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On ne peut disconvenir que ces sortes d’inventions ne portent le caractere des songes d’un malade, & que ce ne soit précisément ce que peint Horace, lorsqu’il dit :

Humano capiti cervicem pictor equinam
Jungere si velit, & varias inducere plumas,
Undique collatis membris, ut turpiter atrum
Desinat in piscem mulier formosa supernè,
Spectatum admissi risum teneatis amici ?

On pourroit peut-être induire de ce passage avec assez de vraissemblance, que le goût pur & solide n’approuvoit pas du tems d’Horace ce qu’on a depuis imité avec une espece de vénération. Mais je n’entrerai point dans une discussion qui seroit trop longue ici : je crois au-moins qu’on ne sauroit faire honneur à la raison austere de l’invention de ce genre de peinture, dont cependant on ne peut pas sans se montrer trop sévere, blâmer l’usage circonspect & modéré. Comme la sagesse n’exclut point une espece de déraison aimable qui lui sert d’ornement lorsqu’elle est placée, les Arts faits pour être sages & reservés ont le droit aussi de déroger quelquefois à l’austérité des grands principes. Le point important est de placer leurs écarts, & de ne les pas rendre excessifs : mais ce point, peut-être plus embarrassant pour une nation vive que pour celles qui sont plus refléchies, a été plus d’une fois perdu ou ignoré parmi nous. Une histoire de nos grotesques en tout genre produiroit assûrément ce rire dont parle Horace,

Spectatum admissi risum teneatis amici ?

Au reste, les modeles qui ont été regardés comme les meilleurs en ce genre, sont les ornemens trouvés dans les palais & dans les thermes de Titus, à Tivoli, & dans les grottes de Naples & de Pouzzoles. Ces modeles, qui ont presque tous péri, ont servi à Raphael, à Jules Romain, à Polidore, & à Jean da Udine, pour imposer une espece de regle à ce genre qui n’a que trop de penchant à s’affranchir de tout esclavage. La symmétrie, l’élégance des formes, le choix agréable des objets, la legereté non-excessive dans l’agencement, sont les points sur lesquels on peut appuyer les principes de l’art des ornemens ou des grotesques. Leur convenance avec les lieux où on les employe, leur rapport avec les décorations dont ils font partie, doivent guider ces sortes d’égaremens. Enfin comme ce genre est uniquement de convention, il faut tâcher d’adopter en y travaillant, non pas les conventions excessives qui n’existent qu’un instant, mais celles qui par quelques points au-moins tiennent à la raison & se rapprochent de la nature. Article de M. Watelet.

GROTKAW, (Géog.) petite ville d’Allemagne, capitale de la principauté de même nom, qu’on appelle aussi la principauté de Neiss, en Silésie. Elle est située dans une plaine fertile, à quatre lieues S. O. de Brieg, dix S. O. de Breslau, douze N. E. de Glatz. Long. 35. 10. lat. 50. 42. (D. J.)

GROTTA-FERRATA, (Géog.) fameuse abbaye de la campagne de Rome, située près de la ville de Frescati. Ce monastere orné des peintures du Dominiquin, est desservi par des moines grecs, dont un cardinal est ordinairement abbé. C’étoit-là jadis le Tusculum de Cicéron, sa maison de campagne la plus chérie, celle où il alloit se délasser du poids des affaires de l’état : ex omnibus laboribus & molestiis, uno illo in loco conquiescimus, écrivoit-il avec délices à Atticus. Elle avoit appartenu auparavant à Sylla, & l’on y voyoit, dit Pline, entr’autres magnificences, un admirable tableau représentant la victoire que ce dictateur avoit remportée dans la guerre des Marses, où Cicéron avoit servi sous ses ordres en qualité de volontaire.

Le consul de Rome seroit sans doute bien surpris,

s’il revenoit au monde, de voir sur les ruines de la maison dans laquelle il étoit né, sur les débris de son portique & de son palais, d’un côté un couvent d’inquisiteurs, la villa di S. Dominico, & de l’autre une abbaye qu’occupent des moines Calabrois. Quantùm mutatus ab illo !

Mais enfin le Tusculum de Cicéron a eu le même sort que tous les édifices des plus grands hommes de son siecle ; leurs maisons de plaisance, leurs temples & leurs palais, sont devenus l’habitation des moines, des prélats & des cardinaux qui gouvernent Rome moderne.

Des prêtres fortunés foulent d’un pié tranquille
Le tombeau des Catons & la cendre d’Emile.

(D. J.)

GROTTE, s. f. cripta, (Hist. nat.) On nomme ainsi les cavernes, les creux ou les espaces vuides qui se rencontrent dans le sein de la terre, & surtout dans l’intérieur des montagnes. Buttner & la plûpart des Naturalistes attribuent la formation des grottes aux bouleversemens causés par le déluge universel ou par d’autres révolutions particulieres, telles que celles qu’ont pu causer les feux soûterreins ; ou aux eaux qui en pénétrant au-travers des montagnes & des roches qui les composent, ont entraîné & détaché les substances, telles que la terre, le sable, &c. qui leur présentoient le moins de résistance, & n’ont laissé subsister que les plus solides qu’elles n’ont pû entraîner avec elles. Les grottes varient pour la grandeur & pour les phénomenes qu’elles présentent ; il n’y a guere de pays montagneux où l’on n’en trouve quelques-unes.

La grotte de Baumann, située dans le duché de Brunswick, entre Blankenbourg & Elbingrode, est une des plus fameuses que l’on connoisse en Europe ; elle est d’une étendue très-considérable, & composée d’un grand nombre de cavernes qui communiquent les unes aux autres. Ces cavernes sont remplies de stalactites & de concrétions pierreuses, qui offrent aux yeux des figures tout-à-fait singulieres, & que l’imagination prévenue rend peut-être encore plus merveilleuses. Il y auroit même lieu de soupçonner que l’art a quelquefois aidé à perfectionner des ressemblances que la nature n’avoit fait qu’ébaucher ; tel est peut-être le cheval, &c. que l’on dit être ou avoir été dans cette grotte. On trouve encore dans la roche qui forme cette grotte, des ossemens d’animaux, que la crédulité a fait regarder comme des os de géants. L’on vante encore l’unicornu fossile, ou le squelette d’un animal fabuleux appellé licorne, mais que l’on ne regarde actuellement que comme le squelette du poisson appellé narwal. Voyez Behrens, Hercynia curiosa.

Le célebre Tournefort nous a donné dans son voyage du Levant, tome I. pag. 190. une description très-curieuse de la fameuse grotte d’Antiparos, dans l’Archipel : elle est remarquable par la beauté des stalactites & des concrétions d’une forme singuliere qu’elle présente. Ces stalactites sont de l’espece de marbre veiné & couleur d’onyx, que l’on nomme communément albâtre oriental, & qui ne doit être regardé que comme un marbre plus épuré, entraîné par les eaux, & déposé ensuite sur les parois de la grotte par ces mêmes eaux, après qu’elles ont été filtrées au-travers de la pierre.

La France fournit un grand nombre de grottes, aussi curieuses & intéressantes pour les observateurs de l’Histoire naturelle, que celles d’aucune autre contrée de l’Univers : telle est entre autres la grotte ou caverne d’Arcy dans la Bourgogne, décrite à l’article Arcy, sans compter celles qui se trouvent en plusieurs autres endroits du Dauphiné, de la Franche-Comté, &c. & en général dans les pays