Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour l’enfourner ; on en met jusqu’à un millier, quand le fer est chauffé : il faut environ deux heures pour chauffer une fournée à blanc ; c’est le degré qu’il faut. Une corde de bois de saison de quatre piés de hauteur sur huit piés de couche, & le bois de trois piés & demi de longueur, peut faire quatre fournées à bon vent. Le vent influe prodigieusement sur cette partie ; le bon est celui qui passant par l’ouverture du devant du cendrier, pousse la flamme dans le four ; le mauvais est celui qui passant par la gueule, la repousse dans la toquerie : le seul remede employé jusqu’ici, mais insuffisant, a été de boucher la gueule d’une plaque de fer. Ne pourroit-on pas en employer deux ? le premier en faisant une toquerie à chaque côté, bouchant l’ouverture de communication de celle en mauvais vent, suivant le besoin. L’ouverture étant de dix pouces sur sept, dans un mur de séparation, ne pourroit-on pas monter les côtés de ce mur en briques, & y ménager des coulisses, pour laisser descendre & élever, suivant le besoin, un morceau de terre à brique d’échantillon ; le second en opposant le vent au vent, avec des tuyaux répondans au grillage, & à une large ouverture extérieure & mobile, qu’on pourroit tourner au vent.

Le fer, dans les fenderies où on se sert de charbon de terre, comme celles qui sont dans le Forez sur la riviere de Gier & sur quelques ruisseaux, & qui refendent six à sept millions de fer, se chauffe dans des cheminées bâties comme une chaufferie avec soufflets ; le fer s’y place par barres de deux piés & demi, à trois piés de longueur, dans la quantité de trois à quatre cents pesant à-la-fois, qu’il faut environ une heure pour chauffer. Il y a un ouvrier chauffeur qui doit veiller à l’arrangement du fer, qui le place par trois barres l’une dessus l’autre, & travaille à ce que ce qui est exposé au vent ne fonde pas, pendant que les bouts n’ont pas le degré de chaleur convenable. Il faut environ pour six francs de charbon pour fendre un mille de fer, &c.

Pour desservir une fenderie, il faut cinq ouvriers ; le maître fendeur, qui doit entretenir le bon ordre, tous les outils, dresser les équipages, regler le tems de tirer le fer, &c. le second, pour tirer le fer du four & le présenter aux espatards ; un pour le recevoir, & le remettre au maître, qui le présente aux taillans, desquels le quatrieme le reçoit pour porter la verge à la pile de son échantillon ; le cinquieme est celui qui met le bois dans la toquerie. Une fournée d’un mille peut être fendue en une heure. Celui qui défourne a soin de la toquerie pendant la fente ; la fente faite, on enfourne de nouveau ; c’est alors l’affaire du maître fendeur, de visiter & rétablir ce qui pourroit être dérangé. Il ne faut pas laisser manquer les espatards & les taillans de rafraîchissement & de graisse. Le rafraîchissement se donne perpétuellement par de l’eau conduite par des chanlates : les taillans s’engraissent de suif fondu à toutes bandes, & les espatards cinq ou six fois à chaque fournée.

La verge se met en bottes de cinquante livres, poids de marc : pour cet effet, les embotteleurs ont un établi CD (voyez les Pl.), garni de demi-ronds de fer ed, pour placer la verge après l’avoir redressée, & la lier en trois endroits, après qu’elle aura été pesée, en la serrant avec la chaine & l’étrier 9. a est la tenaille pour serrer la verge de la main droite, & b le crochet, pour en supporter l’extrémité de la main gauche. l est une cisaille ; hi, les demi-ronds, pour recevoir la verge ; KK, des bottes de verges.

