Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/1039

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gens oisifs sans occupation & souvent sans jugement. Hist. rom. tome VIII. pag. 115.

Outre les différentes guerres précédentes, il y en a une particuliere qui se fait avec peu de troupes par des détachemens ou des partis, à laquelle on donne le nom de petite guerre ; ceux qui commandent ces petits corps de troupes sont appellés partisans.

Ils servent à mettre le pays ennemi à contribution ; à épier, pour ainsi dire, toutes les démarches du général ennemi : pour cet effet, ils rodent continuellement autour de son camp, ils y font des prisonniers qui donnent souvent des lumieres sur ses desseins ; on s’instruit par ce moyen de tout ce que fait l’ennemi, des différentes troupes qu’il envoye à la guerre, & des fourrages qu’il ordonne. En un mot cette guerre est absolument nécessaire non-seulement pour incommoder & harceler l’ennemi dans toutes ses opérations, mais pour en informer le général ; ce qui le met en état de n’être point surpris. Rien ne contribue plus à la sûreté d’une armée que les partis, lorsqu’ils sont commandes par des officiers habiles & intelligens. Voyez Partis, Partisans, & l’article suivant.

Jusqu’ici nous n’avons parlé que de la guerre de terre : la guerre navale ou la guerre de mer demanderoit beaucoup plus de détails ; mais nous nous contenterons d’observer que cette guerre peut heureusement seconder celle de terre, dans les pays ou les royaumes à portée de la mer.

Les armées navales assûrent les côtes, elles peuvent dispenser d’employer un grand nombre de troupes pour les garder. « Je pense, dit M. de Santa-Crux sur ce sujet, qu’il faut que vos armées navales soient supérieures, ou n’en point avoir du-tout, à l’exception de quelques galeres qui servent toûjours soit pour garder les côtes contre les corsaires, soit pour les secours. Un prince puissant sur mer évite la dépense de beaucoup de troupes, il se rend sans opposition maître des îles des ennemis, en leur coupant par ses vaisseaux tous les secours de terre-ferme ; il ruine le commerce de ses ennemis, & rend libre celui de ses états, en faisant escorter par des vaisseaux de guerre ceux des marchands, qui payent au delà de l’escorte.

» Celui qui est supérieur sur mer fait avec les princes neutres tous les traités de Commerce aussi avantageux qu’il veut ; il tient dans le respect les pays les plus éloignés, qui pour n’avoir pas eu tous les égards convenables, ont lieu de craindre un débarquement ou un bombardement. Quand même les ennemis, pour garder leurs côtes, seroient forcés de faire la dépense d’entretenir beaucoup de troupes ; si la frontiere de mer est longue, ils ne sauroient vous empêcher de prendre terre, & de piller une partie de leur pays, ou de surprendre quelque place, parce que votre flotte qui menace un endroit, pourra au premier vent favorable, arriver infiniment plûtôt à un autre que ne sauroient faire les régimens ennemis qui avoient accouru à l’endroit où votre armée navale les appelloit d’abord ; & chacun comprend aisément qu’il est impossible que les ennemis ayent cent lieues de côtes de mer assez bien garnies & retranchées, sans qu’il soit nécessaire pour empêcher un débarquement, que les troupes d’un autre poste accourent pour soûtenir celles du poste où se fait la descente ».

Les forces navales sont en effet si importantes, qu’elles ne doivent jamais être négligées. « La mer, dit un grand ministre, est celui de tous les héritages sur lequel tous les souverains prétendent plus de part, & cependant c’est celui sur lequel les droits d’un chacun sont moins éclaircis : l’empire de cet élément ne fut jamais bien assûré à personne ; il a

été sujet à divers changemens, selon l’inconstance de sa nature. Les vieux titres de cette domination sont la force & non la raison ; il faut être puissant pour prétendre à cet héritage. Jamais un grand état ne doit être dans le cas de recevoir une injure, sans pouvoir en prendre revanche » ; & l’on ne le peut à l’égard des puissances maritimes, que par les forces navales.

Dans l’établissement d’une puissance navale, il « faut éviter, dit M. le marquis de Santa-Crux, de risquer par le sort d’un combat votre marine naissante, & de tenir vos vaisseaux dans des ports où les ennemis pourroient les détruire.

» Il faut bien payer les naturels du pays qui fréquentent les côtes ennemies, & qui vous donnent des avis prompts & sûrs de l’armement & des voyages de leurs escadres ; assembler secretement vos vaisseaux pour attaquer une escadre des ennemis inférieure, & qui se seroit séparée des autres ; si les ennemis sont en mer avec une grosse armée navale, ne faire cette année dans la Marine, que la dépense absolument nécessaire pour bien entretenir dans des ports sûrs vos gros vaisseaux & quelques frégates sur mer, afin que votre nation ne cesse pas entierement de s’exercer dans la navigation, & qu’elle puisse traverser un peu le commerce des ennemis, qui est toûjours considérable à proportion de leurs armées navales ».

Cet auteur donne différens conseils qui peuvent contribuer à la sûreté des corsaires qui courent sur l’ennemi. « Il faut, dit-il, qu’ils ayent dans les ports marchands des correspondances avec divers patrons de felouques & d’autres legers bâtimens neutres, pour leur donner avis du tems que les bâtimens ennemis doivent sortir des ports sans escorte ; & si leurs navires gardes-côtes en sont sortis pour côtoyer, ou s’ils ont jetté l’ancre. Ces patrons doivent être d’une fidélité reconnue & de beaucoup de secret, pour pouvoir leur confier sur quelle côte ou sur quel cap ils rencontreront chacun de vos corsaires, depuis un tel tems jusqu’à tel autre : vos corsaires conviendront avec eux des signaux de reconnoissance, de peur qu’ils ne craignent d’en approcher ». Réflexions milit. de M. le marquis de Santa-Crux, tome IV. ch. x. (Q)

Guerre ; envoyer à la guerre, aller à la guerre, se dit d’un détachement dont le général de l’armée donne le commandement à un officier de confiance, pour investir une place, pour couvrir ou attaquer un convoi, pour reconnoître l’ennemi, entreprendre sur les quartiers, sur les gardes ou sur les postes avancés, enlever des ôtages, établir des contributions, & souvent pour marcher en-avant, reconnoître un camp & couvrir un fourrage ou quelque autre manœuvre de l’armée.

Les détachemens de guerre réguliers sont commandés à l’ordre, les officiers principaux y sont nommés ; l’état major de l’armée commande selon leur ancienneté, les brigadiers, les colonels, & les lieutenans-colonels ; les brigades qui doivent fournier les troupes sont nommées à l’ordre ; les majors de brigade commandent les capitaines à marcher, & prennent ce service par la tête, comme service d’honneur. Chaque troupe est de cinquante hommes ; quelquefois on met doubles officiers à chaque troupe ; les compagnies de grenadiers qui doivent y marcher sont nommées à l’ordre.

Ces détachemens s’assemblent à l’heure & au rendez-vous marqués sur l’ordre : le commandant après avoir reçû du général les instructions & son ordre, se met en marche pour sa destination ; il envoye des nouvelles au général à mesure qu’il découvre quelque chose d’intéressant ; il s’applique à bien exécuter la commission dont il est chargé, & avec l’intelli-