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d’imaginer qu’il peut changer de situation à chaque instant. Des personnes expérimentées dans l’art des accouchemens, ont prétendu s’être assûrés qu’il en change en effet beaucoup plus souvent qu’on ne le croit d’ordinaire ; & c’est ce qu’on tâche de prouver par les observations suivantes. 1°. On trouve souvent le cordon ombilical tortillé & passé autour du corps & des membres de l’enfant, d’une maniere qui suppose que le fœtus a fait des mouvemens dans tous les sens, & qu’il a pris des positions successives très-différentes entr’elles. 2° Les meres sentent les mouvemens du fœtus tantôt d’un côté du ventre, & tantôt d’un autre côté ; il frappe également en plusieurs endroits différens, ce qui suppose qu’il prend des situations différentes. 3°. Comme il nage dans un liquide qui l’environne de toutes parts, il peut très-aisément se tourner, s’étendre, se plier par ses propres forces ; & il doit aussi prendre des situations différentes, suivant les différentes attitudes du corps de la mere : par exemple, lorsqu’elle est couchée, le fœtus doit être dans une autre situation que quand elle est debout.

Enfin vers le dernier mois, c’est-à-dire sur la fin du huitieme, il fait la culbute ; & pour lors sa tête se porte vers l’orifice interne de l’utérus, & sa face est tournée vers le coccyx de la mere. Dans cet état, qui est le dernier période de la grossesse, il agit sur l’orifice de l’utérus, tant par son poids que par ses mouvemens, & donne lieu à la matrice de se mettre en contraction. Cette contraction de la matrice étant jointe à celle des muscles du bas-ventre, à l’action accélérée du diaphragme, & à d’autres causes qui ne sont pas encore bien connues, occasionne la sortie de l’enfant hors de sa prison ; ou pour parler plus simplement, occasionne sa venue au monde. Il y voit à peine le jour, que l’orgueil ne cesse de lui crier qu’il est le roi de l’univers ; & ce prétendu roi de l’univers qui pese à-présent vingt à vingt-quatre livres, tiroit son origine neuf mois auparavant d’une bulle de volupté. (D. J.)

FOI, s. f. (Theol.) Pour déterminer avec quelque succès le sens de ce terme en Théologie, je ne m’arrêterai pas au diverses acceptions qu’il reçoit dans notre langue ; je me défendrai même de puiser sa signification dans les écrits de nos théologiens. Pour remonter aux sources de la doctrine chrétienne, il faut recourir aux langues dans lesquelles les Ecritures nous ont été transmises, & qu’ont parlé les apôtres & les PP. des premiers siecles de l’Église. Par la même raison, il nous seroit peu utile de recueillir dans les auteurs latins les différentes significations du mot fides, d’où nous avons fait foi. L’étymologie de credere qui vient probablement de cremento dare, & celle de fides qui dans son origine a été synonyme de fidelitas, ne peuvent pas nous éclairer sur le sens du mot foi ; parce que fides & credere, considérés comme termes théologiques, n’ont pas emprunté leur sens du latin ; ils l’ont pris immédiatement des mots grecs πίστις & πιστεύω, employés dans les Ecritures, & auxquels ils ont été substitués par la vulgate & par les écrivains ecclésiastiques : de sorte que quoique πίστις ne soit peut-être pas la racine syllabique (qu’on me permette cette expression) de credere & de fides, il est pourtant la vraie source dans laquelle ces mots ont puisé leur signification.

πίστις & πιστεύω, dont fides & credere sont la traduction, viennent, selon les lexicographes, de πείθω, persuadeo. D’après cette étymologie, πίστις, fides, foi, dans le sens le plus général, sont synonymes de persuasion ; en effet, les dispositions de l’esprit que ces mots expriment dans les usages différens qu’on en fait dans ces trois langues, renferment toûjours une persuasion.

Or cette persuasion peut avoir différens objets :

de-là des significations différentes de ces mêmes mots.

1°. Je trouve dans les écritures les mots πίστις & πιστεύω exprimant une disposition d’esprit qui a particulierement Dieu pour objet, c’est-à-dire une persuasion de son pouvoir, de sa bonté & de sa véracité dans ses promesses : credidit Abraham Deo & reputatum est ei ad justitiam. Gen. xv. 6. Qui credit in Domino misericordiam diligit. Prov. xjv.

Dans ces exemples on voit bien que foi est synonyme de confiance.

On verra par la suite de cet article, les rapports que cet emploi des mots foi & croire peuvent avoir avec les sens qu’on leur donne en Théologie : mais on peut concevoir dès-à-présent que ces mots, pour y prendre l’énergie qu’on leur donne, se sont un peu écartés de cette signification ; & c’est l’idée de persuasion commune aux différens emplois qu’on en fait, qui a facilité le passage de cette acception à plusieurs autres.

2°. Ces mêmes mots sont employés dans le nouveau Testament, relativement à Jesus-Christ : creditis in Deum, dit Jesus-Christ à ses disciples, & in me credite. Joan. xjv. 1. His qui credunt in nomine ejus. Ibid. j. 12. Dicebat ergo ad eos, qui crediderunt ei, Judæos. viij. 31. Mais dans cet usage leur signification varie en plusieurs manieres. Suivons ces gradations, ces altérations successives.

Je trouve que ces mots foi & croire sont employés relativement à la personne de Jesus-Christ, pour signifier 1°. la disposition d’esprit des malades qui s’approchoient de lui pour obtenir leur guérison, & celle des apôtres & des disciples dans les premiers momens qu’ils s’attachoient à lui ; celle des Gentils ou des Juifs qui se convertissoient après une simple prédication fort courte & fort sommaire, &c. 2°. Celle des apôtres & des disciples de J. C. après qu’ils avoient entendu pendant quelque tems ses instructions ; & celle des premiers chrétiens, déjà instruits en partie des mysteres du royaume de Dieu. 3°. La foi des mêmes apôtres vers les derniers tems des prédications de Jesus-Christ, lorsqu’il leur disoit, jam non dicam vos servos, sed amicos, quia quæcumque audivi à patre meo nota feci vobis, après la résurrection, & après qu’ils eurent été éclairés de l’esprit de Dieu, le jour de la Pentecôte ; & celle des chrétiens instruits à fond par les apôtres, & dont il est dit qu’ils étoient perseverantes in doctrinâ apostolorum.

On se convaincra de la nécessité de distinguer ces différentes époques dans la signification du mot foi, par les réflexions suivantes.

Quand il est dit des apôtres instruits depuis quelque tems à l’école de Jesus-Christ, & des malades qui s’approchoient de lui pour la premiere fois, que les uns & les autres croyoient en lui, assûrément cette expression a un sens plus étendu dans le premier cas que dans le second. La foi en géneral doit être proportionnée au degré d’instructions reçûes. Les apôtres sont ici supposés instruits déjà par Jesus-Christ, & ces malades dont nous parlons ne le connoissent encore que sur le bruit de sa réputation ; ils ne connoissent pas sa doctrine ; ils ne peuvent donc pas avoir la même foi que les apôtres instruits déjà par Jesus-Christ. Ceux-ci avoient sans doute la foi de la doctrine & de la morale que Jesus-Christ leur enseignoit, & les autres n’en avoient pas même d’idée.

On peut dire la même chose de ces hommes que les apôtres convertissoient, dans les premiers momens de leur conversion. Ces trois mille hommes (au ij. chap. des actes) & ces cinq mille (au jv.), que les discours de S. Pierre engagerent à se faire baptiser, regardoient bien Jesus-Christ comme le Messie, &