres ; ils faisoient pourtant usage de ce mot. Les auteurs grecs qui ont écrit touchant les plantes, ont appellé de ce nom les nerfs ou les filets qui paroissent au dos des feuilles, & les filamens qui sont à l’extrémité des racines. Ceux qui ont traité de la composition des parties des animaux, ont nommé de même les filets qui sont dans les chairs & en d’autres parties ; c’est ce qu’ils expriment par le mot grec ἴς, dont le pluriel est ἶνες, que les Latins ont rendu par celui de fibra, par lequel on prétend qu’Hippocrate ait marqué également une fibre & un nerf. Personne ne nie qu’il n’ait aussi employé le mot fibre pour signifier un filet charnu ; il a même fait mention des fibres qui sont dans le sang, lib. de carn. & princip. & lib. II. de morb. Voyez Sang. Galien, lib. V. de usu part. regarde aussi les fibres comme des filets déliés & subtils qui entrent dans la composition des nerfs, des ligamens, des muscles ; mais il n’avoit même point d’idée des filamens élémentaires, non plus que tous les auteurs qui l’ont suivi, jusqu’au siecle dernier, où l’Anatomie perfectionnée a poussé la décomposition du corps animal jusqu’à ses parties les plus simples par la pénétration de l’esprit, pour suppléer à la grossiereté à cet égard de tous les instrumens possibles.

On se représente donc aujourd’hui ces fibres animales comme des filamens d’une petitesse indéfinie par rapport à leur largeur & leur épaisseur, & d’une étendue différente, selon les différentes parties à qui elles appartiennent. On conçoit qu’elles sont comme un assemblage de particules élémentaires, unies l’une à l’autre selon la direction d’une ligne. C’est conséquemment ce que l’on ne peut savoir que par le raisonnement, l’expérience apprenant seulement que les chairs, les os, &c. peuvent être divisés plus ou moins aisément en parties linéaires extrèmement déliées, & qu’il n’est aucun organe qui n’en soit composé. L’insuffisance de nos instrumens, & même de nos sens, ne nous permet pas de parvenir à les diviser méchaniquement jusqu’à leurs élémens. Ce qui va être exposé sur les fibres élémentaires, ne peut par conséquent être présenté que comme une suite de conjectures ; mais outre que les conjectures deviennent des raisons, quand elles sont les plus probables qu’on puisse tirer de la nature des choses, & les seuls moyens qu’on puisse avoir de découvrir la vérité, les conséquences que l’on se propose de déduire de celles qui suivent, ne seront point pour cela conjecturales, puisque sur les principes qui seront établis, il ne paroît pas que l’on puisse former aucun autre système sur ce sujet, qui ne fournisse les mêmes résultats, & dont on ne puisse tirer les mêmes conclusions.

Généralités physiques : principes des fibres. Ce n’est donc aussi que par le raisonnement que l’on peut savoir que chaque partie élémentaire proprement dite des fibres, considérée séparément, est formée de particules de matiere unies entr’elles d’un lien indissoluble ; qu’elle est immuable ; qu’aucun agent dans la nature ne peut lui causer aucune altération, soit pour sa forme intrinseque, soit pour sa figure, soit pour la cohésion des particules dont elle est formée : c’est la conséquence qu’on peut tirer de la face constante de l’Univers, qui est toûjours la même, & qui ne présente jamais des corps essentiellement nouveaux, mais seulement des combinaisons variées de la matiere élémentaire, absolument toûjours la même en qualité, en quantité, & seulement différente respectivement aux différens aggrégats qui en sont formés par les puissances de la nature ou par celles de l’art.

Les atomes ou principes de la matiere qui constituent les corps, de quelque genre que ce soit, sont donc de vrais solides d’une dureté à toute épreuve, & vraissemblablement d’une densité égale entr’eux, qui ne different que par la forme extérieure & par le volume, ou seulement par les différentes manieres d’être unis & mêlés entr’eux. Ce sont les seuls solides parfaits qui résistent à la division de leurs parties avec une force insurmontable, puisqu’il n’est aucun corps composé qui oppose une pareille résistance. Ils sont véritablement tels, étant considérés séparément ; mais assemblés en masse, la différente maniere dont ils le sont, forme la différence qui constitue la solidité ou la fluidité dans les masses qui résultent de l’assemblage ; & ces deux qualités des corps composés varient même indéfiniment chacune en particulier, par les différentes combinaisons qui les déterminent : ensorte que le passage de la solidité à la fluidité se fait pour ainsi dire par une infinité de nuances graduées imperceptiblement ; d’où résulte par conséquent une infinité, ou, pour parler plus exactement, une indéfinité de sortes de corps, tant solides que fluides. La différence essentielle de ces deux genres de corps ne consiste cependant qu’en ce que dans les solides la force de cohésion oppose une résistance toûjours bien sensible, quoique plus ou moins, à la division de leurs parties ; & dans les fluides cette résistance ne se fait point ou presque point sentir. Les contacts entre les élémens des corps, ou entre les petites masses de ces élémens, par des surfaces d’une étendue plus ou moins considérable, qualité à laquelle est attachée la force de cohésion (voyez Cohésion), forment la solidité. Les contacts par des points seulement, en plus ou moins petit nombre, mais toûjours si bornés qu’ils ne donnent presque point ou très-peu de prise à la force de cohésion, forment la fluidité : de-là toute la différence des corps entr’eux, c’est-à-dire des corps solides comparés aux fluides, des solides comparés entr’eux, & des fluides aussi comparés les uns aux autres.

Le solide le plus simple est donc celui que l’on peut se représenter composé d’un certain nombre d’élémens, c’est-à-dire de corpuscules séparément indivisibles assemblés, de maniere qu’après leur union ils résistent sensiblement, par quelque cause que ce soit, à la force qui tendoit à les séparer. Ces corpuscules, qui sont du genre des corps que l’on peut concevoir comme constituant chacun séparément un solide parfait, qui sont par conséquent, comme il a été dit, les seuls dans la nature qui résistent avec une force insurmontable à la division de leur matiere propre ; ces corpuscules ou atomes qui n’appartenoient auparavant ni à un aggrégé solide, ni à un aggrégé fluide, forment par l’assemblage qui vient d’être supposé, un aggrégé du premier genre. Cette connexion, quoique très-simple, fait toute la différence entre les solides & les fluides. Elle manque dans ceux-ci, parce que leurs parties élémentaires n’opposent point de résistance à celles du feu qui pénetrent tous les corps, & tendent à détruire toute consistence. On peut regarder l’état des fluides comme un état de fusion, au lieu que la force de cohésion entre les parties intégrantes des solides, est supérieure à la force desunissante du plus actif des élémens ; par conséquent la connexion subsiste tant qu’il n’y a pas excès de cette force-ci sur celle-là. C’est ainsi que la cire, qui a tous les caracteres de la solidité en hyver, devient presque fluide par l’augmentation de l’action du feu universel en été ; & au contraire l’eau, qui est presque toûjours sous forme fluide, devient un corps solide par une grande diminution de cette action. Voyez Glace.

Il est cependant à-propos d’observer ici qu’il y a quelque différence dans la signification des termes de solide & de fluide, par rapport à l’économie animale. Les Physiologistes ne les adoptent pas dans le sens absolu qui vient d’être établi ; ainsi, selon eux, pour qu’une partie du corps humain soit regardée comme solide, il suffit qu’elle ait assez de force de cohésion pour éprouver sans solution de continuité, les alongemens, les distensions, les efforts répetés qui résultent des différens mouvemens, tant ordinaires qu’extraordinaires, en quoi consistent les actions de la vie saine, & même lésée, proportionnées à la constitution naturelle du sujet dans lequel elles s’exercent, ensorte que cette cohésion soit supérieure à tout ce qui tend à la détruire par un effet nécessaire de ces actions. Les parties fluides propres au corps animal, sont composées de molécules qui n’ont presque point d’adhérence entr’elles, qui sont séparables & mobiles en tous sens, mais seulement par accident, c’est-à-dire entant qu’elles sont suffisamment agitées par les mouvemens des organes qui les contiennent ; sans quoi elles cesseroient d’avoir ces qualités.

Il suit de ces principes posés, que dans l’embryon (qui, aux yeux du physicien dans les premiers tems après la génération, ne paroît être pour ainsi dire qu’une goutte de liquide, qui en a les caracteres, selon lui, par le peu de cohésion de ses parties, le peu de résistance qu’elles opposent à leur division), le physiologiste conçoit, par le raisonnement & par analogie, des parties assez solides pour contenir des fluides, pour les mettre en mouvement, & résister aux efforts de ce mouvement ; assez liées entr’elles pour former dès lors une véritable machine hydraulique, un corps organisé, par un assemblage de différens instrumens dont les effets sont aussi parfaits à proportion & plus admirables encore que ceux qui sont produits dans le corps d’un adulte. De même le sang & plusieurs autres humeurs du corps humain, que le medecin regarde comme fluides, laissés à eux-mêmes hors de leurs conduits, perdent entierement, pour la plus grande partie, la propriété en quoi consiste la fluidité, c’est-à-dire la disposition à ce que les particules qui les composent se séparent entr’elles par le moindre effort. Ces humeurs animales forment bientôt une masse coagulée, qui oppose une résistance marquée à la division de ses parties ; cependant tant qu’elles étoient contenues dans le corps de l’animal, elles étoient susceptibles de couler, & couloient en effet sous forme liquide dans les plus petits canaux du corps. La solidité des rudimens de l’animal, contenus dans l’œuf, & la fluidité de la plûpart des humeurs, ne sont donc que des propriétés seulement respectives, accidentelles, entant qu’elles sont considérées sous le point de vûe qui vient d’être présenté. L’observation des Medecins à cet égard est donc nécessaire, & n’est pas déplacée ici, lorsqu’il s’agit des principes qui constituent les parties solides du corps humain.

Formation des fibres. Un élement séparé peut être consideré comme un point mathématique, qui n’a ni longueur, ni largeur, ni profondeur ; mais dès qu’il est uni à d’autres, selon la direction d’une ligne, avec quelque sorte de résistance à la division des parties du tout qui en est formé, il en résulte une des trois sortes de dimensions, qui est la longueur ; c’est un corps composé, étendu seulement selon cette direction ; c’est un corps divisible seulement en ce sens-là : c’est ainsi que peut être conçûe la formation de la fibre simple, qui, par rapport à la divisibilité, est censée n’avoir ni longueur, ni épaisseur ; puisqu’elle n’est susceptible de séparation de ses parties, dans aucune de ces deux dimensions, mais seulement dans sa longueur, parce qu’elle n’est formée que de parties élémentaires disposées selon cette dimension. Cette fibre est donc très-simple, puisqu’aucune partie divisible en soi, aucune partie composée n’entre dans sa formation ; elle n’a rien d’organisé, quoiqu’elle puisse entrer dans la composition des organes, ou qu’elle en ait fait partie. Ses principes sont tels, que ni l’eau, ni l’air, ni le feu, ne peuvent les pénétrer, diviser leur substance ; ils ne sont susceptibles d’altération que relativement à leur union extrinseque entre eux, qui forme la production que nous avons appellée fibre ; union qui peut par conséquent cesser d’avoir lieu.

