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pour diminuer la force de l’eau, en lui donnant plus d’espace ; on remplit les vuides du grillage avec pierre, chaux, & sable, ou de glaise bien corroyée ; & en cloue dessus des planches bien dressées & épaisses ; pour plus grande sûreté, on garnit le devant & le derriere du grillage de pieux très-proches, bien enracinés, & sciés à fleur.

Les pelles sont des planches clouées ou chevillées sur deux traverses, & une piece de bois de trois à quatre pouces d’équarrissage, qui lui sert de queue. On coule les pelles dans les rainures de deux potilles ; & la queue est arrêtée dans une encoche, ou une mortaise pratiquée dans le chapeau.

Quand l’empalement n’est pas assez large pour demander plusieurs pelles, & qu’une seule seroit trop difficile a lever, vous y mettez une queue à chaque côté, passant par le chapeau, finissant en vis : les écrous commençant à travailler contre le dessus du chapeau, font lever la pelle sans grand effort.

L’empalement de travail se fabrique comme celui de décharge ; il faut seulement observer que les potilles sont divisées, pour que leurs ouvertures ne donnent que l’eau dont on a besoin : le dehors de chaque potille sera garni de madriers d’épaisseur, entasses & brochés les uns sur les autres, portant sur de bons chassis, & faisant les coursiers proportionnés aux roues qu’ils reçoivent pour leur communiquer l’eau : le fond des coursiers est garni de planches épaisses clouées sur les chassis. On a soin dans les coursiers, de ménager une pente qu’on appelle saut, dans l’endroit où l’eau commence à travailler sur les aubes des roues : au milieu de la roue, le coursier sera élargi de moitié, afin que l’eau qui a passé le travail, trouvant un plus large espace, s’échappe plus vite, & ne retarde point le mouvement de la roue, en touchant le derriere des aubes. Quand on pose le seuil d’un empalement de travail, il faut savoir ce qu’il restera de pente pour le coursier, le saut, & la fuite de l’eau dans le sousbisf.

Le sousbisf est un canal qui va rejoindre celui de décharge, dans le point qu’on aura mesuré n’être plus par sa pente exposé au regonflement de l’eau : comme l’eau perd de sa force par ces frottemens, au prorata de la longueur des coursiers, vous les disposerez proche de l’empalement, suivant le plus ou moins de travail : par exemple, celui du marteau sera le plus proche ; ensuite ceux des fonderies, des chaufferies, &c. il faut encore prendre garde que ces coursiers passant les uns à côté des autres, on est nécessité d’avoir des arbres plus longs les uns que les autres ; par conséquent les plus courts doivent être ceux du plus grand travail.

Puisqu’il est avantageux de prendre l’eau près des empalemens, il le seroit donc, dans une grande usine, de multiplier les empalemens : pour cet effet, on en pourroit ménager un de chaque côté du corps de la forge, & un de l’autre côté du corps de la fonderie. Par le moyen de ces trois empalemens, on pourroit, dans l’intérieur de la forge, avoir deux marteaux, & le nombre de feux nécessaires pour les assortir, des autres côtés des deux empalemens ; d’une part le fourneau, d’autre une roue de fonderie ; & de l’autre côté de la fonderie, la deuxieme roue sur le troisieme empalement,

Quand on a assez d’hauteur d’eau pour la faire tomber sur les roues, alors au lieu de l’empalement à potilles & pelles, on pratique une huche qui vient aboutir sur la roue du plus grand travail, & distribue l’eau à celles du moindre, par des coursiers soûtenus sur des chevalets.

Une huche est un coffre de bois servant d’alongement au réservoir d’eau, du côté duquel elle est ouverte : ce coffre est soûtenu sur des chevalets, sous lesquels sont les roues, auxquelles on donne de l’eau

par le fond de la huche, au moyen de pelles qu’on baisse ou qu’on leve suivant le besoin. Il me paroît qu’en raisonnant bien, on trouveroit que la dépense d’une huche est inutile, en tirant directement l’eau du réservoir conduite sur les roues par un coursier.

