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montagneux. Voyez l’artic. Glaciere naturelle. La plûpart de ces grottes & cavernes sont sujettes à se remplir peu-à-peu, au point que des endroits où l’on passoit librement, se trouvent resserrés au bout d’un certain tems, & finissent même par se boucher entierement. Cela arrive par le concours continuel d’une eau chargée de parties lapidifiques, qui tombe goutte-à-goutte de la voûte ou partie supérieure de ces cavernes.

Les rochers dont les Alpes sont composés, sont remplis en quelques endroits de cavités ou de grottes, d’où les habitans de la Suisse vont tirer le crystal de roche. On reconnoît la présence de ces cavités, lorsqu’en frappant avec de grands marteaux de fer sur les roches, elles rendent un son creux. Ce qui les indique d’une maniere encore plus sûre, c’est une veine ou zone de quartz blanc, qui coupe la roche en differens sens ; elle est beaucoup plus dure que le reste de la roche. Les habitans de la Suisse la nomment bande ou ruban. Un autre signe auquel on connoît la présence d’une grotte contenant du crystal de roche, c’est lorsqu’il suinte de l’eau au-travers du roc, près des endroits où l’on a observé ce qui précede. Lorsque toutes ces circonstances se réunissent, on ouvre la montagne avec une grande apparence de succès, soit à coups de ciseau, soit à l’aide de la poudre à canon ; on forme ensuite un passage à peu-près semblable aux galeries des mines. On a remarqué qu’il se trouvoit toûjours de l’eau dans ces grottes ; elle s’amasse dans le bas après être tombée goutte à goutte par la partie supérieure.

Il y a tout lieu de croire qu’on acquerroit beaucoup de connoissances sur la formation des crystaux & des pierres, si on examinoit attentivement la maniere dont la nature opere dans les grottes, & si l’on analysoit par les moyens que fournit la Chimie, les eaux qu’on y rencontre, & auxquelles sont dus tous les phenomenes qu’on y remarque. Voy. Crystal, Crystallisation, & Pierre. (—)

Grotte du Chien, (Géogr. & Hist. nat.) en italien grotta del cane, buco velenoso, grotte ou caverne d’Italie, au royaume de Naples, célebre de tout tems par ses exhalaisons mortelles.

Les anciens l’ont nommé spiracula & scrobes Charoneæ ; Pline en fait mention liv. II. ch. cxiij. Elle est située proche du lac d’Agnano, entre Naples & Pouzzoles, sur le chemin qui conduit à cette derniere ville, à deux milles de la premiere, & au pié de la montagne appellée de nos jours la solfatara, autrefois forum Vulcani, & leucogæi colles.

Cette fameuse mofeta a pris le nom moderne qu’elle porte, de ce qu’on éprouve communément ses effets pernicieux sur les chiens ; elle ne laisse pas cependant d’être également funeste aux autres animaux qui se trouvent exposés à la portée de ses vapeurs. On dit que Charles VIII. roi de France en fit l’essai sur un âne, & que deux esclaves qui y furent mis la tête en-bas par ordre de Pédro de Tolede, vice-roi de Naples, y perdirent la vie ; je ne garantis point ces sortes de traits historiques : une exacte description de la grotte est ici l’objet le plus important.

Elle a environ huit piés de haut, douze de long, sur six de large. Il s’éleve de son fond une vapeur chaude, ténue, subtile, qu’il est aisé de discerner à la vûe. Cette vapeur ne sort point par petites parcelles, mais elle forme un jet continuel qui couvre toute la surface du fond de la grotte ; & il y a cette différence entre cette vapeur & les vapeurs ordinaires, que la vapeur malfaisante de la grotte du chien ne se disperse point dans l’air, & qu’elle retombe un moment après s’être élevée. La couleur des parois de notre grotte est la mesure de son élévation : car les parois sont d’un verd foncé jusque-là, & de couleur de terre ordinaire au-dessus, à la hauteur de plus de dix pouces.