Les qualités de cette fibre ou de ses élémens conviennent parfaitement à la vraie terre, à la terre pure, qui est un corps simple, solide, formé de parties similaires, le seul que nous puissions saisir, fixer ; mais les parties terrestres, telles qu’elles tombent sous nos sens, n’ont guere de force de cohésion, sans quelqu’autre moyen que le contact, qui n’est vraissemblablement suffisant que pour former des aggrégés des plus simples, c’est-à-dire des amas de parties élémentaires figurées de maniere à pouvoir se toucher & s’unir par des surfaces. Les cendres des animaux, comme des végétaux, se séparent aisément entr’elles par l’agitation du moindre souffle. Donc les aggrégés primitifs de corpuscules simples ont presque tous besoin pour former des solides, de quelque moyen intermédiaire, de quelque espece de glu, de colle, qui les retienne dans l’état de cohésion, en étendant leur surface contiguë, en multipliant par conséquent les points de contact. Dès que ce moyen, quel qu’il soit, est enlevé, les petites parties qui composent les solides se dissipent aisément en poussiere. L’expérience nous engage à penser que ce qui constitue cette colle est de nature aqueuse ou huileuse ; la chose peut être rendue sensible par un exemple.

Que l’on prenne des cendres bien lavées, pour les dépouiller de tout sel, que l’on en fasse un creuset ; il faut pour cet effet paitrir ces cendres avec de l’eau : la pâte étant formée & séchée, elles restent unies en un corps solide, mais qui est percé comme un filtre. Si on paitrit les mêmes cendres avec de l’huile, encore sous forme de vase, & que l’on les fasse sécher dans un four afin que l’huile se cuise, c’est-à-dire que les parties aqueuses s’en séparent, alors ces cendres auront une très-grande force de cohésion, & ce vase ainsi formé sera très-ferme. Si cependant à force de feu, on vient à expulser de sa substance toute l’huile qui y étoit incorporée, les cendres retourneront en poussiere comme auparavant. C’est ainsi qu’une sécheresse de tems de longue durée, fait que la terre qui formoit de la boue, tant qu’elle étoit mêlée avec de l’eau, se réduit en poudre volatile que le vent agite, enleve sous forme de nuée. Si-tôt qu’il vient à pleuvoir, cette même poudre venant à être détrempée de nouveau, retourne en boue & forme une pâte si tenace, si gluante, qu’elle peut par son adhérence aux roues des voitures en arrêter le mouvement, en les retenant avec plus de force qu’elles ne sont tirées.

Il suit de ces raisonnemens appuyés sur des comparaisons de faits, qu’il doit entrer quelque substance glutineuse dans la composition des fibres animales ; mais ce qui semble prouver invinciblement que la chose est ainsi, c’est l’expérience faite sur les fibres même, c’est-à-dire sur des parties qui en sont composées. 1°. Si l’on prend de ces parties, comme quelque portion charnue, bien lavée pour en séparer le sang, ensorte qu’elle soit devenue bien blanche, & que l’on la fasse ensuite bouillir dans de l’eau pendant long-tems ; elle se change en une matiere informe, qui n’est que gélatineuse : ce que savent bien ceux qui font la colle forte, pour laquelle ils n’employent que des morceaux de peaux, de tendons, de membranes cartilagineuses de différens animaux, dont ils font de fortes décoctions ; la dissipation des parties aqueuses laisse un résidu sous forme de gelée, qui, étant desséchée, devient extrèmement ferme & compacte comme de la corne. 2°. Les parties les plus dures, les os peuvent être réduits par la coction en substance de gelée, comme on le prouve par les effets de la machine de Papin, & par l’expérience de Clopton Havers rapportée dans son ouvrage intitulé nova osteologia. V. Digesteur. 3°. La partie mucilagineuse du sang séparée de la partie rouge par l’agitation, la conquassation, étendue en forme de lame, & ainsi séchée, paroît être une membrane fibreuse, qui imite celles qui sont véritablement organisées ; de maniere qu’on peut la conserver longtems dans cet état, selon ce qui est rapporté dans le thrésor anatomique de Ruysch. 4°. Cette même partie gélatineuse séparée du sang, de laquelle il vient d’être fait mention, étant fraîche & mise en masse ; comprimée par quelque moyen que ce soit, & rendue un peu compacte, a souvent été prise pour de la vraie chair fibreuse, comme il arrive sur-tout à l’égard des concrétions qui se forment dans le cœur, dans la matrice, que l’on prend pour des polybes, pour des moles, & qui en ont souvent imposé, même à des medecins éclairés, mais trop peu sur leur garde. 5°. Dans les premiers tems de la génération, les rudimens qui forment l’embryon, tout organisé qu’il est, se présentent sous forme de gelée ; ils ne prennent de la consistance que par les suites de l’accroissement ; & cependant peu de tems avant l’exclusion naturelle du fœtus, les os même ressemblent encore à une substance gélatineuse, sur-tout entre la partie la plus solide & le périoste, comme l’a observé dans son ostéologie, l’auteur déjà cité.

Ces dernieres considérations sur la nature de la fibre, conduisent à traiter de ses propriétés.

Propriétés de la fibre en général. Toute fibre, telle même que nous pouvons l’avoir par une division grossiere (qui est bien éloignée de parvenir à nous donner la fibre élémentaire, la fibre simple), par une division qui ne peut nous fournir rien de plus fin, de plus menu, qu’un fascicule de fibres simples, dont le nombre est aussi petit qu’il est possible, en conservant un volume suffisant, pour tomber sous les sens ; toute fibre est transparente, c’est-à-dire qu’elle transmet en tous sens les rayons de lumiere, comme tous les corps homogenes réduits en filets bien subtils ou en lames très-minces. Lorsqu’une fibre est seche, qu’elle est par conséquent dépouillée des parties hétérogenes des fluides dont elle étoit pénétrée, elle a encore cette propriété plus marquée ; elle peut produire alors les effets d’un prisme, c’est-à-dire qu’elle peut décomposer un rayon de lumiere, & en exhiber les couleurs primitives, en les séparant ; c’est une propriété que l’on peut aussi observer dans un cheveu, dans un poil.

Toutes les fibres du corps humain ont de la flexibilité ; cette propriété est sensible dans toutes les parties molles, sans qu’elles soient décomposées ; elle n’est pas moins dans les parties les plus dures, lorsqu’elles sont divisées en petites lames, qui sont alors susceptibles d’être pliées, courbées aisément, sans qu’il s’y fasse de solution de continuité. Les parties élémentaires qui forment les fibres ainsi flexibles, ne sont donc pas unies entr’elles par des surfaces si étendues & si pleines, qu’elles se touchent exactement dans tous leurs points ; parce qu’il résulteroit d’un tel arrangement des corps aussi solides que leurs élémens même, qui n’auroient ni flexibilité ni divisibilité : les fibres étant susceptibles de l’une & de l’autre de ces propriétés, sont par conséquent composées de parties qui ne se touchent que par des portions de surfaces interrompues ; c’est-à-dire, que les élémens des fibres & les fibres elles-mêmes unies pour former les organes, laissent des points, des espaces entr’eux, c’est-à-dire des pores, selon l’étendue desquels il n’y a point de contact ; qui sont plus ou moins petits, à proportion de la densité propre à ces organes ; & ceux-ci sont conséquemment plus ou moins compressibles, ce qui contribue beaucoup à déterminer les différens degrés de dureté & de mollesse qui les différencie.

Toute fibre, dans quelque partie du corps humain que ce soit, est doüée plus ou moins d’une force élastique : c’est ce qui est prouvé, par ce que l’on voit constamment arriver dans les parties molles coupées, dont chaque portion se retire sur elle-même, se raccourcit sensiblement vers la partie fixe : en quelque sens que soient coupées des chairs, des membranes, des vaisseaux, des fibres de toutes ces sortes d’organes, la même retraction des portions séparées se fait toûjours, & elles restent dans cet état jusqu’à ce qu’on les rapproche de force l’une de l’autre ; ce qui ne se fait qu’avec beaucoup de peine dans les muscles, les tendons. Ce raccourcissement n’a pas lieu d’une maniere sensible dans les nerfs ; mais s’ils sont susceptibles de vibratilité, ils doivent avoir de l’élasticité : cette force contractile ne se montre pas non plus dans les fibres osseuses coupées ; cependant le son qui résulte des os lorsqu’on les frappe, dénote assez que la substance osseuse est élastique ; mais il n’y a guere lieu à ce qu’elle s’exerce dans le corps humain, parce qu’il ne s’y fait naturellement aucun effort suffisant pour mettre les os dans un état d’élongation : cependant les os des enfans résistent plus à être cassés, rompus, que ceux des vieillards : c’est parce qu’il y a plus de flexibilité dans ceux-là que dans ceux-ci. Mais alors même les os sont absolument moins élastiques, quoiqu’ils soient en disposition de paroître tels moins difficilement : l’élasticité, dans toutes les parties du corps humain comparées entr’elles à cet égard, paroît être en raison inverse de leur flexibilité : car les substances nerveuses qui sont les plus flexibles, semblent, comme on a dit ci-devant, n’être point du tout élastiques : mais par opposition, quelle n’est pas l’élasticité des os, à en juger (proportion gardée de leur plus ou moins grande dureté) par l’élasticité de l’yvoire ? on ne peut cependant en tirer aucune conséquence pour le corps vivant ; ainsi l’élasticité de ses fibres ne regarde presque que les parties molles, attendu que ces seules parties sont véritablement susceptibles d’être alongées, pliées, fléchies : cette force, en vertu de laquelle les fibres de ces parties tendent à se raccourcir, leur est tellement inhérente, que non-seulement pendant la vie, de quelque maniere qu’elles soient tirées, elles font effort pour se raccourcir, en se contractant en effet dès qu’elles cessent d’être tendues & qu’elles sont livrées à elles-mêmes par solution de continuité ou autrement ; mais encore après la mort, elles ne sont pas privées de cette force élastique, comme on peut en juger par les peaux des animaux & par les cordes que l’on fait de leurs boyaux & de différentes autres de leurs parties, qui conservent toutes beaucoup d’élasticité.

Mais cette propriété suppose dans la fibre une autre propriété, qui, bien qu’elle consiste dans un effet opposé, en est cependant une disposition nécessaire ; c’est la faculté de pouvoir être alongée, c’est la distractilité : car puisque l’élasticité consiste dans la faculté qu’a un corps qui a souffert un changement dans la situation intrinseque de ses parties intégrantes sans solution de continuité, de les remettre dans leur premier état (par une force qui lui est propre) ; dès que la cause de ce changement cesse, il faut absolument que ce corps soit susceptible de ce premier effet dans ses parties ; qu’elles soient mises dans une sorte d’éloignement, les unes par rapport aux autres ; en un mot, que le contact cesse entr’elles (sans qu’elles se séparent les unes des autres, au point de faire solution de continuité pour le tout qu’elles composent) avant de leur faire recouvrer leur précédente situation respective, & de les ramener à leur premier état : c’est donc, ce me semble, fort à propos que l’on distingue deux effets bien différens, qui s’operent toutes les fois que la faculté élastique est réduite en acte dans les corps qui en sont susceptibles, d’autant plus que ces deux effets dépendent l’un & l’autre d’une puissance réellement aussi active pour l’un que pour l’autre : l’une sert autant à retenir les parties qui tendent à être écartées les unes des autres, & entierement desunies, que l’autre sert à les rapprocher & rétablir entr’elles le contact d’union, au point où il étoit ; l’élasticité tend à raccourcir les fibres plus alongées que ne le comporte leur tendance naturelle ; cet effet s’opere de la même maniere qu’un piston rentre avec force dans une pompe dont il a été tiré en partie ; c’est-à-dire, sans sortir du tuyau, sans cesser d’aspirer. La distractilité permet l’alongement des fibres, en faisant néanmoins continuellement effort pour retenir leurs parties dans la sphere de cohésion ; en empêchant qu’elles n’en sortent ; en conservant ainsi la continuité, ou au moins la contiguité entr’elles : ce qui prouve, pour l’observer en passant, que la force de cohésion dans les corps élastiques, ne consiste pas dans le contact immédiat, puisqu’il peut être diminué très-considérablement, sans que cette force perde son activité : d’où on peut tirer la conséquence, que c’est cette force unique qui opere pour la même fin dans la distractilité, dans l’élasticité & dans le repos des corps, c’est-à-dire qu’elle agit toûjours dans ces différens cas, pour conserver l’assemblage des parties qui forment les aggrégats.