La structure des roues vient des deux manieres de prendre l’eau, ou par dessus ou par-dessous : il semble que dans les forges on affecte de ne point la prendre de côté dans des roues à seaux ; il ne seroit peut-être pas impossible de prouver que ce seroit la maniere la plus avantageuse : celles qui reçoivent l’eau par-dessus, s’appellent des roues à seaux ; elles marchent suivant la poussée & la pesanteur de l’eau dans les seaux. Les roues à aubes prennent l’eau par-dessous ; recevant leur mouvement de l’impulsion de l’eau, elles ne peuvent l’avoir que conséquemment à la force de l’eau, laquelle force dépend du poids & de la chûte.

Les roues à aubes sont composées d’une grande quantité de séparations beaucoup plus larges que les aubes, faisant un total fort pesant : il n’est pas si clair que bien des gens se l’imaginent, que les roues à seaux, pour les forges, soient d’un meilleur service que celles à aubes ; il y en a qui demandent de la force & de la vitesse : je n’entends parler que relativement à des chûtes de huit à neuf piés & au-dessous. Si sous huit piés j’établis une roue à seaux de cinq piés de diametre, il est clair que j’ai des leviers très-courts ; que je perds la hauteur & l’étendue d’eau de cinq piés ; que la force de l’eau diminue à proportion : d’ailleurs ces roues demandent beaucoup d’entretien ; ainsi je crois que la perte de la hauteur de l’eau & l’entretien préjudicient & retardent le travail autant qu’une plus grande dépense d’eau dans les roues à aubes, dont je puis dans le besoin alonger les leviers, dont l’entretien est facile, & qui tirent l’eau du fond. Delà je concluerois volontiers, que quand on n’est pas dans le cas de manquer d’eau relativement à un travail bien entendu, ou que les chûtes ne sont pas au delà de neuf piés, le meilleur est de s’en tenir aux roues à aubes.

Art. VII. Des bois. Les bois faisant la plus grande dépense des forges, font un objet très-intéressant ; cette partie consiste dans l’achat, l’exploitation & l’emploi.

L’achat doit être reglé par la qualité du terrein, l’espece de bois, l’âge, l’épaisseur, la hauteur, & la traite.

Ne peut-on pas assûrer que le bois est rempli de parties sulphureuses ou nitreuses, en plus ou moins grande quantité, selon la nature du sol ; que ces parties y sont serrées à proportion du nombre des couches que chaque année accumule, & de la solidité de la partie nerveuse ? Un bois venu dans l’arbue, suivant ce que nous avons dit, ne doit-il pas être regardé comme un bois nerveux ; celui venu dans la pierre, la castine, comme un bois aisé à séparer ? notre proportion ne pourroit-elle pas être ici appliquée comme dans la mine ? Un bois venu dans l’arbue ne pourroit-il pas être deux fois & demi plus difficile à réduire en cendres, que celui venu dans la castine, à pareil degré de siccité ? Un pié cube de bois nourri dans l’arbue, pese au moins moitié plus qu’un nourri dans la castine : donc la contexture en est plus ferme ; donc le remplissage est de parties plus tenues & plus serrées. La chaleur du charbon venu dans l’arbue est fort concentrée ; il veut être bien soufflé : celui venu dans la castine fuse, s’évapore aisément. Le cœur & le pié du bois sont plus durs que l’extérieur & le dessus : le cœur est serré par les couches qui l’environnent ; les tuyaux de l’extérieur sont remplis de beaucoup d’eau, qui sert de véhicule aux parties plus lourdes, mais divisées pour être transportées. N’est-il pas naturel que les parties plus lourdes & plus embarrassées restent au bas de l’arbre, tandis que les plus legeres & les plus aiguës montent ? le dessus de l’arbre