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bouche, si on ne peut avaler sans respirer ? Voyez Déglutition.

Quelque bien disposées que soient d’ailleurs les parties du fœtus, & quoique quelques-unes paroissent déjà sur la voie des fonctions qu’elles doivent exercer, quelque petit que soit l’exercice qu’elles en font ; il en est d’autres qui sont simplement préposées à ces fonctions sans les avoir en aucune façon exercées ; c’est ainsi que l’enfant ne lâche point les eaux ni les excrémens qu’il n’ait respiré ; mais une fois qu’il est exposé à l’air, dont le poids est sans comparaison plus grand que celui de la liqueur dans laquelle il nage, tout son corps se dilate, sa poitrine s’éleve, l’air enfile la route des poumons, l’irritation qu’il cause & la vîtesse avec laquelle il entre & resort, font crier & éternuer l’enfant ; les secousses du diaphragme pressent pendant ce tems les visceres du bas-ventre, les excrémens sont par ce moyen chassés des intestins, & l’urine de la vessie. La nature même a pris tant de précaution pour certains organes délicats & sensibles, qu’elle les a garnis d’une espece de membrane particuliere, comme l’œil & l’oreille, qui non-seulement peut être de quelqu’usage au fœtus dans le sein de la mere, mais encore sert à préserver ces parties des trop vives impressions de l’air lorsque le fœtus vient à y paroître. Voyez Œil & Oreille.

Dans quel détail ne nous entraîneroient pas les remarques que nous aurions à faire sur l’état dans lequel se trouvent les différentes parties de l’enfant à la sortie du sein de sa mere, sur la souplesse & les différentes portions de ses os, qui sont celles qui deviendroient plus intéressantes par rapport à la maniere dont on embéguine & on emmaillote les enfans ; sur la disposition des autres parties qui exigeroient des soins particuliers pour veiller à ce que le développement en fût le plus parfait qu’il est possible, ou au moins qu’on ne s’opposât point à celui que la nature leur prépare, si on ne cherche à l’aider dans ses vûes ; tous détails qui deviendroient assez intéressans pour être la matiere d’un traité particulier.

Quelles autres discussions ne demanderoient pas l’examen des signes qui sont connoître si le fœtus n’est point mort dans le sein de sa mere ? s’il y a respiré ? s’il est possible qu’il y vive après la mort de sa mere, & comment cela peut arriver ? & une infinité d’autres questions aussi utiles que curieuses, & que nous ne pouvons ni ne devons même approfondir ici, faute de pouvoir les résoudre. (L)

On pourroit résoudre plusieurs autres questions qu’on fait sur le fœtus, lorsqu’il est dans le sein de sa mere, si les sens nous accordoient leur secours, pour suivre son développement depuis son origine jusqu’à son terme ; mais la vûe de tels mysteres nous est interdite : bornés aux connoissances grossieres qui sautent aux yeux, nous savons seulement que le fœtus dans ses commencemens, & même dans les derniers tems, differe à plusieurs égards du nouveau-né & de l’adulte. Indiquons donc ici les principales différences qui s’y rencontrent, avant ou peu après l’accouchement.

D’abord par rapport aux parties molles, on observe que les arteres & les veines ombilicales du fœtus, de même que le canal veineux du foie, sont des canaux creux qui deviennent solides dans les adultes. De plus il y a pour l’ordinaire dans l’estomac du fœtus, une humeur glaireuse, de couleur blanchâtre, de même que dans les intestins grêles ; tandis que les gros intestins sont presque toûjours remplis d’une humeur noire & visqueuse, appellée meconium, qui est plus épaisse que la liqueur de l’estomac & des intestins grêles. Le foie du fœtus est plus gros à proportion que dans l’adulte, de même que l’appendice du

cœcum. On comprend aisément que cette grosseur du foie dans le fœtus, provient de ce que le diaphragme étant immobile, il ne peut comprimer le foie ; au lieu que quand l’air a fait entrer cette cloison musculeuse en jeu, le foie se trouve comprimé, & pour lors le sang ne peut plus gonfler ce viscere comme il faisoit auparavant. Les capsules atrabilaires y sont d’un volume presqu’égal à celui des reins, dont la surface est semblable à celle des reins du veau. Enfin la vessie semble un peu plus alongée, en se portant vers le nombril.

A l’égard de la poitrine, on y remarque que la glande thymus est fort grosse, par la raison que le poumon affaissé laisse un plus grand espace pour cette partie. On remarque encore que le canal artériel conserve sa cavité ; que le trou ovale est ouvert ; que les poumons, examinés avant que le fœtus ait respiré, sont d’une couleur noirâtre ; & que leur substance, au lieu d’être spongieuse comme elle l’est dans l’adulte, se trouve très-compacte ; de sorte qu’un morceau jetté dans l’eau, ne manque point d’aller au fond. Un peu de teinture de Physiologie explique tous ces faits.

Pour ce qui concerne les parties dures, le volume de la tête en géneral paroît ordinairement plus considérable à proportion dans le fœtus, que dans le nouveau-né & dans l’adulte ; les os du crâne sont éloignés, sur-tout dans l’endroit qu’on nomme la fontanelle, & ceux qui n’ont pas encore de suture. Les dents sont imparfaites, & cachées sous les gencives. Le conduit auditif n’est point encore parfait, & est fermé par une membrane continue à l’épiderme ; membrane qui disparoît ensuite après l’accouchement. Les os de tout le corps sont fort mous ; plusieurs sont cartilagineux, & les articulations sont aussi très-imparfaites.

Quoique l’anatomie du fœtus nous manque encore dans tous ses degrés d’accroissement, il y a néanmoins deux remarques importantes qu’il ne faut pas négliger de faire sur son squelette, en attendant qu’on donne quelqu’ouvrage complet sur cette matiere. La premiere remarque, c’est que les os qui ont part à la composition des organes des sens, ou qui sont destiné, à leur conservation, sont les premiers perfectionnés dans le fœtus ; tels sont ceux qui forment les orbites, les lames osseuses & spongieuses de l’os ethmoïde, & les osselets des oreilles. La seconde remarque utile, c’est que presque tous les os du fœtus se trouvent composés de plusieurs pieces, ce qui contribue beaucoup à faciliter sa sortie de l’utérus au tems de l’accouchement.

Quelque différente, & peut-être quelqu’incertaine que soit la situation du fœtus dans la matrice, cependant plusieurs auteurs croient que dans les premiers tems, cette situation est telle, que toutes les parties de son corps sont pliées, & que toutes ensemble elles forment une figure ronde, à-peû-près comme une boule, pour s’accommoder à la cavité de la matrice, de même que tous les membres d’un poulet se trouvent pliés pour répondre à la cavité de l’œuf qui le renferme ; que dans cette situation, dis-je, la tête est panchée en-devant, l’épine du dos courbée en-dedans, les cuisses & les jambes pliées, ensorte que ses talons s’approchent des fesses, & les bouts de ses piés sont tournés en-dedans, ses bras fléchis, & ses mains près des genoux. Il a pour lors l’épine du dos tournée vers celle de la mere, la tête en-haut, la face en-devant, & les piés en-bas ; & à mesure qu’il vient à croître & à grandir, il étend peu-à-peu ses membres.

Il prend ensuite des situations différentes de celles-ci ; lorsqu’il est prêt à sortir de la matrice, & même long-tems auparavant, il a ordinairement la tête en-bas & la face tournée en-arriere, & il est naturel