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Ayez une mesure d’un pié cube A : il faut, autant qu’on peut, faire les épreuves sur le plus grand volume : vous emplirez cette mesure de mine, en la coulant par un entonnoir B, pour l’entasser également. Supposons mine du second genre, telle que vous l’avez préparée pour la mettre au fourneau, vous raclerez la mesure, & peserez ; vous prendrez assez de tems pour mettre à part les grains de mine & les pierres que vous mesurerez & peserez séparément ; vous ferez griller la mine, pour aider la séparation de l’arbuë ; laverez, laisserez sécher, mesurerez, & peserez : donc il y avoit tant d’arbue. Vous calcinerez les pierres, laverez, mesurerez, & peserez : donc il y avoit tant de castine. Vous ferez de même l’épreuve des différentes mines, pour les mélanger ou y joindre arbue ou castine ; posant pour regle, qu’il faut un dixieme d’arbue & un vingt-cinquieme de castine : ainsi, si dans cent livres de mines il y a vingt livres d’arbue, ajoûtez cent livres de mines qui portent huit livres de castine ; cet exemple doit suffire pour faire entendre le mélange de toutes les especes de mines.

Ne regardez néanmoins ceci que comme une approximation ; joignez l’expérience ; ajoûtez ou retranchez ; & au lieu de faire le mélange au fourneau, faites-le dans les apprêts. On est sûr de l’uniformité, & d’avoir obvié à la négligence & l’oubli des ouvriers, quand les mines sont séparées : le mélange, pour certaines mines, ne peut être fait avec plus d’exactitude que par le patouillet. Quant à celles, par exemple, que l’éloignement ou autres raisons vous auront fait passer au lavoir, & qui auront besoin d’être passées une seconde fois au panier ; ayez au-dessus du patouillet un plancher en pente, garni de costieres, où passera l’eau qui arrive à la huche, & dans laquelle vous criblerez la mine, qui, à l’aide de l’eau, descend naturellement dans la huche.

Il est assez inutile de parler de la façon de voiturer & mesurer les mines ; chaque pays ayant sa méthode & sa mesure pour les recevoir des ouvriers. On dit ordinairement une queue de mines, ce qui devroit naturellement être de la même dimension qu’une queue de vin, divisée en muids & feuillettes. La feuillette à mine A, est de bois de fente, reliée en cercles de fer B, avec des poignées extérieures CC, attachées au cercle du milieu, sans fond, pour que les ouvriers, quand elle est pleine, puissent aisément l’enlever.

Art. VI. Des réservoirs & de la dépense de l’eau. L’eau est pour les forges une puissance nécessaire, dont on ne tire pas tout l’avantage possible sans beaucoup d’intelligence, de travail, & de dépense. La premiere attention, quand vous voulez bâtir une forge, est de bien connoître si vous en pouvez rassembler assez, à quelle hauteur ; & vous débarrasser de l’excédent.

Chacun sait que pour donner de la force aux liqueurs, il faut les ramasser en grands volumes ; & que pour fournir à une grande dépense, il faut des réservoirs spacieux. Pour joindre la hauteur & l’espace, on cherche l’endroit le plus favorable pour établir une chaussée ; & cette chaussée est percée de deux ouvertures : la premiere est distribuée en plusieurs cases, fermées de pelles ou pales, qu’on leve ou qu’on baisse pour donner une quantité déterminée d’eau ; cela s’appelle l’empalement du travail : la seconde est distribuée également, pour servir de décharge à l’excédent de l’eau, & s’appelle l’empalement de décharge.

Il n’est pas nécessaire de dire qu’il ne faut pas entreprendre la construction d’une forge, si par le calcul fait d’avance, il est clair qu’on ne puisse pas ramasser assez d’eau, & à une telle hauteur ; la hauteur de la chaussée décide de la hauteur de l’eau : quant à l’espace, il faut être bien assûré que cette élévation ne

pourra préjudicier aux héritages voisins.

Une chose essentielle à savoir, c’est que les eaux retenues contre un empalement de travail, en plus grande abondance qu’il n’en laisse échapper, obligées par conséquent de retourner à l’empalement de décharge, pour trouver une sortie proportionnée à leur quantité, s’élevent en reculant, d’environ un pouce pour dix toises. Tirons de cette expérience, que le plus avantageux pour augmenter la force de l’eau, est d’avoir un empalement de décharge très-éloigné de celui du travail ; puisque l’eau sera pressée de l’élévation d’environ un pouce par dix toises. Pour cet effet, quand vous voudrez ramasser toutes les eaux des petits ruisseaux, fontaines, étangs, riviere peu considérable, pour la dépense de votre travail ; au point de la jonction de plusieurs eaux, établissez l’empalement de décharge ; & de ce même point, faites creuser un canal le plus long que vous pourrez, au bout duquel vous établirez l’empalement de travail : vous gagnerez de la hauteur d’eau relativement à la pente du terrein & à son éloignement de l’empalement de décharge.

Comme l’empalement de décharge tire l’eau du fond, il y a lieu de penser qu’il pourroit faite perdre une partie du fruit qu’on attend de son éloignement de celui du travail, quand une petite crue d’eau le fait lever : pour prévenir cet inconvénient, on laisse l’empalement pour les grandes crues d’eau, & à côté on bâtit un roulis qui débarrasse du superflu de l’ordinaire.

Quand vous voulez bâtir une forge sur une riviere abondante, & que vous n’avez besoin que d’une partie de l’eau, il faut, le plus loin que vous pourrez de l’empalement de travail, faire un arrêt qui traverse la riviere, & qui tourne l’eau dans un canal creusé & alongé ; le reste doit passer sur l’arrêt. On peut ménager des portes pour le passage des grandes eaux & usages de la riviere.

Si l’empalement de travail donne assez de hauteur à l’eau pour faire travailler les roues par-dessus, vous ferez une huche qui la distribuera sur des roues à seaux : si vous n’avez pas assez de hauteur, vous prendrez l’eau du fond, qui, distribuée dans des coursiers, fera mouvoir des roues à aubes.

Quoique ces parties soient détaillées chacunes à leurs articles ; pour mettre le tout sous les yeux, nous allons les parcourir, sans entrer dans de trop grands détails.

Il ne faut rien ménager ni oublier, quand il est question de faire des fondations d’empalemens, de roulis, d’arrêts, &c. détournez les eaux autant qu’il est possible ; excavez ; cherchez le terrein ferme ; ou servez-vous de pilots ou de grillages, & employez de bons matériaux. Nous donnerons un exemple de fondation à l’article des Fourneaux.

Pour un empalement de décharge, quand vous serez élevé à un pié près du fond de l’eau, établissez un bon grillage qui avance de dix à douze piés dans l’eau, & soit assez grand pour garnir tout l’intérieur des bajoyers, & entrer sous la mâçonnerie qui s’éleve à chaque bout du seuil.

Le seuil ou sous-gravier sera encoché dans le grillage, & arrêté à ses extrémités sous la mâçonnerie : dans le dessus, vous emmortaiserez des bois de séparation, dans lesquels vous ménagerez des feuillures du côté de l’eau, pour y couler les pelles : ces bois de séparation s’appellent potilles : les potilles sont emmortaisées par en haut dans une forte piece de bois, qu’on appelle chapeau. Les potilles seront soûtenues dehors par des bras arrêtés dans les traversines du chassis : ces bois posés & arrêtés, vous élevez une mâçonnerie assez forte pour résister à la poussée de l’eau ; laquelle embrasse aux deux-tiers le potille des bouts : cette mâçonnerie s’élargit du côté du bas,