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d’un endroit, qu’on regle les différens degrés du feu. Voyez ce qu’on en a dit à l’article Feu.

Les Chimistes se sont un peu plus donné de peine pour regler les degrés du feu, que pour la construction des fourneaux ; & cependant l’un & l’autre devoient aller ensemble.

Les anciens avoient distingué quatre degrés de feu ; le premier étoit le bain de vapeur, le second l’eau bouillante, le troisieme la rougeur des métaux, & le quatrieme la fusion. Ils avoient fait encore une autre gradation, dont les distances étoient moindres : le premier degré étoit le bain de vapeur, le second l’eau bouillante, le troisieme le bain de cendres, le quatrieme le bain de sable, le cinquieme le bain de limaille, &c. Nous nous contentons de les exposer pour en montrer l’insuffisance.

Ils avoient encore distingué les premiers degrés de feu par le tact ; mais cette méthode étoit extrèmement incommode, & n’alloit pas bien loin ; d’ailleurs on sait en Physique qu’elle est très-incertaine.

Vanhelmont compte quatorze degrés du feu d’après l’intensité qu’il doit avoir dans son application, & l’augmentation exacte de cette intensité.

Le degré des bains de vapeur & marie sont les mêmes, & approchent beaucoup, selon la remarque de Czwelfer, de celui de l’eau bouillante, qui est le seul constant ; ainsi il ne faut pas les donner dans toute leur étendue, si on veut qu’ils approchent, par exemple, de la chaleur animale.

Le bain de vapeur s’appelle encore bain de rosée ; & le bain-marie a d’abord été nommé bain d’immersie ou de mer ; &, par une corruption introduite par Basile Valentin, bain-marie, en l’honneur de la Vierge.

Les cendres, qui doivent être criblées, donnent un degré presque aussi fort que celui du sable, & s’échauffent plus lentement : mais comme il seroit à craindre qu’elles ne fissent casser le vaisseau en conséquence de l’humidité que prend leur sel, il les faut dessaler avant. Elles ne retiennent pas non plus la chaleur si long-tems que le sable, &c. par cette même raison qu’elles sont plus rares.

On peut donner le même degré de chaleur à une cornue au bain sec, comme nous l’avons vû en parlant du fourneau de Beccher, & peut-être plus fort qu’au bain de sable ou de limaille, par la raison que les particules ignées ne se dissipent point en l’air.

Il faut que le sable soit pur & criblé ; s’il étoit mêlé de grosses pierres, il s’échaufferoit inégalement & casseroit les vaisseaux. Il doit aussi être sec ; s’il étoit mouillé, il casseroit encore les vaisseaux, ou, s’il avoit le tems de se sécher, il formeroit des pelotes qui reviendroient au même que les pierres ; & ainsi de la limaille & des cendres dans le même cas. Il faut que la capsule de ces bains soit couverte d’une autre pour éviter le contact de l’air froid.

D’autres ont évalué les degrés de feu par les différentes ouvertures des regîtres ; d’autres au moyen du thermometre de mercure divisé en degrés très-petits, comme on peut le voir par la chimie de Boerhaave. Cette méthode est assez exacte, & seroit préférable à toutes les autres ; mais l’application de cet instrument est quelquefois très-difficile, d’autres fois tout-à-fait impossible ; car on peut à peine aller jusqu’au mercure bouillant ; d’ailleurs on est sujet à en casser une prodigieuse quantité. Nous croyons cependant qu’on en peut faire usage, & que cet usage peut avoir son utilité dans les travaux qui ne demandent qu’un leger degré de chaleur. Vogel, d’après Boerhaave, divise le feu en cinq degrés : le premier est celui de la chaleur animale, & il s’étend depuis le trente-quatrieme jusqu’au quatre-vingt-quatorzieme degré du thermometre de Farhenheit ; le second depuis le quatre-vingt-quatorzieme jus-

qu’au deux-cents-douzieme degré de l’ébullition ; le troisieme depuis le deux-cents. douzieme jusqu’au six centieme, & c’est celui de la combustion, & qui rend les vaisseaux d’un rouge obscur ; le quatrieme degré depuis le six-centieme jusqu’à la fonte du fer ; & le cinquieme celui des miroirs catoptriques & dioptriques. Telle est la preuve que nous avions à donner des difficultés de trouver les degrés du feu.

