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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/183

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cer, c’est avec le marteau frapper le fond à faux sur les genoux, afin de rendre à l’ouvrage sa concavité. On finit en couvrant l’enclume de peaux de castor gras, & en repassant le marteau sur tous les coups qui paroissent au-dedans & au-dehors de la piece. Cette opération les efface en-dedans, mais non en-dehors. C’est sur la différence du forger & du planer. On dégraisse de même : dans ce travail, l’ouvrier est assis devant son enclume, le billot de l’enclume est entre ses jambes, l’enclume n’est guere qu’à la hauteur de ses genoux ; il tient son marteau de la main droite, sa piece de la main gauche : cette main fait tourner la piece à mesure qu’elle est frappée ; elle est aidée dans cette action par le genou qui soûtient la piece toutes les fois que la main est obligée de la quitter pour la reprendre.

Forger un Fer, (Manége & Maréch.) action du maréchal qui donne à du fer quelconque la forme qu’il doit avoir, pour être placé sous le pié du cheval.

Le fer que les Maréchaux doivent employer, doit être doux & liant ; un fer aigre soûtiendroit avec peine les épreuves qu’ils lui font subir à la forge, & ne resisteroit point à celles auxquelles le met le travail de l’animal.

Ces ouvriers nomment loppin, un bout coupé d’une bande de fer, ou un paquet formé de morceaux de vieux fers de cheval. Celui qu’ils coupent à la bande en est séparé au moyen de la tranche.

Un compagnon prend un loppin de l’une ou de l’autre espece, proportionné aux dimensions qu’il prétend donner à son fer, & le chauffe jusqu’à blanc tout-au-plus, à moins que la qualité du fer dont il se sert lorsqu’il est question d’en souder les parties, n’exige qu’il pousse la chaude au-delà. Le fer ainsi chauffé, il le prend avec les tenailles les plus appropriées à la forme actuelle du loppin ; les tenailles dont sa forge doit être abondamment pourvue, devant être de différentes grandeurs & de différentes figures. Il le présente à plat sur la table de l’enclume. Un apprenti ou un autre compagnon armé du marteau à frapper devant, frappe toûjours de maniere à alonger & à élargir le loppin, & chacun de ses coups est suivi de celui du premier forgeur, dont la main droite saisie du ferretier ne frappe que sur l’épaisseur du fer. Pour cet effet, comme leurs coups se succedent sans interruption, celui-ci après avoir posé le loppin à plat pour l’exposer au marteau de l’apprenti, le retourne promptement de champ pour l’exposer à son ferretier ; & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une des branches soit suffisamment ébauchée : du reste les coups du ferretier tendent comme ceux du marteau au prolongement du loppin, mais ils le retrécissent en même tems, & lui donnent la courbure qui caractérise le fer du cheval ; c’est ce que les Maréchaux appellent dégorger. Pour la lui procurer plus promptement, le forgeur adresse quelques-uns de ses coups sur la pointe non-chauffée du loppin, tandis que l’autre porte sur l’enclume ; car il doit avoir eu l’attention de ne faire chauffer de ce même loppin qu’environ les deux tiers, afin que la partie saisie par la tenaille ait assez de solidité pour rejetter sur la partie chauffée tout l’effet des coups de ferretier qui sont diriges sur elle. Cette branche dans cet état, le forgeur quitte son ferretier & prend le refouloir, avec lequel il la refoule à son extrémité, pour commencer à en façonner l’éponge.

Il remet au feu ; & par une seconde chaude conduite comme la premiere, il ébauche au même point la seconde branche & la courbure, ou la tournure, pour me servir de l’expression du Maréchal ; après quoi lui seul façonne le dessus, le dessous, les côtés extérieurs & intérieurs des branches, en se servant au besoin de l’un & de l’autre bras de la bigorne,

pour soûtenir le fer lors des coups de ferretier qu’il adresse sur l’extérieur, ce fer étant tenu de champ sur le bras rond, quand il s’agit de former l’arrondissement de sa partie antérieure, & sur le bras quarré, quand il est question d’en contourner les branches. Il employe de même que ci-devant le refouloir.

Il seroit à souhaiter que tous les Maréchaux s’en tinssent à ces opérations, jusqu’à ce que l’inspection du pié auquel le fer sera destiné, les eût déterminés sur le juste lieu des étampures. Ce n’est qu’alors qu’ils devroient passer à la troisieme chaude, & profiter des indications qu’ils auroient tirées. Cette chaude donnée, le forgeur, à l’effet d’étamper, pose le fer à plat sur l’enclume, ce fer étant retourné de maniere que sa face inférieure est en-dessus ; il tient l’étampe de la main gauche ; il en place successivement la pointe sur tous les endroits ou il veut percer, sans oublier que l’une de ses faces doit être toûjours parallele au bord du fer ; & le compagnon ou l’apprenti frappe sur la tête de cet outil, jusqu’à ce qu’il ait pénétré proportionnément à l’épaisseur de ce même fer. L’étampure faite, le forgeur le rapproche avec son ferretier de la forme que ce dernier travail a altéré ; & après l’avoir retourné, il applique la pointe du poinçon sur les petites élévations apparentes à la face supérieure ; & frappant du ferretier sur la tête de ce poinçon, il chasse en dedans & détache par les bords la feuille à laquelle le quarré de l’étampe a réduit l’épaisseur totale du fer. Cette action avec le poinçon se nomme contre-percer. Enfin il refoule & il rétablit dans ce premier contour, avec ce même ferretier, les bords que l’étampure a forcés, & il porte l’ajusture du fer à sa perfection.

Ces trois seules chaudes seroient insuffisantes dans le cas où il s’agiroit de forger un fer à crampons, & à plus forte raison dans celui où le fer seroit plus composé. Lorsque l’ouvrier se propose de former des crampons quarrés, il a soin de refouler plus fortement les éponges, & de tenir les branches plus longues de tout ce qui doit composer le crampon. La propreté de l’ouvrage exige encore deux chaudes, une pour chaque branche. Le forgeur doit commencer à couder celle qui est chauffée avec le ferretier sur la table de l’enclume, ou sur le bras rond de la bigorne ; sur la table de l’enclume, en portant un coup de son outil sur le dessous de l’éponge à quelques lignes de distance de sa pointe, qui seule repose sur la table, tandis que le reste de la branche est soûtenu par la tenaille dans une situation oblique, ou inclinée ; sur le bras rond, en posant cette même face inférieure de façon que le bout de l’éponge déborde la largeur de ce bras, & en adressant son coup sur l’extrémité saillante. Il s’aide ensuite du bras quarré de la bigorne pour façonner les côtés du crampon.

C’est par la différente maniere dont l’ouvrier présente son fer sur les différentes parties de la bigorne, & dont il dirige ses coups, qu’il parvient à former exactement un crampon quarré, ou un crampon à oreille de lievre ou de chat : celui-ci ne differe du premier, que parce qu’il diminue à mesure qu’il approche de son extrémité, & qu’il est tellement tordu dans sa longueur & des sa naissance, qu’il présente un de ses angles dans la direction de la longueur de la branche dont il émane. Il est encore des crampons postiches, terminés supérieurement en une vis, dont la longueur n’excede pas l’épaisseur de l’éponge. Cette partie du fer est percée d’un trou taraudé, qui comme écrou reçoit cette vis. Par ce moyen le crampon est assez fermement assemblé avec le fer, & facilement mis en place quand il est utile. On l’en sépare aussi sans peine en le dévissant : mais comme l’écrou qui resteroit vuide lors-