Il suit donc de ce qui vient d’être dit concernant la distractilité, qu’elle doit avoir lieu dans la fibre, pour que celle-ci puisse exercer son élasticité : ce qui arrive toûjours, soit que la cause qui tend la fibre la tire selon sa longueur, soit que la fibre de droite qu’elle est entre deux points fixés, soit forcée à se courber, ou que de courbe qu’elle est, elle le devienne davantage ; soit qu’étant courbe sans avoir d’attache fixe, elle soit forcée à prendre une courbure plus étendue, quoique de la même modification (car ce sont-là les combinaisons générales selon lesquelles la fibre peut être alongée, tirée, forcée en différens sens) : mais puisque la fibre entiere se laisse ainsi distendre, & qu’il s’ensuit que les particules élémentaires dont elle est formée, se séparent alors les unes des autres selon sa longueur, sans que pour cela il y ait dissociation complette, attendu qu’il n’y a point de solution de continuité apparente ; comment cela peut-il se faire ? est-ce, selon l’idée de Bellini, parce que les élémens des fibres sont disposés de maniere que le milieu de leurs surfaces répond au joint de deux autres contiguës, selon ce que l’on observe dans la construction des murs de brique ou de pierre de taille, ce qui fait dépendre la propriété dont il s’agit, non des élémens de chaque fibre entr’eux, mais de la totalité des fibres entr’elles, en tant qu’elles concourent à former un organe quelconque ? est-ce par la raison, que les fibres ont des parties rameuses, qui s’entrelacent & se lient ensemble, selon l’idée de quelques autres physiologistes ? est-ce par la force d’attraction newtonienne, qui conserve la continuité, quoique le contact immédiat soit diminué jusqu’à un certain point ? Cette derniere opinion paroît la plus probable ; mais de quelque maniere que la chose se fasse, c’est tout un ; peu importe : cette recherche appartient absolument à la Physique générale, ainsi que ce qui regarde l’élasticité, la distractilité ; ce n’est donc pas ici le lieu d’examiner quelle peut être la cause de ces phénomenes : d’ailleurs, il vaudroit mieux les admettre eux-mêmes, comme des causes dont il n’est intéressant de savoir que les lois constantes, que de se rendre le joüet de l’imagination, en travaillant à donner des explications qui auroient le sort de toutes celles qui ont paru jusqu’à présent ; dont on peut dire qu’elles se sont détruites les unes les autres, au point de s’être presque fait oublier. Voyez Attraction, Cohésion, Elasticité, &c.

Ce sur quoi il importe le plus d’insister, est l’effet des deux propriétés dont il vient d’être question, bien avérées dans toutes les fibres animales ; d’où il résulte que tant qu’elles sont entieres, de quelque maniere qu’elles soient disposées dans le corps vivant, elles sont absolument dans un état de distension ; par conséquent elles ne sont jamais laissées à elles-mêmes ; elles sont toujours dans un état violent ; elles font continuellement effort pour se raccourcir selon toute l’étendue de leur puissance élastique, & elles ne parviennent jamais entierement à l’état qu’elles affectent, même dans le plus grand relâchement que puissent produire les causes morbifiques.

C’est cette tendance, cet effort continuel des fibres, qui sont les principaux moyens par lesquels la vie se maintient : car étant toûjours distendues, elles sont dans une disposition continuelle à agir pour se raccourcir, dès que la force qui les alonge vient à diminuer ; elles résistent à être ultérieurement distendues, tant que leur force de ressort est supérieure ou même égale à celle qui tend à les alonger davantage. Il y a plusieurs raisons d’empêchement à ce que les fibres ne puissent pas se raccourcir autant que leur élasticité le comporteroit : les raisons particulieres à chaque aggrégé de fibres, sont tirées de leurs différentes positions méchaniques : ainsi p. e. dans celles qui sont antagonistes les unes des autres réciproquement, quoiqu’elles paroissent dans certains cas, comme le relâchement des muscles, n’être plus dans un état violent ; cependant si on vient à couper un des aggrégés antagonistes, il se fait toûjours un raccourcissement dans chacune des portions séparées ; elles s’écartent l’une de l’autre, se retirent vers leur point fixe ; & l’antagoniste, qui reste entier, se contracte tout autant à proportion que celui qui a été coupé se retire : ce qui prouve bien que toutes ces fibres de part & d’autre, n’étoient pas sans tension ; qu’elles faisoient encore effort pour se raccourcir davantage ; & par conséquent, qu’elles ne cessoient pas d’être en action, quoique sans effet sensible.

Quant à l’obstacle général au relâchement entier des fibres, la cause en est facile à trouver ; c’est la masse des fluides contenus dans les vaisseaux, qui tient les fibres dont ils sont composés, dans un état de distension continuelle, plus ou moins forte cependant, selon que le volume des fluides augmente ou diminue : dans le premier cas, les fibres sont tendues ultérieurement en quelque sens qu’elles soient posées : dans le second cas, elles se détendent de même en tous sens ; mais ce relâchement n’est jamais parfait, tant qu’il reste des fluides dans les parties contenantes ; il n’est que respectif ; il n’est qu’un état de moindre distension ; les fibres sont toûjours distendues en tous sens ; dans le premier cas, c’est la distractilité des fibres qui est exercée, & l’élasticité dans le second ; changemens qui ne cessent de se succéder tant que dure la vie, ensorte qu’elle semble dépendre d’un perpétuel inéquilibre.

Mais cet inéquilibre ne peut être connu que par rapport aux solides comparés aux fluides, & réciproquement ; car pour ce qui est des solides entr’eux & des fluides entr’eux respectivement, on peut au contraire se les représenter comme dans un perpétuel équilibre de forces, d’action, de réaction proportionnées, au moins dans l’état de santé, qui est la vie la plus parfaite ; équilibre dont les maladies ne sont que des lésions. Voyez Equilibre, (Econom. anim.) il se trouve sous ce mot bien des choses, qui ont rapport aux fibres en général ; voyez aussi Circulation du sang, Santé.

Une autre propriété des fibres, qui dérive bien naturellement de la force élastique, c’est la vibratilité ; ce seroit ici le lieu d’en traiter aussi ; mais elle appartient de trop près au méchanisme de l’oüie, pour en séparer ce qu’il y a à dire de cette propriété consectaire. Voyez Son, Ouie, Oreille.

Quant à l’irritabilité observée particulierement par M. Haller, dans quelques-unes des parties du corps humain, il suffit qu’elle ne soit pas une propriété commune à toutes les fibres, pour qu’il ne doive pas en être fait ici mention d’une maniere détaillée. Voyez Irritabilité.

Composés des fibres. Après avoir traité de la fibre, de sa nature & de ses propriétés, en tant qu’elle est simple & considérée séparément des organes qui ne sont qu’un composé de fibres ; il reste à rechercher comment on peut concevoir que se forme ce composé, puisque c’est des fibres premieres, que sont construites toutes les parties consistantes du corps humain disposées à contenir, à transférer, à distribuer, à préparer, à séparer, à évacuer les différens fluides qui sont nécessaires, utiles ou inutiles à l’économie animale. Destinées à des actions purement méchaniques, les fibres par leur union différemment combinée, composent des solides, des machines & des instrumens de toute espece ; on trouve en effet dans l’inspection des parties, des filets, des cordons, des cordes, des poulies, des leviers, des colonnes, des solives, des soufflets, des canaux, des reservoirs, des sacs, des soupapes, des filtres, & plusieurs autres choses diversement figurées, qui entrent dans la construction du corps humain, & qui concourent à l’exercice de ses fonctions, à leur perfection & à son ornement.

C’est sous la forme de tuyau principalement, que les fibres unies sont employées à contenir les fluides, qui est l’usage le plus général, commun à tous les organes, à quelques fonctions qu’ils soient destinés. Les tuyaux, qui sont aussi communément appellés conduits, canaux, sont spécialement désignés par les Anatomistes sous le nom de vaisseaux ; ils les distinguent ensuite sous quatre genres principaux, savoir, d’arteres, de veines, de secrétoires & d’excrétoires, qui comprennent les vaisseaux de toutes les especes connues ; voyez Vaisseaux. De tous ces différens vaisseaux, les uns sont facilement apperçûs par les sens, les autres le sont difficilement, ou ne le peuvent être que par les secours de l’art, ou ne le peuvent pas être du tout, à cause de leur extrème petitesse ; ensorte qu’il n’en est qu’un certain nombre de ceux qui échappent à la vûe, même aidée des microscopes, qui ont pû être démontrés par les travaux singuliers & les soins industrieux de quelques célebres anatomistes, & entr’autres, par l’art admirable des injections du grand Ruysch ; on juge par analogie de ceux qui ne sont pas susceptibles d’être rendus sensibles. Il est par conséquent reçû à présent assez généralement, que toutes les parties solides du corps sont chacune formées d’un tissu de vaisseaux, depuis sur-tout qu’il a été démontré que toutes les substances des parties qui n’avoient été que grossierement anatomisées par les anciens, & que l’on avoit crû en conséquence spongieuses, parenchymateuses, ou de telle autre structure aussi éloignée de la véritable, sont réellement un composé de vaisseaux, & pour la plûpart de toutes les especes.

Cette multiplicité de vaisseaux extrèmement subtils, a donné lieu à quelques auteurs de penser, que l’on n’est pas encore parvenu à connoître tous les différens vaisseaux qui entrent dans la composition des parties du corps humain, & ensuite, que le décroissement des vaisseaux va à l’infini : mais quoique l’on accorde la premiere proposition, parce qu’il paroît en effet, que la science de l’anatomie n’est pas portée à sa perfection, & qu’il est probable qu’elle n’y atteindra jamais, bien qu’elle puisse acquérir de plus en plus de nouvelles connoissances ; on ne peut pas, sur une simple conjecture, se déterminer à admettre que la petitesse des vaisseaux n’ait point de bornes ; pendant que la raison indique au contraire qu’il y a des derniers vaisseaux, des vaisseaux au-delà desquels il n’y a pas de division ultérieure en plus petites parties contenantes : ce qui suit peut servir de démonstration pour cette assertion.

Les forces méchaniques, dans quelque machine que ce soit, & par conséquent dans le corps humain, ne sont pas infinies ; l’expérience prouve toûjours qu’elles ont un terme : la division des parties, dont sont composés les fluides, doit aussi conséquemment avoir des bornes : il y a donc des molécules de ces fluides, qui toutes petites qu’elles sont, doivent cependant être conçues d’un volume déterminé, & non pas diminué à l’infini : elles retiennent aussi un certain degré de cohésion entr’elles ; ensorte que le vaisseau destiné à les recevoir doit avoir une capacité déterminée, proportionnée à chacune de ces molécules, & non pas d’un diametre infiniment petit : d’après cette idée, on est fondé à conclure, avec juste raison ; donc il existe un dernier vaisseau d’une petitesse indéfinie, mais bornée.