On peut voir dans la physique soûterreine de Beccher, page 500. l’application des thermometres aux fourneaux.

Mais puisque les thermometres ne peuvent aller que jusqu’à un certain point, & que la plûpart des chimistes veulent avoir une connoissance des degrés du feu qui ne me paroît pas fort importante ; car le degré de feu nécessaire à fondre de l’or, est celui où ce métal se fond : ne pourroit-on pas mettre en œuvre la dilatation de certains corps solides, du fer, du cuivre, par exemple ? On en feroit passer une barre à-travers un fourneau, & on pourroit mesurer sa raréfaction ou son alongement, comme on le fait en Physique, au moyen d’une machine graduée ; & dans les cas où l’on passeroit la fusion du fer, ne pourroit-on pas avoir recours à un cylindre de pierre apyre ? Il est vrai que je propose ici des machines embarrassantes, & peut-être même impraticables ; j’invite les savans à nous donner quelque chose de plus satisfaisant.

On ne connoît point encore les bornes du feu produit par les miroirs ardens, à cause de la difficulté de s’en servir. Voyez les Mém. de l’acad. des Sciences, les élém. de chim. de Boerhaave, page 121. & l’article Lentille de Tschirnaus. Avant M. Pott, on ne savoit pas que le feu ordinaire s’étendît au-delà de celui des fourneaux de verrerie ordinaires. Voyez ce que nous avons dit à la fin des fourneaux de fusion. On peut toutefois établir cette gradation entre les feux les plus violens, en commençant 1°. par le fourneau de M. Pott, au dessus duquel sont encore les feux ; 2°. la lentille de Tschirnaus, connue sous le nom de lentille du palais royal ; 3°. le miroir de Vilette, ou concave du jardin du Roi ; & enfin 4°. celui du Briquet, qui est le plus vif de tous, puisqu’il scorifie le fer dans un instant presque indivisible.

Nous avons dit qu’il étoit difficile de conserver un thermometre de mercure en l’introduisant dans un fourneau ; car il ne peut pas toûjours l’être dans le vaisseau, quoique cela fût mieux, & qu’on risquât qu’il ne s’y rompît. Nous avons aussi laissé penser que les progrès d’une opération étoient le meilleur thermometre sur lequel un artiste exercé pouvoit se régler. Mais dans le cas où il seroit possible d’employer cet instrument, ne pourroit-il pas se faire que la même opération précisément demandât un degré de feu différent, parce qu’elle se feroit dans un fourneau & un vaisseau plus ou moins épais, ou avec une quantité de matiere différente ? Au reste, la connoissance de ces degrés de feu, n’est qu’une curiosité de plus, & n’est pas d’une grande utilité.

De l’aliment du feu. Les différentes matieres combustibles avec lesquelles on entretient le feu dans les fourneaux ont été mentionnées à l’article Feu. Cet élément est le principal instrument des Chimistes, comme il l’est de la nature ; ils ne font rien que par le feu ; aussi ont-ils pris le titre vrai & sublime de philosophes par le feu. Les Romains avoient fait une divinité de certains fours. Voyez les fastes d’Ovide. Si les Chimistes eussent été moins philosophes, ils auroient peut-être fait le même honneur à leurs fourneaux ; mais ils les ont imités à bien plus juste titre en déïfiant le feu, leur agent universel. Le feu s’entretient dans les fourneaux, non-seulement de la pâture qu’on lui donne, mais encore de ce que l’air