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planches ou les bordures soient un peu plus enfoncées que les allées ou que les sentiers, pour y retenir les eaux de pluie & des arrosemens.

Si on en plante dans des terres grasses & presque fraîches, comme la grande humidité pourrit les piés, on les éloigne communément de dix à douze pouces ; & on en met deux à trois piés dans chaque trou, que l’on fait avec un plantoir.

Le tems de les planter est au commencement de Juin, c’est-à-dire avant les sécheresses ; on en plante néanmoins tout l’été dans les tems pluvieux. Il est important d’en faire des pépinieres dans quelque endroit exposé au nord, pour éviter les grandes chaleurs d’été : on les plante pour lors à trois ou quatre pouces l’un de l’autre. Lorsque ces piés sont fortifiés, on les replante dans le mois de Septembre, pour en faire des planches ou des quarrés, selon le besoin qu’on en peut avoir.

La principale culture des fraisiers consiste en premier lieu à les arroser fréquemment dans la sécheresse : on laisse en second lieu quelques montans des plus forts à chaque pié ; en troisieme lieu, on ne laisse sur chaque montant que trois ou quatre fraises, qui sont les premieres venues, & les plus près du pié. On pince toutes les autres fleurs de la queue des branches qui ont déjà fleuri, ou qui sont encore en fleurs ; car Rarement on voit noüer & venir à bien toutes ces dernieres fleurs : il n’y a que les premieres qui réussissent ; & quand on est soigneux de bien pincer, on est assûré d’avoir de belles fraises.

Les fraisiers font fort bien l’année suivante qu’ils ont été plantés, si c’est au mois de Mai qu’on les a plantés, mais médiocrement, s’ils n’ont été plantés qu’au mois de Septembre.

On doit renouveller les fraisiers au plus tard tous les 5 ans ; leur couper tous les ans la vieille fane, quand les fraises sont finies ; ce qui arrive vers la fin de Juillet. Les premieres mûrissent au commencement de Juin ; ce sont celles dont les piés ont été plantes le long d’une muraille au midi & au levant ; & les dernieres mûres sont celles dont les piés sont au nord.

Lorsque les fraisiers font leurs traînasses, il les faut soigneusement châtrer, & n’y laisser que celles qu’on destine pour avoir du plant. On fera tous les ans de nouvelles planches, & on détruira celles qui ont plus de quatre ans, parce qu’après ce tems, les fraises commencent à décheoir de leur bonté & de leur grosseur. On fumera ces planches de petit fumier un peu avant les gelées, afin de les améliorer, coupant toutes les feuilles, comme on le pratique à l’égard de l’oseille. Par rapport à la terre que les fraisiers desirent, le sablon leur est meilleur que la terre forte : on choisit pour cet effet la partie du jardin la plus sablonneuse pour les y planter. Si on veut avoir des fraises dans l’automne, on n’a qu’à couper toutes les premieres fleurs qui pousseront, & les empêcher de fructifier ; elles reproduiront d’autres fleurs, qui donneront des fruits dans l’arriere-saison.

Les ennemis du plant du fraisier sont les taons, qui pendant les mois de Mai & de Juin mangent le col de la racine entre deux terres, & font ainsi périr la plante : on doit donc alors parcourir tous les jours ses fraisiers, & fouiller au pié de ceux qui commencent à se faner ; d’ordinaire on y trouve le gros ver, qui après avoir causé ce premier mal, passe, si on n’a soin de le détruire, à d’autres fraisiers, & les fait pareillement mourir.