Mais, puisque l’existence de ce dernier vaisseau est établie, on ne peut se le représenter que très simple ; donc la tunique ou membrane qui le compose, de la maniere qui sera bien-tôt décrite, ne doit pas être faite d’autres vaisseaux : on doit donc la concevoir construite de filamens simples, c’est-à-dire de fibres premieres, telles que l’idée en a été donnée dans cet article : il existe donc une fibre, qui n’est point vasculeuse, qui n’a point de cavité ; par conséquent ce n’est qu’un filet, sans largeur ni épaisseur divisibles, mais étendu en longueur par une suite des parties élementaires, unies les unes aux autres, selon cette derniere dimension ; c’est ce qu’il falloit établir, pour ne laisser aucun doute sur l’éxistence de la fibre élementaire ; avant de considérer comment elle est la base de la structure du corps humain.

Ce n’est que par les yeux de la raison, que l’on peut suivre la composition de cet ouvrage admirable, comme il vient d’être pratiqué pour en faire l’analyse physique : on peut donc se représenter ainsi cette composition des parties, qui résulte de l’union différemment combinée des fibres simples.

Un certain nombre de ces fibres similaires appliquées les unes à côté des autres par leurs surfaces longitudinaires, selon toute leur étendue, adhérentes les unes aux autres par le contact auquel est attachée la force de cohésion, & par quelque sorte de colle qu’on a dit avoir raison de croire de nature glutineuse, forme ainsi une espece d’étoffe sans qu’il soit besoin d’entrelacement pour ses filamens : & la preuve que cet entrelacement n’existe pas dans l’assemblage des fibres, se trouve dans la différence que l’on observe à l’égard des effets de l’humidité sur les-tissus de filets simples ou de fil de quelque nature que ce soit, comme les toiles, les cordes, & sur les organes composés de fibres animales : elle donne une sorte de rigidité à ceux-là, tandis qu’elle ramollit ceux-ci : les anatomistes donnent à ce composé ainsi conçu le nom de membrane ; nom qu’ils donnent à toute substance fibreuse ou vasculeuse, très-mince, à proportion de son étendue en longueur & en largeur. Celle dont on vient de dire qu’elle est formée de fibres élementaires, est elle-même la membrane la plus simple. Si on se la représente figurée en parallelogramme ou approchant, repliée sur elle-même, & soudée par les deux bords longitudinaux ; elle a sous cette forme le nom de tunique, & elle est dès-lors tournée en canal fermé de tous côtés, par des parois, excepté par ses deux extrémités : c’est un véritable vaisseau, propre à contenir un fluide ; mais c’est un vaisseau très simple, dont la tunique n’est formée que de parties élementaires, unies entr’elles, sous la forme de fibres & de membranes. Si l’on se représente après cela plusieurs vaisseaux de cette espece unis ensemble, selon leur longueur, pour ne former qu’un corps étendu en largeur, sans autre épaisseur que celle de chacun de ces vaisseaux ; on a l’idée de la premiere membrane vasculeuse, la moins composée de cette espece, que l’on puisse imaginer ; cette même membrane repliée sur elle-même, pour former un canal cylindrique ou conique, fait le premier vaisseau dont la tunique soit vasculeuse : plusieurs vaisseaux de cette espece, unis entr’eux, pour former des membranes toûjours plus composées, sont les matériaux des tuniques de vaisseaux toûjours plus considérables ; & ainsi en remontant de ceux-ci à de plus grands encore, jusqu’aux principales ramifications & aux troncs des vaisseaux sanguins qui tiennent au centre commun de tous les canaux du corps humain, qui en est formé dans son tout & dans ses différentes parties, & d’où résulte la fabrique de ce chef-d’œuvre de la nature.

Mais cette construction, telle qu’elle vient d’être représentée, par rapport à la formation des fibres, des membranes, qui ne sont qu’un assemblage de fibres, des vaisseaux formés de ces membranes, simples & composées ; & de tous les organes construits de l’union de ces vaisseaux différens entr’eux & différemment associés ; cette construction ne peut être rendue, que par parties & par opérations successives ; mais la nature travaille différemment, elle jette, pour ainsi dire, son ouvrage au moule ; tout se forme en même tems, fibres, tuniques, vaisseaux, organes de toute espece ; tout sort achevé de ses mains, conformément à son archétype ; l’embryon est aussi parfait dans son état que l’adulte ; l’accroissement n’est qu’une perfection respective, en tant qu’elle est une tendance au terme que se propose la nature, qui est de donner une consistence à l’union des parties qui forment cet embryon ; consistence qui puisse en conserver & faire durer l’édifice, jusqu’à ce que cette cause conservatrice devienne elle-même, par une suite nécessaire de ses effets, la cause destructive de ce même édifice par le méchanisme qui commence la vie & qui la maintient ; méchanisme dont l’exposition ne sera pas déplacée ici.

Le corps humain, quelque grand & quelque volumineux qu’il puisse être ; quelque fermes & compactes que soient la plûpart des organes dont il est composé, lorsqu’il a atteint le dernier degré d’increment, a été formé d’un assemblage de parties de la matiere infiniment plus petit que le plus petit grain de sable, qui n’a commencé à tomber sous les sens que sous la forme d’une goutte de liquide ; cet assemblage renfermoit cependant proportionément le même nombre d’organes, la même distribution de vaisseaux & d’humeurs diversement élaborés que l’on trouve ensuite dans l’adulte : ce n’est pas par une addition extérieure de nouvelles parties, que ces rudimens de l’homme ainsi conçus s’étendent & grossissent, mais par une intus-susception des fluides, dont les parties intégrantes sont propres à produire cet effet ; fluides qui ne peuvent être ainsi préparés que dans le petit individu, tel qu’il vient d’être représenté, tout impuissant qu’il paroît pour cela, tout informe qu’il se présente à nos sens : ces changemens admirables sont produits par une double cause, qui ne cesse d’agir tant que la vie subsiste, c’est-à-dire par le méchanisme de l’accroissement & par celui de la solidescence.

Les effets du premier consistent en ce que quelques particules des fluides qui ont été élaborées, affinées, & rendues homogènes au point de pouvoir pénétrer dans les vaisseaux les plus simples, s’appliquent aux parois de ces vaisseaux, s’insinuent dans l’intervalle des élémens de la fibre dont ils sont composés, à mesure que les élémens sont écartés les uns des autres par la cause de la distension, de l’alongement des solides, de l’accroissement, & laissent entr’eux des vuides, des scrobicules à remplir ; ensorte que l’embryon acquiert ainsi toûjours plus d’étendue. Voyez Accroissement, Nutrition.

Quant à la force & à la fermeté de la fibre, c’est la solidescence qui les lui donne par le méchanisme qui va être exposé : il consiste dans la force de pression des vaisseaux les uns sur les autres, dans le tems de leur diastole : il est sûr, d’après les principes d’Hydrostatique, que les liquides qui sont mûs dans des canaux, agissent, font effort contre les parois : or une pareille impulsion se faisant de l’axe vers les parties latérales dans chacun des vaisseaux qui sont tous flexibles dans les premiers tems de la vie, il doit s’ensuivre qu’ils se dilatent tous. Et plusieurs vaisseaux qui se trouvent contigus, qui forment une masse entr’eux, étant conçus agir ainsi les uns sur les autres, par la dilatation syncrone qu’ils éprouvent tous ; mais cette dilatation ne se faisant pas dans tous avec une égale force, parce qu’ils n’ont pas tous le même diametre, parce qu’ils sont plus ou moins grands, parce qu’il y en a de composés & de simples ; ceux qui sont les plus petits, dont les fluides contenus se meuvent par conséquent avec plus de lenteur, non-seulement ne peuvent pas se dilater comme les grands, mais encore ils ne peuvent pas conserver la cavité qui leur est propre ; ils sont pressés, comprimés de tous côtés par les vaisseaux qui les environnent, dont la dilatation se fait avec une force supérieure ; ils cedent à ces forces réunies contr’eux, jusqu’à ce que les parois de ces petits vaisseaux étant de plus en plus portées les unes contre les autres, leur cavité se perd, s’oblitere peu-à-peu ; elles viennent à se toucher à l’opposite, à être fortement appliquées les unes contre les autres, & cessent de former un vaisseau pour n’être plus qu’un aggrégé ou un fascicule de fibres intimement unies entr’elles, & par le contact réciproque, & peut-être aussi par la concrétion du peu de fluides propres qui restent dans leurs cavités, qui a par conséquent beaucoup plus de force qu’il n’y en avoit auparavant dans ces mêmes fibres, lorsqu’elles se touchoient entr’elles par moins de côtés : la cohésion ainsi augmentée, les rend plus fermes, plus compactes, & par conséquent plus propres à conserver leur continuité, à résister à tout effort, qui tend à en opérer la solution.

Si l’on connoît qu’un semblable effet soit produit dans un grand nombre de vaisseaux simples des différentes parties du corps, on doit en conclure que la fermeté, la solidité doit augmenter dans toutes ses parties : or comme, par le méchanisme général du corps humain, cette force de pression des vaisseaux les uns sur les autres, qui tend ainsi à convertir les vaisseaux simples en fibres composées, produit ses effets par degrés pendant tout le cours de la vie, en les augmentant continuellement à mesure qu’elle augmente elle-même ; il s’ensuit que toutes les parties du corps tendent continuellement à devenir plus solides, plus dures jusqu’à perdre leur flexibilité, être desséchées presqu’entierement ; c’est cette considération qui a fait dire aux anciens que vivere est continuo rigescere, que l’action de vie est une tendance continuelle à priver de leur flexibilité toutes les parties solides de l’animal, à détruire par conséquent la qualité la plus nécessaire pour l’exercice de cette action : ensorte que ce qui constitue la cause essentielle de la vie & l’entretient, tend de plus en plus à devenir la cause de la cessation de la vie : c’est une loi commune, non-seulement à tout ce qui est animé, mais même à ce qui végete ; un chêne naissant est aussi mou, aussi flexible que l’herbe fraîche : quelle dureté, quelle roideur n’acquiert-il pas par son accroissement & par la durée de sa végétation ! Les parties de l’embryon, qui ne sont que pulpeuses dans les premiers tems de la vie, prennent peu-à-peu & de plus en plus une consistence qui augmente sensiblement d’âge en âge dans l’adulte, & qui parvenue à son dernier degré de rigidité, constitue la cause de la vieillesse & de la fin des actions de la vie, parce qu’elles dépendent de la flexibilité des organes, qui ne subsiste plus dans le cas dont il s’agit, les fibres étant dures & desséchées par le long exercice de ces actions mêmes.

L’expérience démontre ces effets, puisque non-seulement ils ont lieu d’une maniere bien sensible dans la peau, les muscles, les tendons, mais encore dans des substances des plus molles respectivement (telles que les membranes, comme la plevre, la dure-mere, les tuniques des vaisseaux, le tronc de l’aorte même, des portions du foie, de la rate), qui ont été trouvées dans des vieillards véritablement ossifiées ; ce qui arrive en général, principalement dans les parties exposées à des fortes pressions.

