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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/181

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flets mûs par l’eau, un attelier de marteau : la différence est qu’au foyer d’une batterie, il n’y a point de contre-vent du dessus, ni d’aire ; que le fond est à environ sept pouces de la thuyere, le trou du chio à la hauteur de la thuyere ; le basche dans l’intérieur de la cheminée couvert : c’est par son côté que se met le charbon. Les marteaux sont de la même forme que ceux de forge ; ils ne pesent que quatre à cinq cents.

L’objet des batteries est de rendre le fer de forge propre à différens usages, par son étendue, son peu d’épaisseur, sa souplesse ; il prend alors le nom général de taule, & les surnoms particuliers de rangette à étrille, à serrure, à crie, palastre, ronde, couvercle, de four, enseignes, fers de charrue. La différence de ces especes consiste dans l’étendue & l’épaisseur ; ce qui les fait chauffer & battre différemment.

Pour faire la rangette, on coupe le fer, qui au sortir des forges est d’environ trente lignes de largeur sur douze d’épaisseur, en morceaux pesans environ huit livres : chaque morceau se chauffe à blanc, & se bat en deux chaudes, puis on le plie en deux, & s’appelle doublon : & en deux autres chaudes, on lui donne la largeur d’environ quatre pouces, sur douze à treize de longueur ; ce qu’on appelle arbelage. De-là, on prend quatre doublons ensemble, trempés en eau d’arbue, pour empêcher les feuilles de se souder les unes aux autres : on les chauffe couleur de cerise, & bat à quatre chaudes ; ce qui leur donne environ dix pouces de largeur, & dix-neuf à vingt de longueur. On y joint quatre autres doublons en pareil état, & on bat les huit doublons en deux chaudes couleur de cerise qui les réduisent à leur derniere perfection. La rangette porte quatorze à quinze pouces de largeur sur vingt-an à vingt-deux de longueur : il entre ordinairement huit doublons dans un paquet pesant cinquante livres, poids de marc ; les paquets se lient en deux endroits avec des bandes de taule coupées à la cisaille. Quand les feuilles sont plus larges ou plus longues les unes que les autres, on les égalise avec les cisailles ; quand il y en a de percées, crevassées, ou mal fabriquées, on les coupe pour faire les liens ; ces liens servent à la ferrure des seaux & autres ; on en fait même quelques paquets.

La taule à étrille de dix à onze pouces sur trente à trente-deux, se bat en six doubles, avec autant de chaudes que la rangette : huit à neuf doublons au paquet de cinquante livres.

La taule à serrure de différens échantillons, se bat en un doublon à différentes chaudes, suivant la largeur & épaisseur.

Le palastre se bat en feuilles de neuf à quatorze pouces de largeur sur quatre à dix piés de longueur, & de différentes épaisseurs : c’est avec le palastre qu’on garnit le bas des portes cocheres, les bornes, &c.

La taule à réchaud, de six à sept pouces sur vingt-un à vingt-deux, se bat à huit doublons : 20 à 21 au paquet de cinquante livres.

La taule à cric pour les équipages, de six à sept pouces de largeur, sur quatre à cinq lignes d’épaisseur, & quatre piés environ de longueur, se bat en feuilles.

La taule à enseigne se bat en feuille à quatre ensemble, portant treize à quatorze pouces de largeur sur dix-huit de hauteur, une ligne d’épaisseur ; on peut en battre de plus grandes.

Les taules rondes pour poesles & poeslons, se battent en deux feuilles, ménageant un endroit plus étroit au milieu de la feuille ; c’est où on les plie : cet excédent est pour souder la queue ; elles se finissent en les élargissant à deux doublons.

Les couvercles de four se battent en feuilles à demi-rond en quatre chaudes ; & on acheve de les battre quatre ensemble.

Dans toutes les taules, les feuilles du milieu s’élargissent toûjours plus que les autres ; c’est pour cela qu’aux deux dernieres chaudes on les change.

C’est aussi dans les batteries qu’on prépare les taules pour le fer-blanc ; elles se battent à plusieurs doublons, entre un marteau & une enclume bien dressés. Les feuilles se coupent d’échantillon à la cisaille, & se vendent au cent pour être blanchies & étamées.

Les fers de charrue se battent seuls à différentes chaudes, suivant leur force & étendue ; on en fabrique de huit jusqu’à quinze livres.

Pour fabriquer un millier de taule assorti de plusieurs échantillons, on passe au maître batteur 1060 jusqu’à 1100 de fer, & 30 ou 35 vans de charbon ; le van équivalant à cinq piés.

Le maître batteur doit avoir soin du foyer, de l’équipage du marteau, qu’il doit bien dresser, & de tous les outils. Dans les batteries où l’eau & les matériaux ne manquent pas, les ouvriers se relayent, comme dans les forges : quatre ouvriers peuvent faire cinq à sept cents de taules en vingt-quatre heures ; cela dépend beaucoup du fer, du charbon, de l’espece de marchandise, & de l’adresse des ouvriers. On fait aller une batterie en grosses-forges, quand on le juge à propos ; il n’y a que le foyer à changer.

Art. XIII. La filerie. L’objet de la filerie est de donner au fer, par la figure ronde, la surface polie & égale ; la diversité, la flexibilité, un degré d’utilité qui s’étend depuis les baguettes de dix lignes de diametre, en nuances infiniment multipliées, jusqu’à nous procurer les plus fines cordes des tympanons, même de remplacer la finesse des cheveux : nous n’entendons ici que donner l’explication de la manufacture, sans indiquer tous les ouvrages auxquels le fer filé s’employe.

Filer le fer, est l’obliger de passer par des ouvertures dont il prend le diametre : comme ce travail demande beaucoup de force, on a eu recours à l’eau pour faire mouvoir une roue. A. Pl. XII. est un cylindre de bois tournant sur ses empoises, ce cylindre est armé de cammes BC, qui appuyant sur la queue Z, la fait baisser ; elle est relevée après le passage de la camme, par la perche élastique X, tenant à la queue par la chaîne Y. La queue Z ne peut baisser que le montant F, auquel elle est attachée, ne soit tiré en-arriere ; & ce à proportion de la longueur de la camme : ce montant a un mouvement libre de devant en-arriere, par une cheville de fer qui le traverse dans la piece de bois K.

Au-devant du montant F il y a un anneau de fer dont la racine est arrêtée de l’autre côté par une clé ; cet anneau s’appelle davier ; il reçoit le crochet C de l’anneau de la grosse tenaille ; cet anneau, avec son prolongement & son crochet, s’appelle chaînon. L’anneau du chaînon enferme les bouts ceintrés de la tenaille A ; le montant F ne peut être tiré, que le chaînon ne le soit, ainsi que la tenaille, dont les mâchoires serrent à proportion que les branches sont serrées, & décrivent en reculant autant d’espace que le montant F ; la perche élastique faisant remonter la queue Z. Le montant & le chaînon sont également renvoyés : le chaînon ne peut être repoussé qu’il ne desserre les branches, & conséquemment les mords de la tenaille. Si nous imaginons que la tenaille tienne un morceau de fer, elle le serrera & tirera en reculant. Quand elle sera desserrée, elle reprendra sa place par son propre poids, qui la fait couler le long d’un plan incliné ; étant retirée, elle mordra & tirera, & ainsi de suite. Voilà ce que c’est qu’une filerie. Il y a des montans auxquels le mouvement est donné de côté. Imaginons, pour ne pas multiplier les figures, que le montant F est prolongé en en-bas ; & que la camme, au lieu d’en abaisser, en pousse la