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par l’intermede de tout corps inflammable qui ne contient point d’acide vitriolique, il faut entendre par ce corps inflammable le phlogistique pur, uni à l’acide vitriolique, tel qu’il se trouve dans le soufre (voyez plus bas le soufre comme fondant) : car il y a des résines formées par l’union de l’acide vitriolique, comme il y en a de formées par celle de l’acide nitreux. Voyez Résine artificielle. Et l’expérience des Chauderonniers & Ferblantiers, &c. prouvent que les résines servent à la réduction. Il faut donc convenir qu’une huile essentielle, jointe à l’acide vitriolique, lui est tellement combinée, & l’empâte de façon qu’il ne nuit point à la réduction, & qu’elle ne fait plus d’union avec lui, si-tôt qu’elle est réduite en charbon ; qualité absolument nécessaire en pareille circonstance, & dont on peut déduire la preuve du charbon qui se sépare de la résine artificielle : ainsi cet acide vitriolique se dissipe dans le moment que le charbon se fait ; ce que l’on conclura naturellement des circonstances qui accompagnent la réduction. On sait qu’elle se fait à l’air libre ; & la résine n’a point été encore employée, que je sache, en qualité de réductif dans les vaisseaux fermés, où son acide pourroit aigrir le métal réduit, en formant du soufre.

Mais l’on ne doit point croire que les corps gras & huileux, avec lesquels on réduit une chaux métallique, restent dans leur état naturel, & la rétablissent en son premier état par leur nature grasse & huileuse : ce n’est qu’après que la combustion les a réduits en charbon, que ce phénomene arrive. Nous ne nous arrêterons point à prouver que la nature charbonneuse ne se produit que dans les vaisseaux fermés. Ce que nous avons dit sur le tartre crud, le tartre distillé, la corne de cerf, &c. le prouve assez, sans compter qu’on trouvera ce phénomene éclairci aux articles Charbon & Phlogistique.

La portion inflammable d’un réductif qui, en pénétrant une chaux métallique & s’y unissant, la rétablit dans son état de métal, est très-peu de chose eu égard à sa masse ; mais considérée du côté de ses effets, on sentira que sa quantité numérique & la ténuité de ses molécules simples sont presqu’infinies. L’illustre Stahl s’est convaincu par ses expériences, que le phlogistique ne constituoit qu’une trentieme partie du soufre, conjointement avec l’acide vitriolique ; mais après plusieurs expériences, il la trouva à peine un soixantieme. Qui sait d’ailleurs s’il n’enleve pas avec lui un peu de l’acide vitriolique auquel il est uni ? L’imagination se perd dans les ténebres profondes qui enveloppent ce mystere ; & l’on n’évaluera vraissemblablement jamais au juste la quantité de ce corps, que nous ne connoissons que par les phénomenes qu’il produit avec les autres ; car jusqu’ici on ne l’a jamais eu pur & dépouillé de toute matiere étrangere, & peut-être est-il incapable d’être mis en masse tout seul, & de se trouver pur ailleurs que dans l’atmosphere où il est divisé en ses élémens. Au reste il n’est pas le seul être dans la nature qui ne puisse être soûmis à cette épreuve. L’air ne se corporifie non plus qu’avec les autres corps. Voyez le traité allemand du soufre de Stahl, & les art. Soufre, Phlogistique, & Principe.

Le but de ceux qui travaillent au fer-blanc, & de ceux qui soudent & qui étament, n’est pas plus de réduire que d’empêcher la calcination. Tant qu’un métal fondu n’est point exposé à l’air (on en excepte l’or & l’argent, dont la calcination exige des manipulations singulieres), il demeure dans son état ordinaire ; mais si-tôt qu’il a communication avec lui, la matiere ignée qui joue à-travers, emporte avec elle celle qui constitue sa nature métallique, & ne peut être réparée que par celle que lui fournira un corps qui en sera impregné. Ainsi le corps réduc-

tif empêchera la calcination de la partie du bain qu’il

couvrira, & réduira la chaux de celle qu’il n’aura pas défendue du contact de l’air.

Les métaux à souder veulent être bien avivés, avant que la soudure y soit appliquée. S’il y avoit quelques saletés, elles empêcheroient le contact du métal & de la soudure ; on les lime donc pour obtenir cet avantage : le fer-blanc n’a pas besoin de ce préliminaire ; seulement dans le cas où il est gras, on le saupoudre de borax. Voyez les Fondans. L’étamage, qui n’est que l’application d’une plus grande surface de soudure, exige les mêmes précautions. Les ouvriers commencent par racler le vaisseau qui a été étamé une premiere fois ; mais quand il est neuf ils se contentent d’y jetter quelques pincées de sel ammoniac ou de sel marin, qui l’écurent, & le rendent par-là propre à s’allier avec l’étamage. Voyez les Fondans. Par l’usage où ils sont de se servir en pareil cas d’un petit bâton dont l’extrémité est coëffée d’étoupes, ils ont pour but non-seulement d’appliquer leur soudure, mais encore de dépouiller les parois du vaisseau du charbon de la résine qui y adhere quelquefois, & le défend du contact de la soudure, ainsi que de la chaux de la soudure que cette résine n’a pas réduite, parce qu’elle ne couvre pas tout.

Quand une chaux est une fois réduite, on a beau fournir de nouveau phlogistique au métal, il n’en prend pas davantage ; il n’en peut plus admettre que dans le cas où il auroit perdu par le contact de l’air celui qu’on lui a fourni. C’est ainsi que le même métal peut devenir chaux, & se réduire un grand nombre de fois, sans qu’on en connoisse les bornes, que dans l’étain, qui se détériore réellement par toutes ces tortures : le fer aussi fait exception, mais dans un autre genre ; il est susceptible de prendre une surabondance de phlogistique : c’est cet excès qui le fait acier, & qui, bien loin de le rendre plus lié & plus fusible, comme les autres métaux, ne fait que le rendre plus cassant & plus réfractaire : il étoit assez fusible en scories, il se réduit sans se fondre, devient moins fusible étant fer, & n’est jamais plus rebelle à la fonte que quand il est acier. La raison en est encore inconnue.

Il est donc évident que les métaux & demi-métaux qui sont destructibles à feu nud, supporteront plus long-tems la fonte sans s’altérer, si on a soin de couvrir leur surface de poudre de charbon ou de tout autre corps inflammable, que s’ils y étoient exposés avec le contact de l’air environnant : mais par cette précaution, l’on n’empêche pas seulement que ces métaux se calcinent, c’est-à-dire qu’ils perdent leur phlogistique, mais encore que ce même phlogistique ne volatilise avec lui une partie du métal non calciné. Voyez Volatilisation.

Nous avons dit que les métaux imparfaits & les demi-métaux ne se calcinoient guere que par le contact de l’air : cela est vrai de tous, excepté du zinc. Ce demi-métal se calcine même dans les vaisseaux fermés, au degré de feu qui le met en fonte : on est donc obligé, quand on l’allie avec les autres, de lui fournir un réductif continuel. C’est par cette raison que les Chauderonniers font leur soudure forte sous les charbons embrasés ; qu’on fait le cuivre jaune, le tombac, le potin, &c. avec une addition de charbon ou de tout autre corps inflammable ; que dans le fourneau de Goslar on attrape le zinc au milieu des charbons ardens, & qu’on le consume à-travers la poudre de charbon.

Jusqu’ici nous avons examiné le feu comme entrant dans la composition des corps : nous avons cité l’exemple du fer converti en acier sans addition, dans un creuset où le feu fait la double fonction d’instrument & de principe. Deux illustres chimistes,