Quoique dans l’embryon les parties paroissent toutes également molles & pulpeuses, & ne semblent pas avoir plus de consistence les unes que les autres ; les progrès de la solidité ne se font pas en même proportion dans toutes ; elle parvient à une très-grande fermeté dans les os ; elle est toûjours moindre dans les cartilages, & beaucoup moindre encore dans les membranes, les chairs, que dans ces dernieres : elle acquiert même des degrés différens dans les différentes parties molles, selon que le sage auteur de l’édifice l’a jugé nécessaire pour les usages auxquels elles sont destinées, pour le rapport qu’elles ont entr’elles, en un mot pour la direction & la conservation de l’économie animale. Cette différence remarquable, il faut l’attribuer toûjours à la cause générale, ci-devant assignée, c’est-à-dire à l’inégalité de pression entre les vaisseaux des uns sur les autres, des plus forts sur les plus foibles : cette cause agit par conséquent plus ou moins, selon la différence des parties ; ainsi dans celles où il se trouve un très-grand nombre de petits vaisseaux contigus, exposés tout-à-la-fois à la compression d’un nombre suffisant de grands vaisseaux ambians ; ceux-là sont également changés en fibres grossieres, c’est-à-dire formées de vaisseaux oblitérés, qui unis les uns aux autres, forment des masses de fibres toûjours plus épaisses, sans cavité ; d’où résulte la dureté des substances osseuses, cartilagineuses, ce qui ne se fait que peu-à peu, & à proportion que les petits vaisseaux sont ainsi convertis en fibres composées : car, comme nous l’enseigne la formation des os, l’os dur a été d’abord un composé de plusieurs membranes vasculeuses très-fines, disposées en lames appliquées les unes aux autres, qui ayant perdu peu-à-peu de sa flexibilité, a acquis la consistence d’un cartilage avant que de parvenir à l’état de dureté, propre à la substance osseuse : il s’ensuit donc que les parties de l’embryon, destinées à former les os, sont composées de maniere qu’elles ont, sous un volume donné, un plus grand nombre de petits vaisseaux que les autres parties, lesquelles soient susceptibles de se laisser comprimer librement par les vaisseaux qui les environnent : conséquemment, la solidité ne discontinuant d’augmenter dans toutes les parties pendant toute la vie, est cependant différente quant aux effets, par la différence de proportion qui existe dans les différentes parties entre les vaisseaux qui compriment & ceux qui sont comprimés au point d’en perdre leur cavité ; ensorte que cette solidescence, qui s’opere par le changement des petits vaisseaux en fibres composées, ne peut être attribuée qu’à l’inégalité de pression des vaisseaux entr’eux.

C’est pourquoi, puisque le cerveau est toûjours une partie si molle, même dans l’âge avancé, il y a lieu de croire que cette égalité de consistence dans toutes les parties de ce viscere, subsiste ainsi la même à-peu-près, parce qu’il n’y a point ou presque point d’inégalité de pression dans les vaisseaux dont il est composé, qu’ils se dilatent avec une égale force, & qu’aucun ne cede assez à d’autres pour être comprimé, perdre sa cavité, & être changé en fibre composée. Cette égalité de consistence étoit absolument nécessaire à un organe, dont les fonctions exigent une flexibilité constante, & respectivement égale dans les parties auxquelles il appartient de les opérer.

Différences des composés de la fibre. Après avoir vû en quoi consiste la différence entre la fibre simple & la fibre composée, il reste à désigner les différentes especes de celle-ci : on la divise ordinairement en osseuse, en charnue, & en nerveuse.

La premiere espece est celle qui concourt à former les parties les plus dures, les plus compactes du corps humain, c’est-à-dire les os : les fibres osseuses sont disposées en long dans les os figurés selon cette dimension, & du centre à la circonférence dans les os plats ; elles forment dans les uns & les autres des lames, des couches appliquées les unes aux autres, & différemment graduées, contournées selon la destination des os (voyez Os) ; elles sont unies entr’elles en beaucoup plus grand nombre, sous un volume donné, que celles des autres especes ; elles se touchent par conséquent par un plus grand nombre de points ; d’où résulte dans les substances osseuses plus de densité, de force, de cohésion, de solidité, de dureté, que dans toutes les autres parties du corps ; cependant ces qualités varient encore du plus au moins par rapport aux os composés entr’eux : on peut comprendre sous cette espece les substances cornées comme les ongles, dont les qualités approchent beaucoup de celles des os. Voyez Ongle, Corne.

La fibre charnue est un assemblage de plusieurs fascicules ou petits paquets de fibres simples, ou de vaisseaux simples dégénérés en fibres composées, qui ne sont pas unis entr’eux d’une maniere bien intime ; ils forment une masse très-peu compacte, aisément compressible, molle ; ils contiennent dans leurs interstices des vaisseaux de différens genres, sanguins, lymphatiques, nerveux ; ils sont aussi séparés par de fines membranes qui forment comme des cloisons : ces fascicules de fibres charnues sont de différentes longueurs & de différentes positions ; ils s’étendent d’un os à un autre os, ou d’un os à un autre point fixe quelconque ; ou ils sont repliés sur eux-mêmes, & soudés par les extrémités de maniere à former une fibre circulaire, un anneau charnu comme dans les muscles sphincter ; ou ils sont disposés en spirale différemment combinée, comme dans la structure du cœur. Les fibres charnues sont rouges, lorsqu’il y a du sang dans les interstices des fascicules fibreux, qui étant lavés ou considérés séparément, sont blancs comme dans les tendons qui ne sont qu’une extension des fibres charnues dont sont formés les muscles, mais plus resserrées dans ceux-là que dans ceux-ci ; de maniere qu’elles ne reçoivent point entr’elles de vaisseaux sanguins : il en est de même des aponévroses & des membranes qui sont comme des lames, des toiles plus ou moins approchantes de la nature du tendon.

La fibre nerveuse est un composé de filets pulpeux blancs, qui entrent dans la composition du cerveau, du cervelet, de la moelle alongée & épiniere, des ganglions & des productions de toutes ces parties : ces productions sont appellées nerfs, lorsqu’elles sont disposées en forme de cordons étendus en ligne droite ou approchant, & qu’elles sont revêtues d’une gaîne membraneuse, prolongement de la dure-mere qui accompagne leurs distributions dans toutes les parties du corps.

On peut rapporter à ces trois especes de fibres composées, toutes celles qui se trouvent dans le corps humain : elles sont toutes très-flexibles (sans en excepter les osseuses) prises séparément ; mais unies en masse, elles different à cet égard : les os, les cornes n’ont presque point de flexibilité, sur-tout dans les adultes ; les ongles en ont un peu, lorsqu’elles sont en lames ; les cartilages en ont davantage que les ongles, tout étant égal ; les chairs, les tendons, les membranes, les masses nerveuses & les nerfs, sont des parties toutes très-flexibles. Voyez ce qui a été dit ci-devant des propriétés des fibres.

Les especes de fibres, dont on vient de faire mention, quoique bien différentes entr’elles par leurs qualités sensibles, ne sont néanmoins qu’un composé de fibres simples, sous forme de vaisseaux infiniment petits, ou des vaisseaux oblitérés, plus ou moins fortement adhérentes les unes aux autres, qui ne different entr’elles que par les diverses combinaisons de leur union : les parties élémentaires qui forment les fibres, sont les mêmes, c’est-à-dire de même nature, de même figure, de même volume, selon Lewenhoek, & vraissemblablement elles ont aussi, à l’égard de chaque individu, la même force de cohésion pour leur union, sous forme de fibres simples, à la composition de quelque partie qu’elles puissent être destinées : ainsi c’est avec raison que l’on a retenu des anciens, pour les élémens des fibres, & pour les fibres même en tant que simples, le nom des parties similaires, afin de les distinguer des parties qui en sont composées, des instrumens dont l’assemblage forme l’individu, qui servent aux différentes actions de la machine animale, qui sont par conséquent d’une grande différence entr’eux par leur structure, & qui sont ainsi réellement dissimilaires : on a aussi conservé à ces dernieres parties leur ancienne dénomination ; elles sont encore appellées organiques. Il existe donc de cette maniere deux genres de parties solides, dont les différences ne font que les especes : tous les animaux (& les végétaux même) sont composés de parties similaires primitives, & de parties qui en sont formées, c’est-à-dire de parties secondaires, organiques, instrumentaires : voilà ce qu’ils ont de commun ; mais par quoi ils different, c’est par la disposition de toutes ces différentes parties, tant simples que composées, par le plus ou moins de force de cohésion de celles-là, & par l’organisme, le méchanisme de celles-ci ; non seulement chaque classe d’animaux possede ces trois qualités d’une maniere qui lui est propre, mais encore chaque ordre, chaque espece, chaque individu a une sorte de cohésion dans les fibres dont il est formé, une sorte d’organisation, qui ne sont communes qu’à une même classe, qui deviennent particulieres à un même ordre, qui sont plus particulieres encore à une même espece, & qui examinées avec plus d’attention, sont absolument propres & différentes dans chaque individu : on peut même pousser cette considération jusqu’aux différentes parties, dont l’assemblage forme l’individu, comparées entr’elles, qui sont aussi disposées, par rapport à leurs principes & à leur masse, d’une maniere qui leur est particuliere, proportionnément au tout.

La différente combinaison des fibres produit donc seule la différence caractéristique entre les animaux, entre les parties qui les forment ; & les individus qui résultent de ces parties, comparés les uns aux autres, en tant que ces fibres sont réunies entr’elles de différentes manieres, forment en conséquence des organes plus ou moins consistans, plus ou moins denses, plus ou moins fermes, élastiques, distractiles, flexibles, & en un mot plus ou moins forts, & disposés à exercer les fonctions auxquelles ils sont destinés : toutes ces qualités dépendent donc du contact des fibres entr’elles, plus ou moins étendu, c’est-à-dire selon qu’elles sont unies par des surfaces ou par des points avec des modifications indéfinies, qui rendent plus ou moins robustes ou foibles les vaisseaux formés de ces fibres, & les disposent à convertir en plus ou moins grand nombre, plus ou moins promptement les petits vaisseaux en fibres, formées de celles qui ne sont que des vaisseaux simples oblitérés par la compression des composés, par les causes de la vie, conséquemment plus puissantes dans certains sujets que dans d’autres : de-là s’ensuit, par la comparaison de ces différentes qualités des parties solides & de leurs effets dans chaque individu, la différence de ce qu’on entend par tempérament, par constitution, complexion particuliere ; c’est l’idiosyncrase des anciens : des auteurs distinguent même encore le tempérament de la constitution, en ce que celui-ci est tiré des principes physiques, des causes primordiales de la structure du corps humain, & la constitution dépend de ses principes méchaniques, du jeu, de l’action des organes. Voyez Tempérament.

En voilà assez sur les fibres, tant simples que composées, considérées physiologiquement ; cependant quelqu’étendu que soit le détail dans lequel on vient d’entrer à ce sujet, la matiere en est si abondante, qu’il laisse encore bien des choses à desirer par rapport à ce qui en a été dit : pour suppléer à ce défaut, il faut avoir recours aux différens ouvrages sur l’économie animale, dont ce siecle a enrichi la Medecine, tels que ceux de Lewenhoek, de Baglivi, d’Hoffman ; les commentaires de Boerhaave par MM. Haller & Wanswieten ; le mot fibre du dictionnaire de Medecine, d’après ce dernier ; la physiologie de M. de Sauvages, & particulierement la dissertation de M. Fizes, célebre professeur praticien de Montpellier, intitulée conspectus anatomico-mechanicus partium humani corporis solidarum, dans laquelle la physique des fibres, & des parties qui en sont formées, paroît être mise dans tout son jour. Voyez aussi les articles Fœtus, Nutrition, Muscle, Os.

Après avoir examiné la fibre en général, relativement à l’état naturel, à l’état de conformation, tel que l’exige la santé de chaque individu, il reste à voir à quels changemens elle est exposée dans l’état que l’on appelle dans les écoles contre-nature, c’est-à-dire dans celui de lésion, de maladie.