Les Anglois, qui ont poussé plus loin que les autres peuples la culture du fraisier, sont non-seulement très-attentifs à détruire la vermine qui peut endommager cette plante, mais encore à choisir l’exposition la plus favorable ; à arracher perpétuellement toutes les mauvaises herbes ; à bêcher le terrein ; à l’arroser abondamment ; à former chaque année de nouveaux plants

avant que de détruire les anciens ; à les espacer à une distance convenable, & à laisser un sentier de deux piés de large entre les plates-bandes, pour y marcher commodément & cueillir le fruit. Ils prennent du fumier de cheval & autant de cendres de choux, qu’ils mêlent & incorporent bien ensemble ; ils en répandent sur leur terre préparée & nivellée, une quantité suffisante pour être enfouie & retournée au mois de Février ; ensuite ils forment des plates-bandes de trois piés & demi de large, & y plantent les especes de fraisiers qu’ils jugent à-propos, à dix, quinze, & vingt pouces de distance les uns des autres, suivant la grosseur de l’espece de fraises qu’ils veulent avoir. Comme les fraisiers ne donnent du fruit que la seconde année dans cette même terre, ils sement la premiere année une récolte de féves ; & dans ces mêmes carreaux, ils plantent encore de six en six piés des rosiers, des groseillers blancs & rouges, des églantiers odorans, qui, indépendamment de l’ombre qu’ils donnent aux fraises, sont d’un bon rapport.

Une piece de terre plantée en fraises, qu’on nomme écarlatte (virginian strawberg), se conserve pendant cinq ou six ans ; & ils renouvellent les haut-boys (the haut-boy strawberry), & les fraises de bois, (commonwood strawberry), tous les trois ans: ils renouvellent encore, comme nous, leur plant des nouveaux fraisiers, qu’ils vont chercher dans les forêts ; car ceux des jardins dégénerent. Voyez Bradley & Miller, si vous desirez de plus grands détails.

La fraise est un petit fruit rouge ou blanc ; il ressemble au bout des mammelles des nourrices ; c’est le plus hâtif, & un des plus délicieux fruits du printems : on connoît qu’il est mûr & bon à manger, quand il quitte la queue sans peine. Il y en a de plusieurs especes, soit rouges soit blanches ; mais la plus petite & la meilleure pour le parfum, est la fraise de bois ou de montagnes. On cultive la fraise du Chily, fragaria chiliensis, par curiosité : la fraise écarlate de Virginie, fragaria virginiana fructu coccineo, est recherchée pour sa bonté ; & la fraise haut boy des Anglois, fragaria, fructu parvi pruni magnitudine, C. B. est estimée pour la grosseur de son fruit. Voyez Fraisier, (Mat. med.) (D. J.)

Fraisier, & Fraise, (Mat. med. Pharmac. & Diete.) Le suc des feuilles de fraisier rougit très-foiblement le papier bleu ; mais celui des racines donne une couleur rouge plus foncée à ce même papier. Les feuilles & les racines de cette plante paroissent contenir un sel essentiel tartareux, nitreux, mêlé de soufre & de terre astringente ; ce qui leur donne une saveur legerement stiptique. Le fruit contient un sel alumineux, dégénéré en sel tartareux aigrelet, accompagné d’un peu d’huile mucilagineuse & vineuse.

On se sert principalement des racines de fraisier, pour les usages médicinaux ; elles sont diurétiques & apéritives, & on les fait souvent entrer dans les tisannes, les décoctions, & les boissons qu’on donne aux personnes attaquées d’obstructions ou de jaunisse.

M. Geoffroy remarque que si on boit long-tems & en grande quantité de la racine de fraisier & d’oseille, les excrémens se colorent en rouge ; de sorte qu’on croiroit d’abord que le malade est attaqué d’un flux hépatique ; mais il suffit, ajoûte-t-il, de changer cette boisson, pour que les excrémens reprennent leur couleur naturelle.

Nobelius, misc. nat. curios. dec. iij. ann. 3. obs. 81. attribue aux feuilles & aux racines de fraisier une grande vertu vulnéraire ; ce qu’il prouve par quelques observations d’ulceres des piés, des jambes, & des cuisses, qui ont été guéris, & des tumeurs qui ont été résoutes par la seule application des feuilles de fraisier pilées.