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les cordes, pour former, pour ainsi dire, un sillet ambulant de touche en touche.

Les signes de la main droite qui tient lieu d’archet & dont l’exécution se fait dans la partie de la table de la guittare, sont les petites barres droites |, ou demi-cercles ◠, que l’on place sous la lettre qui doit être touchée du pouce ; les points que l’on place sous celles qui doivent être touchées du premier, du second & du troisieme doigt ; & enfin la maniere d’annoncer quand on doit battre ou relever les accords en batterie qui se fait, en plaçant immédiatement après l’accord marqué par les lettres, les notes entre la premiere & la seconde ligne de la portée, la queue en-bas ou en-haut ; en-bas, pour frapper des doigts de haut en-bas ; & en-haut, pour frapper en relevant de bas en-haut, & l’on fait durer plus ou moins la batterie, en dépliant successivement les doigts suivant la valeur de la note. Quant aux notes des lettres que l’on doit pincer, on les place au-dessus & hors de la portée où sont les lettres. Cette portée a cinq lignes représentatives des cinq rangs de cordes de la guittare. Quand il y a plusieurs lettres de suite de même valeur, on se contente de mettre une seule note sur la premiere, par exemple une seule croche pour toute une mesure, & même plusieurs mesures, dont les notes seroient de même valeur, jusqu’à ce qu’il leur succede une autre note de plus ou moins de valeur. On se sert à cet égard des mêmes signes usités pour la Musique, tant pour les notes que pour les soupirs, &c. Voyez les livres de Visé, gravés sous le regne précédent.

On distingue deux manieres de joüer de cet instrument, qui sont en batteries ou pincés. Plusieurs affectent l’une plus que l’autre : d’autres se servent

agréablement des deux, & c’est le meilleur parti qu’on ait à prendre. La plus étendue & la plus susceptible d’exécution, est le pincé. Les batteries sont plus harmonieuses, parce que toutes les cordes sont en jeu ; mais il faut bien de la legereté, de la douceur dans la main droite, & de la fermeté & de la justesse dans la position de la main gauche, pour qu’elles produisent un bon effet : car rien n’est si facile que de faire de cet instrument, dont l’harmonie est très douce & agréable, un vrai chauderon.

Les pincés se font entre la rose & le chevalet ; mais les batteries doivent se faire entre la rose & la derniere touche du manche, c’est-à-dire vers le milieu de l’étendue des cordes, pour éviter la dureté qui résulteroit du voisinage du chevalet, qu’on ne maîtriseroit pas aussi aisément qu’en pinçant.

Des cordes. Le choix des cordes demande une grande attention pour la justesse & la proportion, sur-tout pour les unissons. Les bourdons filés ont deux inconvéniens, l’un d’user & de couper les touches ; l’autre plus grand, est de dominer trop sur les autres cordes, & d’en faire perdre le son final par la durée du leur, principalement dans les batteries. Il est des accords où ils peuvent bien faire, c’est lorsqu’ils produisent le son fondamental ; mais comme cela n’arrive pas le plus souvent, il vaut mieux s’en tenir aux bourdons simples, à-moins qu’on ne veuille que pincer. Visé, célebre maître de guittare sous Louis XIV. n’en mettoit point au cinquieme rang ; mais il y perdoit l’octave du la, & par conséquent une demi-octave. Elle s’accorde par quartes, à l’exception de la seconde & de la troisieme, qui n’ont

entr’elles qu’un intervalle de tierce. L’accord est la, ré, sol, si, mi, en comptant du son le plus grave.

OBSERVATIONS SUR LA FIGURE SUIVANTE.

Le nom des notes est posé sur le manche à l’endroit même où il faut poser les doigts, le plus près de la touche qu’il est possible, mais jamais dessus la touche. Il ne faut pas poser de doigt près le sillet qui se marque par un a, parce que le son des cinq cordes y est déterminé par leur position ; c’est ce qu’on appelle sonner les cordes à vuide. C’est-là l’accord de la guittare.

Dans la progression des sémi-tons du diapason on ne trouve point de bémols marqués. On s’est déterminé à ne marquer que des dièses, pour ne point faire de confusion. Mais ce qui est la♯ sera si♭ quand il le faudra, parce qu’il se fait au même endroit, le ton du la au si naturels se trouvant partagé également par la touche. Ainsi des autres.

Quant à la forme des lettres, la plus usitée est la

bâtarde, un peu plus penchée qu’à l’ordinaire, à cause des lettres à queue qui pourroient s’entre-lacer, & embarrasser les autres lettres & les signes dont on se sert. Les b se font comme des 6 ; les c comme des r, dont le jambage droit est un peu racourci & le trait circonflexe un peu alongé. Voyez l’exemple ci-dessus, & les livres gravés de Visé. On leur donne cette forme pour éviter que la ligne sur laquelle les c sont posés ne les ferme par en-haut, & ne les fasse prendre pour des e. On ne sauroit mettre trop de netteté dans cette maniere de noter, bien moins avantageuse pour la vûe que les notes de Musique ; mais cette méthode est propre & commode pour cet instrument, quand on ne peut y donner assez de tems pour acquérir le grand usage des positions.