Nous venons de voir ci-devant, que le corps humain, par rapport à ses fibres & à leur assemblage, est un composé de parties similaires ou simples, & de parties dissimilaires ou organiques : de cette distinction des parties solides en deux especes principales, qui peuvent avoir chacune leurs vices, leurs maladies propres, il en résulte aussi deux especes de lésions principales, dont sont susceptibles les parties solides ; la premiere regarde les parties simples, l’autre les parties composées : les anciens n’ont presque point fait mention de celle-là, si l’on en excepte Galien, comme on le prouvera ci-après. Les méthodiques même, qui ne cherchoient les causes des maladies absolument que dans les solides, dont la doctrine est ordinairement appellée de stricto & laxo, c’est-à-dire, de la constriction ou roideur & du relâchement ou de la débilité des parties, n’ont point considéré ces vices dans les fibres premieres, mais seulement dans les parties organiques ; ils n’ont rien dit des maladies des fibres proprement dites : Medici sunt sensuales artifices, les Medecins ne doivent rechercher leur objet que dans ce qui tombe sous les sens, pourroit-on dire, pour approuver la conduite des anciens à cet égard ; mais on ne feroit pas attention, qu’il ne s’agit dans cette maxime que des effets, & non pas des causes ; on ne doit raisonner & tirer des conséquences de celles-ci, que d’après les phénomenes qui s’ensuivent. Que ces causes soient sensibles ou non, les effets doivent toûjours l’être pour déterminer les Medecins à s’y intéresser : c’est ce que Galien paroît avoir très-bien observé, même pour le sujet dont il s’agit (méth. l. II. cap. jv.) : il établit d’abord les deux vices dont peuvent être principalement affectés les solides : sunt autem duæ primæ passiones, dit-il ; altera angustatio seu constrictio meatuum, altera ampliatio seu relaxatio. « Les lésions radicales des canaux, c’est-à-dire par conséquent des solides en général, ne peuvent être que leur resserrement ou leur relâchement ». Nam si prima elementa supponantur impossibilia, continue le même auteur, nullæ erunt aliæ, præterquam in compositione, passiones ; sola autem compositio ea quæ dicimus discrimina recipit. « Car si on suppose les premiers élémens inaltérables, il ne peut y avoir de lésions que dans les parties qui en sont composées ; ces lésions n’admettent d’autre différence, que celle qui vient d’être mentionnée » ; quare necesse est similarium quamlibet partium tunc suum habere robur, ajoûte-t-il ; cum meatuum moderationem obtinet, quâ moderatione corruptâ, à naturali dispositione digrediatur oportet. « C’est pourquoi il est nécessaire que chacune des parties similaires ait une force qui lui soit propre, tant que les canaux sont dans l’état convenable ; mais lorsque cet état vient à souffrir quelque dérangement, il s’ensuit que les parties ne restent plus dans leur disposition naturelle ». Et pour ne laisser aucun doute sur ce qu’il entend par parties similaires, il finit par cette considération, dont on ne peut certainement faire l’application qu’aux fibres primitives. Sed quoniam una quæque mediocritas duplicem patitur corruptionem, alteram exuperantiam, alteram defectum ; liquet, quod prima passiones corporum simplicium duplices erunt, quarum alteræ ex ampliatione, alteræ ex angustatione meatuum consistunt. « Mais parce que l’état moyen, qui est l’état naturel, est susceptible d’être vicié de deux manieres, savoir par excès ou par défaut, il paroît évident qu’il ne peut y avoir d’autre maladie des corps simples, que le resserrement & le relâchement des conduits qui en sont formés ».

C’est ainsi que le fameux auteur dont il s’agit, jette le fondement de la théorie des maladies des solides, sans s’appercevoir que c’est celui de la doctrine des méthodiques, qu’il a tant combattu ; mais ils n’ont jamais si bien posé leurs principes, que Galien le fait pour eux ; ils vouloient réduire toutes les maladies à celles des solides, au lieu que Galien, reconnoissant ces lésions primordiales des parties consistantes, ne se bornoit pas là ; il sentoit la nécessité d’admettre des dégénérations dans les fluides, indépendantes des vices dans les solides : mais c’est de ces vices dont il doit être question ici, & de ceux qui regardent les parties similaires seulement, c’est-à-dire les fibres simples ; quant à celles des parties dissimilaires ou instrumentaires, voyez Organe, Organiques, (maladies.)

Une partie élémentaire prise séparément, dit Boerhaave (d’après Galien, ainsi qu’on vient de le voir), n’éprouve aucune altération dans sa substance, aucune maladie par conséquent ; & quand même on en supposeroit quelqu’espece, elle resteroit toûjours inconnue, parce qu’il n’y a pas apparence que les effets pussent tomber sous les sens ; d’ailleurs on ne pourroit pas distinguer ces effets de ceux des vices, dont sont affectées les parties composées de corpuscules élémentaires : mais l’élément est inaltérable de sa nature, ainsi qu’il a été établi au commencement de cet article ; on peut décider conséquemment, qu’il ne sauroit être affecté d’aucune façon : il ne peut non plus y avoir aucune lésion dans les parties qui sont immédiatement formées de ces corpuscules primitifs, unis entr’eux, c’est-à-dire dans les fibres simples, si ce n’est eu égard à leur connexion, qui peut être ou trop forte ou trop foible : la solution de continuité regarde les parties composées : il n’est pas possible de donner ici une regle générale, par laquelle on puisse déterminer quel doit être le degré de cohésion des parties élémentaires de la fibre, pour qu’il soit le plus convenable à la santé ; il n’y en a réellement point de fixe ; il varie selon les différens tempéramens ; d’ailleurs il n’est pas toûjours le même dans un même sujet : il change avec l’âge, & dans tous les tems de la vie il est susceptible d’une certaine extension, en plus ou en moins, sans que la santé en souffre ; cette extension est nécessaire pour l’exercice de la plûpart des fonctions, qui donne lieu à l’alongement, au tiraillement des organes, par conséquent des fibres dont ils sont composés ; ainsi les principaux vices de ces parties simples consistent principalement en ce qu’elles cedent trop ou trop peu aux efforts qui tendent à les alonger : d’où il suit que l’on peut comprendre ces vices sous deux genres essentiellement bien différens ; le premier est caractérisé par la laxité, par le défaut de ressort des fibres : le second, par l’astriction & l’excès d’élasticité ; c’est par conséquent dans tous les deux cas, par la seule cohésion que l’on connoît, que peche la fibre ; ce défaut & l’excès de l’union des parties élémentaires qui la composent, font toute la différence.

Il n’est pas possible de juger de ces lésions des solides simples, sans en considérer les effets dans les organes qui en sont composés, parce que ceux-ci ne peuvent que participer à la nature & à toutes les qualités de leurs principes ; & ceux-là ne sont jamais apperçûs séparément pendant la vie de l’animal auquel ils appartiennent : ils sont toûjours des parties intimement liées à leur tout : il ne se trouve dans aucune partie du corps aucune fibre simple, qui ne soit pas unie à d’autres pour former une membrane ; il ne se trouve aussi aucune membrane simple, qui ne soit repliée sur elle-même pour former un vaisseau simple : cette membrane n’est pas susceptible d’autre vice, que les fibres qui entrent dans sa composition, par leur union entr’elles, selon leur longueur : cette union, semblable à celle des parties élémentaires, peut également pécher, ou parce qu’elle est trop forte, ou parce qu’elle l’est trop peu : on peut dire la même chose des membranes plus composées, & de toutes les autres parties qui forment les organes par leur union entr’elles, en tant que cette union se fait par le contact, par la cohésion, ainsi que celle des élémens pour les fibres, des fibres pour les membranes primitives : ainsi tous les organes, quelque composés qu’ils soient, sont sujets aux mêmes vices que les parties les plus simples : les vaisseaux de cette qualité ne sont point connus par les sens, ni même ceux du second, du troisieme ordre ; on n’apperçoit guere que ceux du cinquieme, du sixieme. L’aorte est composée de plus d’un million de vaisseaux & de membranes de ces différens ordres ; cependant cette artere n’est pas exposée à d’autres maladies que la fibre simple, dont les deux genres principaux sont ainsi qu’il a été dit ci-devant, & qu’il va être expliqué, la laxité & l’astriction.

On appelle laxité dans les fibres, l’état dans lequel les corpuscules élémentaires qui concourent par leur union à la formation des fibres, ont si peu de force de cohésion entr’eux, qu’elle cede aisément aux moindres efforts des mouvemens nécessaires pour la santé, ou au moins de ceux qui ne sont guere plus considérables qu’il ne faut dans l’état le plus naturel, le plus reglé, le plus tranquille, respectivement aux différens tems de la vie : ensorte que les fibres éprouvent par la moindre cause de cette nature, des changemens dans leur longueur, qui augmentent celle-ci plus qu’il n’est convenable, pour l’intégrité de ces parties, tendent à leur causer la solution de continuité, ou réduisent presqu’à rien les effets qui pouvoient résulter de la continuité, tant qu’elle auroit subsisté au degré de force propre à la santé : le même vice qui fait la laxité dans les fibres par le peu de cohésion entre leurs corpuscules intégrans, fait aussi la laxité dans les parties composées des fibres, par le défaut de cohésion entr’elles ; celle-ci ne pouvant pas être connue différemment de celle des parties intégrantes des fibres même : pour la formation de celles-ci, elles sont unies en long ; pour l’union des fibres entr’elles, les parties intégrantes sont mises en large : ces corpuscules élémentaires sont les seuls moyens d’union dans la composition de toutes les parties du corps, quelque variées qu’elles soient pour la forme & pour le volume.

La cause prochaine de la laxité, tant dans les parties simples que composées, est la position trop éloignée des corpuscules intégrans des fibres entr’eux, & des fibres elles-mêmes entr’elles : ensorte que ces différentes parties sont presque hors de la sphere de la puissance qui les retient unies les unes aux autres ; ainsi, sous un volume donné, comparé à l’état naturel, il y a dans ce cas moins de corpuscules pour former les fibres, & moins de fibres pour former la partie composée quelconque ; ainsi la cause de la laxité établit en même tems le défaut de densité, puisqu’il entre moins de matiere sous forme solide dans la composition de la partie d’un volume donné : conséquemment doit-il y avoir aussi défaut de ressort, puisque c’est la multiplicité plus ou moins considérable des points de contact dans les parties intégrantes des corps, qui rend ceux-ci plus ou moins élastiques ; plus le nombre de ces points diminue, moins il y a de force de cohésion pour remettre dans leur premier état ces parties, lorsque la force qui les a écartées les unes des autres, vient à cesser ses effets.

C’est aussi de la laxité des fibres, que provient la débilité, la mollesse des parties qui en sont composées ; en effet, celles-ci sont dites foibles lorsqu’elles ne peuvent ni produire ni soûtenir les efforts nécessaires pour les actions ordinaires de la vie, auxquelles ces parties concourent : mais ces efforts ne pouvant se faire sans alonger, sans distendre les fibres, soit que ce soit des fluides qui dilatent des vaisseaux, qui en écartent les parois, soit que ce soit un muscle tiraillé par la contraction de son antagoniste, ou par sa propre tension ; pour opérer cette contraction, ces efforts tendent à la solution de continuité des fibres ; dans tous ces cas, cet effet sera produit d’autant plus aisément, qu’il y aura moins de résistance de la part de la force cohésive, ou tout au moins la distension lorsqu’elle n’est pas poussée jusqu’à causer la rupture, fait-elle perdre presque toute l’élasticité aux fibres ; parce que la force distendante tend à éloigner de plus en plus les parties intégrantes les unes des autres, à les tirer de la sphere de cohésion.

On appelle mous, les corps solides dont les parties sont aisément déplacées par la pression, sans cesser d’être continues : la laxité ne peut qu’augmenter la flexibilité des fibres, jusqu’à la rendre défectueuse à proportion que ce premier vice est plus considérablement établi ; cela suit de tout ce qui vient d’être dit : par conséquent les parties composées de fibres ainsi trop flexibles, doivent être d’une trop grande mollesse.

