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tions qui pourroient naître, &c. Nos théologiens ont établi tous ces principes. Voy. Ecriture, Eglise, Infaillibilité. Au reste on ne doit regarder ce que j’ai dit sur l’analyse de la foi, que comme une méthode que je propose, & non comme une assertion.

De l’objet de la foi. Nous avons parlé plus haut de l’objet de la foi d’une maniere assez générale en prenant la foi pour la persuasion de toutes les vérités qui appartiennent à la religion chrétienne. Nous en avons distingué de quatre especes. Mais c’est particulierement à la persuasion des vérités du quatrieme ordre que les Théologiens donnent le nom de foi, ou pour mieux dire, c’est à cette persuasion que convient ce qu’ils disent de l’objet de la foi, de sa certitude, de son obscurité, &c. c’est pourquoi dans la suite de cet article nous prendrons ordinairement le mot foi pour la persuasion des vérités de ce quatrieme ordre.

Ces vérités ont deux qualités ; elles sont contenues dans la révélation, & l’Eglise les propose aux fideles comme contenues dans la révélation & comme l’objet d’une persuasion que Dieu exige : de-là deux questions dont la solution renfermera à-peu-près tout ce que les Théologiens disent d’important sur l’objet de la foi.

Premiere question. De quelle maniere un dogme doit-il être contenu dans la révélation pour être actuellement l’objet de notre foi, & pour être au nombre des vérités du quatrieme ordre, car nous ne parlons plus des autres ?

Seconde question. De quelle maniere un dogme doit-il être contenu dans la révélation pour devenir l’objet d’une persuasion que Dieu exige de nous par une nouvelle définition de l’Eglise ?

Pour répondre à la premiere question, je remarque d’abord qu’un dogme quelconque pour être l’objet de la foi, doit être contenu dans la révélation certainement, & que cette certitude doit exclure toute espece de doute, la raison en est sensible ; c’est que la foi qu’on en auroit ne pourroit pas exclure tout doute si la certitude qu’on doit avoir qu’il est révélé n’étoit pas elle même absolue & parfaite en son genre. Le défaut de ce haut degré de certitude qui constate la réalité de la révélation, exclut du nombre des objets de la foi un grand nombre de conséquences théologiques qui ne sont pas évidemment liées avec les propositions révélées dont on s’efforce de les déduire. Car suivant la remarque du judicieux Holden de resolutione fidei, lib. II. cap. ij. « Plusieurs théologiens en combattant les hérétiques avec plus de zele que de discernement, soûtiennent des conséquences incertaines & même des opinions agitées dans les écoles de Philosophie comme nécessairement liées avec la foi & la religion chrétienne ».

Il faut encore distinguer plusieurs sortes de propositions contenues dans les sources de la révélation ; les premieres y sont contenues expressément, c’est-à-dire ou en autant de termes ou en termes équivalens ; les secondes comme la conséquence de deux propositions révélées & disposées dans la for me du syllogisme ; les troisiemes comme déduites de deux propositions, dont l’une est révélée & l’autre connue par la lumiere naturelle, mais parfaitement évidente. Les dernieres enfin comme déduites de deux propositions, dont l’une est révélée & l’autre connue par la lumiere de la raison, mais de telle maniere que cette derniere prémisse ne soit pas au-dessus de toute espece de doute.

Un dogme contenu dans la révélation en autant de termes ou en termes équivalens, ou comme une proposition particuliere dans une proposition universelle, est un objet de foi indépendamment d’une nouvelle définition. Sur un dogme de cette nature,

il existe toûjours une décision de l’Eglise qui lui assûre la qualité de révélé. Tous les Théologiens conviennent de ce principe.

Cela est vrai aussi des dogmes contenus dans la révélation comme conséquence de deux propositions révélées ; quelques auteurs prétendent cependant que ces dogmes ne peuvent être regardes comme de foi, qu’en vertu d’une nouvelle définition ; parce que, disent-ils, sans cette définition la liaison de la conséquence avec les premisses n’étant que l’objet de la raison, objet sur lequel cette faculté peut se tromper, la conséquence qui suppose cette liaison ne sauroit appartenir à la foi : mais cette opinion est insoûtenable ; une conséquence de cette nature est très-certainement contenue dans la révélation par l’hypothèse, puisqu’elle suit évidemment de deux prémisses révélées ; la définition de l’Eglise qui assûre aux prémisses la qualité de révélées, de contenues dans la révélation, s’étend nécessairement à la conséquence elle-même. Le motif de l’assentiment qu’on y donne est la révélation ; cette conséquence a donc indépendamment d’une nouvelle définition de l’Eglise toutes les qualités essentielles à un dogme de foi appartenant à la quatrieme classe des vérités que nous avons distinguées. Il faut donc convenir qu’elle est de foi.

Je vas plus avant, & je dis que les propositions de la troisieme espece sont encore de foi indépendamment d’une nouvelle définition de l’Eglise, & précisément en vertu de l’ancienne. Je m’écarte en ceci de l’opinion commune ; mais voici mes raisons.

La premiere est que les conséquences de deux propositions, dont l’une est révélée, & l’autre absolument certaine & évidente, sont tout comme les propositions de la seconde espece très-certainement contenues dans la révélation, connues comme telles par l’ancienne définition de l’Eglise, qui en déclarant le principe révélé, a déclaré en même tems révélée la conséquence évidemment contenue dans ce principe, & enfin crues par le motif de la révélation.

En second lieu, lorsqu’une des prémisses est évidente, l’identité de la conséquence avec le principe révélé est évidente aussi ; & cela posé, on ne peut pas plus douter de la conséquence que du principe. Une conséquence de cette nature n’ajoûte rien à la révélation ; on ne peut donc pas se dispenser de la regarder comme révélée.

Ce n’est que lorsque la prémisse de raison est susceptible de quelque incertitude, qu’on peut douter si la conséquence est identique avec la proposition révélée ; aussi n’est-ce qu’alors que la conséquence n’est pas de foi, & il n’y a point d’inconvénient à ce que l’assentiment qu’exige la foi dépende ainsi de la vérité de cette prémisse de raison, comme on pourroit se l’imaginer faussement. Il n’y a point de proposition de foi dont la vérité ne dépende d’un grand nombre de vérités naturelles aussi essentiellement que la vérité de la conséquence dont nous parlons peut dépendre de la prémisse de raison. Mais malgré cette dépendance, l’assentiment qu’on donne à la conclusion a toûjours pour motif unique la révélation, & la prémisse naturelle n’est jamais que le moyen par lequel on connoît que la conséquence est liée avec la prémisse révélée, & non pas le motif de croire cette même conséquence. C’est ce que les Théologiens savent bien dire en d’autres occasions.

Au reste, je ne regarde ici le raisonnement comme formé de trois propositions, que pour me conformer au langage de l’école ; car si je voulois le rappeller à sa forme naturelle qui est l’entymême, je pourrois tirer beaucoup d’avantage de cette maniere de l’envisager.

Une troisieme raison, est qu’une conséquence de cette espece participe de l’obscurité qui caractérise