Le moulin établi à Essonne pour profiler le fer, appartient de droit aux fenderies, dont il n’est qu’une espece particuliere ; c’est, suivant le rapport de MM. les commissaires de l’académie des Sciences, du 23 Décembre 1752, un laminoir (voyez nos Pl.) composé de deux cylindres de fer CD, dont l’un, que

nous supposerons C, est profilé sur sa circonférence, pour imprimer sur les plates-bandes AB les moulures qu’on veut leur donner. Les deux cylindres de ce laminoir, sont menés par deux roues à l’eau ; le cylindre inférieur D est mené immédiatement par le tourillon E, dont le bout qui se termine par un quarré F se joint au quarré H du cylindre, par le moyen d’une boîte de fer G ; l’autre roue est menée au moyen de renvois de roues dentées & lanternes, qui font tourner le cylindre de dessus G en sens contraire.

Ces deux cylindres étant en mouvement, on présente la bande de fer rouge au profil qu’on veut y imprimer ; saisie entre les deux cylindres, & entraînée par leur mouvement, elle s’alonge & se profile d’une seule opération sur toute sa longueur, en très-peu de tems.

Pour empêcher que la bande de fer qu’on profile ne s’enveloppe autour du cylindre profilé, un ouvrier la saisit avec la pince aussi-tôt qu’elle commence à passer de l’autre côté du cylindre, jusqu’à ce qu’elle soit entierement sortie.

Pour connoître, disent les commissaires, si le laminage ne change point la qualité du fer, nous avons fait rompre une barre de fer avant & après l’expérience faite à Essonne le 28 Janvier 1751 ; avant l’expérience, le fer étoit aigre ; les deux bouts rompus sembloient se toucher par des facettes, dans toute l’épaisseur de la bande ; on n’y voyoit point de parties saillantes dans les bouts rompus. Après l’expérience, on voyoit de part & d’autre, dans toute l’épaisseur des filamens, des parties saillantes en forme de lames plates & alongées ; c’est ce que les ouvriers appellent le nerf, dans les fers doux ; & c’est à cette marque qu’on le reconnoît pour être de bonne qualité. Il paroît donc que le fer acquiert de la qualité par le laminage : ce qu’on savoit d’ailleurs par les expériences faites dans les fabriques de fil-d’archal.

Malgré un témoignage aussi respectable, la vérité m’oblige de dire que le laminage ne peut changer la qualité du fer ; du fer cassant de sa nature en faire du fer doux. Convenons qu’un fer dont le nerf est gonflé de trop de remplissage, peut casser comme celui de l’épreuve, sans laisser beaucoup de parties saillantes, ou que trempé il peut faire le même effet ; ayant lieu de croire que le grand & subit degré de fraîcheur fait retirer & courber les nerfs ; puisque le même fer étant chauffé à blanc & refroidi naturellement, les nerfs reprennent leur souplesse : mais ce phénomene aura lieu sur-tout, en conséquence de la compression des cylindres qui leur fait dégorger une partie de ce qui les gonfloit. Cette espece de croûte qui tombe devant les cylindres en est une preuve ; c’est ce qui occasionne la différence du poids du fer en barres au fer laminé : de-là on peut conclure que le fer cassant par accident a été rendu à sa nature par une opération ; mais non pas que le laminage d’un fer aigre de sa nature en puisse faire un fer doux. Ne pourroit-on pas encore soupçonner que les entrepreneurs du moulin d’Essonne ne se contentant pas de l’avantage réel de la machine, ayent cherché à y joindre du merveilleux, & à surprendre l’attention de MM. les commissaires, par le changement impossible du fer cassant en fer doux ? Nous avons l’expérience constante de la diversité de fers entr’eux. Ces fers, après le travail des applatissoires, restent chacun dans leur nature, mais seulement plus épurés.

On a tenté plusieurs fois de filer le fer dans les cylindres : on doit être convaincu que sur-tout pour dégrossir, il n’a manqué que l’exactitude & la précision.

Art. XII. Batterie. L’équipage d’une forge & d’une batterie est le même ; une cheminée, deux souf-