Les causes qui disposent à ces différens vices provenant de la laxité des fibres, sont la disposition héréditaire dans certaines familles, qui consiste dans une délicatesse d’organes, dépendante du trop peu de résistance des fibres, à se laisser distendre outre mesure ; l’habitude ou l’usage de se nourrir d’alimens de bon suc, mais de qualité à humecter, pris en grande quantité avec la faculté de les bien digérer, joints à cela sur-tout le défaut d’exercice, la résidence dans un climat chaud & humide, tout ce qui peut avoir rapport à ces circonstances, tout ce qui tend à faire surabonder les fluides dans le corps humain, qui empêche ou ne favorise pas la dissipation de leur superflu, qui fait séjourner les sucs aqueux, huileux, dans les vaisseaux simples, ensorte qu’il s’en introduise des molécules entre les parties intégrantes des fibres & entre les fibres même ; que ces molécules interposées écartent celles-là, en diminuent la cohésion, s’insinuent entre celles-ci, empêchent qu’elles se touchent entr’elles, de maniere que le contact qui se faisoit par des surfaces linéaires, ne se fasse plus que par des points entre ces molécules sphériques & les fibres : d’où il arrive que la solidité des parties qui en sont composées, diminue en raison directe de la diminution du contact, & par conséquent de la cohésion ; c’est ce qu’on observe bien sensiblement a l’égard des cuirs macérés dans l’eau, de l’effet des bains sur la peau, de la putréfaction commençante, qui ne peut jamais se faire qu’à la faveur de l’humidité, &c.

Tout ce qui peut contribuer à diminuer les forces ambiantes qui servent à presser tout le corps en général (comme la chaleur de l’air ou la diminution de son poids, ainsi qu’on l’observe sur les animaux mis dans un four chaud, dans la machine du vuide) ; tout ce qui tend à affoiblir les puissances qui peuvent comprimer les vaisseaux simples, susceptibles de s’oblitérer, d’être convertis en fibre composée ; enfin tout ce qui peut rendre imparfait l’ouvrage de la nutrition, empêcher l’assimilation des parties destinées à réparer les pertes, les abrasions des solides, corrompre la qualité des humeurs plastiques, susceptibles de s’épaissir, de se durcir dans certains petits vaisseaux, & de les convertir par-là d’une autre maniere, en partie plus solide, en fibre composée : telles sont en général les différentes causes qui peuvent établir la laxité, la débilité des fibres ; on peut en tirer aisément toutes les conséquences particulieres qui peuvent avoir rapport à ce sujet ; on peut se rendre facilement raison d’après ces principes, de tous les phénomenes, de tous les effets de ce genre de vice des fibres.

Ces effets sont différens, selon les différentes fonctions des parties qui pechent ; ainsi la laxité dans les fibres musculaires, dans les organes du mouvement volontaire, produit la difficulté de mettre en jeu les membres, de soûtenir les fatigues du corps, de se livrer à l’exercice, au travail, de marcher, de porter des fardeaux, & de faire des efforts de quelque espece que ce soit, rend tout le corps affaissé, les muscles disposés à la paralysie ; & cette disposition est proportionnée au degré du vice, qui l’entretient dans les fibres nerveuses : ce vice produit la foiblesse de l’esprit, la stupidité, l’insensibilité de l’ame, en un mot la diminution & l’abolition même de la faculté que ces fibres ont de procurer le sentiment & le mouvement aux parties auxquelles elles se distribuent. Voyez Paralysie. Dans les membranes, la laxité produit le relâchement, la distensibilité ; d’où peuvent s’ensuivre les hernies de toute espece, les luxations, &c. Dans les fibres vasculeuses, la laxité produit des tumeurs enkistées, anévrysmales ; variqueuses. Dans les fibres osseuses, ce vice produit le défaut de fermeté, de dureté dans les os ; la disposition à ce qu’ils se renflent, deviennent difformes, se courbent, se ramollissent : d’où s’ensuit la difficulté à soûtenir le corps debout, sur son séant, élevé, & même l’immobilité totale.

Passons au second genre des principaux vices qui affectent les fibres ; c’est celui de l’astriction, qui est l’opposé de la laxité.

On appelle astriction dans les fibres simples, & conséquemment dans les parties composées de fibres, l’état dans lequel elles sont trop denses, trop compactes, trop peu flexibles, trop peu susceptibles de distractilité ; ensorte qu’elles ne cedent pas suffisamment aux puissances qui font effort pour distendre les organes par l’impulsion des fluides ; qu’elles résistent trop à l’action de ceux-ci sur les solides ; qu’elles s’opposent à leur cours reglé : deux effets qui sont cependant les conditions nécessaires pour l’entretien de la vie & de la vie saine.

La cause prochaine de l’astriction des parties tant simples que composées, consiste dans la position des corpuscules intégrans qui forment les fibres, & dans la position des fibres elles-mêmes, trop rapprochés entr’eux ; ensorte que la force de cohésion qui dépend du contact, ou au moins de la proximité des parties entr’elles, est trop considérable ; parce qu’elles se présentent réciproquement des surfaces trop étendues, ce qui en multipliant les points de contact, augmente par conséquent l’adhérence & la résistance à tout ce qui peut disposer à la solution de continuité, ou la procurer ; par conséquent à tout ce qui tend à causer des alongemens, des distensions dans les parties : ainsi sous un volume donné de parties solides qui pechent par astriction, il y a plus de corpuscules élémentaires pour la formation des fibres, & plus de fibres pour la composition de ces parties, d’où suit la densité des masses. La force de cohésion décide de la plus ou moins grande élasticité ; l’astriction suppose par conséquent celle-ci à un degré proportionné à celle-là ; par conséquent encore elle rend les parties du corps humain trop élastiques, d’où il suit aussi qu’elles doivent trop résister à tout ce qui peut donner lieu à l’exercice de cette propriété. Elles sont donc trop peu distractiles, trop peu flexibles, ce qui doit encore les rendre très-peu molles ; & la faculté qu’elles ont de soûtenir les efforts de la vie même, lorsqu’ils sont trop violens comme dans la fievre, les convulsions, & de ne leur céder qu’avec difficulté, devient excessive au point qu’elle ne se prete pas suffisamment, même au jeu ordinaire & le plus nécessaire des organes.

Les causes qui disposent aux différens vices provenans de l’astriction, sont aussi la disposition naturelle, la constitution que l’on reçoit dès la conception ; mais ce sont sur-tout l’éducation, le régime opposé à ceux qui contribuent à la laxité (voyez ci-devant), la vie laborieuse & trop violemment exercée, le climat froid, l’âge avancé ; tout ce qui peut dessécher les parties solides, en dissipant les fluides par le moyen de l’air, du feu, de la chaleur, en tirant ou faisant sortir les molécules aqueuses, huileuses, placées entre les élémens des fibres, & entre les fibres elles-mêmes, de maniere à en empêcher le contact ; tout ce qui peut l’augmenter par l’intrusion en remplissant les pores intimes des fibres simples & décomposées, comme l’esprit-de-vin, le sel. C’est ainsi qu’en Espagne, en Portugal, on sait borner l’accroissement de certains chiens pour les rendre plus agréables aux dames, en les lavant fréquemment avec des liqueurs spiritueuses : c’est ainsi que le lard se durcit dans la saumure ; tout ce qui peut augmenter la force vitale en fortifiant les organes, & la rendre propre à convertir un grand nombre de vaisseaux simples en fibres composées ; tout ce qui peut par une vertu plastique, disposer les sucs nourriciers à s’épaissir, se figer dans leurs propres vaisseaux, ensorte que la cavité devienne remplie d’un solide immobile, au lieu du fluide qui y couloit auparavant : tel est l’effet des acides minéraux, mêlés avec les humeurs animales, en un mot le contraire de tout ce qui peut contribuer à la laxité des fibres ; d’où on peut tirer des corollaires sur tout ce qui a rapport à l’astriction.

Les effets de ce genre de vice dans les solides, sont, comme il a été dit de ceux du vice opposé, différens selon les différentes parties qui en sont affectées : ainsi dans les fibres musculaires, ce vice produit l’inflexibilité des chairs, la roideur dans le jeu des muscles, tant que les forces subsistent ; & des qu’elles s’affoiblissent, le tremblement des membres, leur engourdissement : dans les fibres tendineuses endurcies, le changement en substance osseuse : dans les fibres nerveuses, il produit l’apathie, c’est-à-dire qu’il rend les sens peu susceptibles d’impression, l’esprit pesant : dans les fibres osseuses, il rend les parties qui en sont composées très-fragiles ; les vieillards sont plus susceptibles de fractures que les jeunes gens, parce que leurs os ont perdu par la dureté toute leur flexibilité. Dans tous les vaisseaux, l’astriction cause aussi le défaut de flexibilité, d’où résulte la résistance à être dilatés, à recevoir les fluides ; d’où l’irrégularité du pouls des vieilles gens, les palpitations auxquelles ils sont sujets. La roideur de la membrane du tambour cause la surdité ; la sécheresse de la glotte cause la raucité ; l’inflexibilité de l’estomac cause le dégoût ; la matrice devenue d’un tissu trop serré, donne lieu à la stérilité, &c.

Les différens vices provenans tant de la laxité que de l’astriction, pouvant être contractés par toutes les parties du corps, ensuite d’une cause commune, ou par quelques unes seulement, ensuite de quelque cause particuliere ; il faut, pour juger de ces vices, avoir toûjours égard aux différens degrés de densité, de force, de souplesse, qui sont propres à chaque partie dans l’état naturel, respectivement à la constitution particuliere de chaque individu ; à l’âge, au sexe, au climat, à la saison ; enfin à tout ce qui peut faire varier la consistence, la solidité, la fermeté des parties, sans que l’économie animale en soit troublée habituellement.

On met mal-à-propos, dans plusieurs pathologies, la grosseur & l’exilité des fibres contre nature, au nombre des défauts que les fibres simples peuvent avoir ; parce que, selon qu’il a été dit dans cet article d’après Ruysch, les fibres les plus petites que l’on peut avoir par la division des parties, qui sont encore bien éloignées d’être les fibres élémentaires, sont les mêmes dans tous les animaux : elles ne sont pas plus déliées dans une puce que dans un bœuf ; à plus forte raison peut-on dire que les fibres simples sont égales entr’elles en grosseur, ou au moins qu’on peut encore moins appercevoir la différence des unes aux autres : ainsi cette qualité lorsqu’elle peche dans les fibres, doit être attribuée aux plus composées, aux plus sensibles, telles que les fibres charnues, qui sont dites plus grossieres, lorsqu’elles sont moins susceptibles, par l’excès de leur force de cohésion, d’être divisées en plus petites parties ; ce qui peut être rapporté à l’astriction.

On n’est pas mieux fondé à faire mention de la tension & du relâchement excessifs parmi les vices des fibres simples, ainsi que le font Boerhaave & bien d’autres. Dans quelque état & de quelle nature que l’on suppose un filet, fût-il d’acier, il ne peut être tendu que par une puissance étrangere au corps : ainsi les vaisseaux sont tendus par les fluides qui en écartent les parois. La vessie, le ventre peuvent être tendus par un plus grand volume des parties qu’ils contiennent : les chairs, les tendons peuvent être tendus par la contraction musculaire, par le spasme ; on ne peut pas même dire que le desséchement des fibres qui en procure le raccourcissement, les tende si elles n’ont pas de points fixes auxquels elles soient attachées : c’est plûtôt dans ce cas un resserrement, par le rapprochement des corpuscules élémentaires de cette partie, qu’une tension. On ne peut regarder comme vices propres d’une partie, que ceux qui lui sont inhérens, indépendamment du concours d’aucune autre.