Le docteur Méad s’est tenu debout dans la grotte, la tête haute, sans en recevoir aucune incommodité ; & tout animal dont la tête se trouve au-dessous de cette marque, ou que sa petitesse empêche de porter sa tête au-dessus de la vapeur, perd tout-d’un-coup le mouvement, comme s’il étoit étourdi ; ensuite au bout d’une trentaine de secondes, il paroît comme mort ou en défaillance : bien-tôt après ses membres sont attaques de tremblemens convulsifs ; à la fin, j’entends dans l’espace d’une minute, il ne conserve d’autre signe de vie qu’un battement presqu’insensible du cœur & des arteres, qui ne tarde même pas à cesser, lorsqu’on laisse l’animal un peu trop long-tems, je veux dire deux ou trois minutes, & pour lors sa mort est infaillible. Si au contraire, d’abord après la défaillance on le tire dehors de la grotte, il reprend ses sens & ses esprits, sur-tout lors qu’on le plonge dans le lac d’Agnano, qui est à vingt pas de-là.

Cette derniere circonstance n’est point toutefois d’une nécessité absolue. On lit dans l’hist. de l’ac. des Scienc. qu’un chien qui servit à l’épreuve ordinaire, en présence de M. Taitbout de Marigny, consul à Naples, fut simplement jetté sur l’herbe, & que peu de tems après il reprit sa vigueur au point de courir ; on conçoit même que si on jettoit le chien au sortir de la grotte, assez avant dans le lac pour qu’il y nageât, immobile comme il est dans ce moment, il périroit plutôt que de revenir.

J’ajoute en terminant la description de la grotte de Naples, qu’on ne la laisse point ouverte ; que celui qui en a la clé, fait ordinairement son expérience sur un chien quand quelqu’un desire de la voir ; & enfin qu’il couche toûjours cet animal à terre dans la grotte, en faisant son expérience.

Peut-être que les animaux qu’on éprouve de cette maniere, respirent au lieu d’air, des vapeurs minérales, suffoquantes, c’est-à-dire une vapeur ténue, imprégnée de certaines particules, qui étant unies ensemble, composent des masses très-pesantes, lesquelles bien-loin de faciliter le cours du sang dans les poumons, sont plus propres à chasser l’air de leurs vésicules, & à retrécir les vaisseaux par leur trop grande pesanteur ; au moyen de ce poids subit, les vésicules pulmonaires s’affaissent, & la circulation du sang vient à cesser. Lors au contraire qu’on tire à tems l’animal de cette vapeur minérale, la petite portion d’air qui reste dans les vésicules après chaque expiration, peut avoir assez de force pour expulser ce fluide pernicieux, sur-tout si l’on plonge l’animal dans l’eau ; en effet, il arrive que l’eau aidant par sa froideur la contraction des fibres, fait reprendre au sang son premier cours, comme on l’éprouve tous les jours dans les syncopes ; mais si cette stagnation continue trop long-tems, il est aussi impossible de rendre la vie à l’animal, que s’il étoit parfaitement étranglé ; & le lac d’Agnano même n’est d’aucune utilité dans ce dernier cas, ce qui montre que son eau n’a pas plus de vertu qu’une autre, & qu’elle n’est point un spécifique particulier contre le poison de la grotte.

Il semble présentement qu’on est dispensé de recourir à un poison singulier des vapeurs minérales de la caverne, pour expliquer la mort des animaux qui y périssent, si l’on considere que ces animaux, quand on les tire promptement hors de cet endroit, reviennent à eux sans conserver aucun signe de foiblesse, ni aucun des symptomes que l’on remarque dans ceux qui ont respiré un air imprégné de particules malignes par elles-mêmes ; de plus, les corpuscules venéreux, s’il y en avoit, devroient infecter pour le moins à quelque degré l’air qui regne dans la partie supérieure de la grotte, & cependant ils ne causent aucun dommage à ceux qui le respirent. Ajoûtez,