Par l’exposé qui vient d’être fait des différens vices des fibres, il paroît qu’ils peuvent tous être rapportés au relâché & au serré, qui font la base de la doctrine des méthodiques : c’est à quoi l’on peut réduire toutes les causes des différentes maladies des parties similaires. Car si on veut faire des recherches plus précises à cet égard, on tombe inévitablement, dit Boerhaave, dans les vices compliqués des solides & des fluides, ou dans des subtilités que l’on ne peut vérifier ni par le témoignage des sens, ni par celui de la raison, & qui ne sont d’aucune utilité pour l’art de guérir.

Il reste à traiter des indications que présentent à remplir les maladies des fibres, telles qu’on vient d’en donner l’idée. Les indications ne peuvent être que très-simples, comme les vices à corriger ; ils consistent dans l’excès ou le défaut des qualités propres à la fibre simple. Il n’y a pas autre chose dans toutes les différentes combinaisons défectueuses de ses parties intégrantes ; c’est trop de resserrement de ces parties entr’elles, ou trop d’écartement : d’où trop ou trop peu de cohésion, de densité, d’élasticité, de force, &c. Il ne peut donc être question que d’employer les moyens propres à resserrer dans la laxité, & de relâcher dans l’astriction ; mais il faut le bien assûrer de la nature du vice, & faire attention qu’il n’est souvent pas sans contre-indications. Il s’agit ici du vice sans complication.

Ainsi pour satisfaire à la premiere indication, c’est-à-dire celle qui regarde la laxité, il convient d’employer 1°. les remedes tirés des matieres alimentaires de bon suc & de facile digestion, qui soient aromatisées, très peu humectées, & par conséquent propres à ranimer, à échauffer, à pénétrer. Une nourriture qui réunit ces différentes qualités, & mise en usage avec regle pour la quantité, ne peut que contribuer à raffermir les fibres, en fournissant une plus grande abondance de suc nourricier, avec plus de disposition à être employé à l’ouvrage de la nutrition : tels sont le pain de la fleur de farine de froment bien fermenté, bien cuit ; la chair de bœuf ou de mouton ; les petits oiseaux ; les perdrix ; la volaille nourrie de grain ; ces différentes viandes rôties, grillées, assaisonnées d’épicerie ; les chapons adultes avec d’autres bonnes viandes, pour faire des consommés & autres choses de cette espece ; le bon vin pur, bien mûr, de qualité un peu astringente ; les liqueurs ardentes spiritueuses ; le café, le chocolat, l’un & l’autre au lait ou aux œufs frais, &c. 2°. Les différentes manieres d’exercer le corps ; comme les douces secousses dans les voitures d’eau, de terre, par l’équitation, le jeu de paume, le saut, la course & autres semblables, qui concourent à dessécher les fibres, en dissipant la sérosité dont elles sont abreuvées ; à en augmenter la solidité par la force graduée, avec laquelle elles sont rapprochées, resserrées les unes contre les autres, par la répétition des contractions musculaires. 3°. Les longues veilles, que l’on sait être propres à augmenter la secrétion du fluide nerveux, à en accélérer le cours, à exciter les mouvemens musculaires, & à dessécher conséquemment les solides ; ce qui doit aussi augmenter par bien des raisons, la fermeté des fibres, pourvû que les veilles ainsi prolongées, ne soient pas excessives, & qu’elles soient proportionnées à la nourriture que l’on a prise auparavant, pour ne pas épuiser les forces. 4°. L’habitude à contracter d’endurer le froid, le chaud, de s’exposer au vent ; ce qui contribue beaucoup à raffermir les fibres, en les faisant se resserrer, en les desséchant, en les rendant plus compactes : cet effet a lieu d’autant plus aisément, que l’air chaud ou froid auquel on s’expose, est plus pur & plus sec. 5°. Les embrocations, les bains des eaux minérales chaudes, l’immersion de tout le corps dans le sable de mer bien sec, échauffé & entassé ; on augmente par ces différens moyens le ton & l’élasticité des fibres, en les comprimant, en les appliquant plus fortement les unes aux autres, & en multipliant les points de contact entr’elles : d’où doit résulter plus de force de cohésion, &c. 6°. Enfin les remedes propres à fournir des parties intégrantes, qui en s’attachant aux fibres relâchées, peuvent en resserrer les corpuscules élémentaires, & les rendre ainsi plus liées entre eux, & plus disposés à résister à leur écartement, à leur séparation : tels sont en général tous ceux à qui on connoît une vertu astringente, stiptique bien décidée, mais modérée ; tels sont, parmi les végétaux, les fleurs de roses rouges, les balaustes, les feuilles de plantain, de sumach, les fruits de mirthe, les coings, les galles, les nefles, les sorbes ; les sucs d’acacia, d’hypocistis, la gomme de mastic, le san-dragon, les écorces de grenadier, de tamarisc, de kina, de simarouba ; les racines de tormentille, de bistorte, de fougere : parmi les minéraux, l’alun, le vitriol réduit en colchotar, le safran de Mars astringent, le bol d’Arménie. De tous ces médicamens différemment combinés, les Medecins en font faire différentes préparations & compositions pharmaceutiques & chimiques, destinées à être employées pour tout le corps, ou seulement pour quelques-unes de ses parties, extérieurement ou intérieurement, selon que le besoin l’exige.

Passons à la seconde indication, savoir celle que présente à remplir le second genre de vice des parties similaires, l’astriction : il doit être corrigé 1°. par l’usage des alimens émolliens, relâchans, qui fournissent un suc nourricier de bonne qualité, qui assouplisse les fibres, en rende les corpuscules intégrans moins serrés par l’interposition de molécules aqueuses, huileuses ; qui corrige en les humectant leur trop grande siccité : tels sont le pain frais de seigle ou d’orge bien préparé, les viandes cuites à l’eau, comme celles de veau, d’agneau, de chevreau, de poulet & des jeunes chapons ; toutes celles en un mot qui peuvent fournir un suc fin, mucilagineux, noyé dans des parties aqueuses, tels que les bouillons, les potages, les cremes claires de ris, d’avoine, d’orge, &c. Les herbages tendres, comme la blette, l’endive, la chicorée, la laitue, le pourpier, l’épinar ; les fruits propres à la saison bien mûrs, d’un suc abondant, aqueux, doux ou aigre-doux, les cérises douces, les fraises, les poires, les pommes, les raisins, les oranges douces, le concombre, le melon, &c. la boisson d’eau de riviere ou de fontaine préparée par l’ébullition d’une décoction farineuse, comme d’orge & de chiendent ; du vin leger en petite quantité bien trempé ; de différentes infusions théiformes de fleurs de mauves, de violettes, de bouillon blanc, & autres d’une nature approchante. 2°. Par un genre de vie molle, tranquille, sédentaire, livrée en bonne partie au sommeil ; qui ne soit exercée pendant la veille que par un mouvement modéré, de peu de durée, cependant assez fréquent ; en un mot, par un genre de vie, qui soit propre à tous égards, à relâcher, à rendre flasques les fibres trop tendues. 3°. Par une chaleur externe, humide, en vivant autant qu’il est possible dans des lieux dont l’air ait cette qualité, naturellement ou par art. Rien n’est plus propre dans ce cas, que d’être exposé de tems en tems à recevoir la vapeur de l’eau tiede, qui pénetre très-intimement le corps animal. (On en a vû très-souvent de bons effets, dit Boerhaave, comment. in inst. therap. Il rapporte entr’autres observations avoir traité un paysan qui avoit le genou pris d’un anchylose, par conséquent immobile. Il faisoit mettre ce malade pendant deux heures par jour dans un bain de vapeurs ; il faisoit ensuite bien froter la partie & oindre d’huile douce : après avoir répété ce remede pendant quelques jours, il eut la satisfaction de voir cet homme parfaitement guéri). Par le fréquent usage des bains dans l’eau de riviere tiede, des fomentations faites avec des décoctions émollientes, relâchantes ; par des onctions faites avec des huiles, des graisses récentes, pour ramollir les fibres & les rendre flexibles. 4°. Enfin, par des remedes internes propres à produire les mêmes effets, qui en portant de la détrempe avec des parties mucilagineuses, huileuses, fines, atténuées dans le sang, puissent rendre toutes les humeurs qui en dérivent, propres à pénétrer le tissu des organes, à diminuer la densité, la roideur, l’élasticité, la siccité des fibres, par l’interposition des parties, qui sont figurées de maniere à rendre peu nombreux les points de contact entr’elles & les corpuscules élémentaires, par conséquent à diminuer la force de cohésion qui les tenoit auparavant trop fortement unis : on peut employer pour cet effet des médicamens tirés des deux regnes végétal & animal, du premier les fleurs, les feuilles, & les fruits, dont il vient d’être fait mention (on peut ajoûter à ces derniers, comme médicamens, les raisins secs, les figues grasses, les jujubes) ; les huiles récentes d’amandes douces, d’olive, de lis, de lin ; les racines de mauve, d’althea, de lis, de nymphæa : du regne animal le beurre frais non salé, la graisse de volatiles, comme canards, oies, chapons ; la moelle de veau, de cerf, &c. De toutes ces choses différemment préparées, mêlées, on peut prescrire des médicamens de forme convenable aux matieres, tels que des tisannes, des apozemes, des bouillons, des bains, des fomentations, des injections, des potions laxatives, avec ce qui est tiré des végétaux, des embrocations, des linimens, avec ce qui est tiré des animaux : on fait usage de ces différens remedes d’une maniere qui intéresse tout le corps. ou seulement quelques-unes de ses parties intérieurement ou extérieurement, selon qu’il s’agit de relâcher, de ramollir ou toutes les fibres en général & tous les organes qui en sont composés, ou seulement quelques-uns de ces organes, conformément à leur situation particuliere, interne, moyenne, ou externe.

On n’a fait mention qu’en dernier lieu des médicamens dans les différens traitemens proposés contre les vices généraux des fibres ; pour donner à entendre que dans les maladies qui ne sont pas susceptibles d’être guéries promptement, & dont la guérison ne peut être opérée que par des changemens lents & successifs ; on doit plus insister sur le bon régime que sur l’usage des drogues, auxquels on ne doit pas se presser de recourir ; les moyens les plus simples & les moins extraordinaires sont toûjours plus propres à seconder la nature, sur-tout lorsqu’elle est gênée dans ses opérations, & que le besoin d’opérer des changemens n’est pas urgent.

On n’a aussi fait qu’ébaucher ces traitemens généraux, parce que les bornes de cet ouvrage ne permettent pas d’entrer dans un plus grand détail ; auquel il seroit même nécessaire de joindre des observations pratiques. On peut suppléer à ce défaut, en consultant différens ouvrages dans lesquels ce sujet est traité au long, tels que celui de Cheyne, de naturâ fibræ ejusque morbis ; ceux de Baglivi, passim ; la thérapeutique d’Astruc ; les commentaires de Boerhaave, par MM. Wanswieten & Haller ; & la traduction dans le dictionnaire de Medecine, de ce qu’a dit le premier de ces commentateurs concernant la nature & les maladies des fibres. (d)

Fibre, ou Venule, (Hist. nat. minéral.) l’on nomme ainsi dans l’histoire naturelle du regne minéral des petites fentes ou gersures qui accompagnent les grands filons ou les veines métalliques, & qui quelquefois sont remplies des mêmes substances, & par-là enrichissent le filon auquel ils tiennent : quelquefois les fibres sont vuides ou remplies de matieres tout-à-fait étrangeres, de crystallisations, de terre, &c. Voyez Filon. (—)