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La fraise plate a un bout rond, plat, & plus gros que le reste ; ce bout est cannelé, & sert aux Arquebusiers de la même maniere que la fraise pointue pour faire un trou plat où l’on puisse placer la tête d’une vis plate, & empêcher qu’elle n’excede sur la piece.

La fraise pointue est un petit foret quarré, long de deux à trois pouc. dont un des bouts représente une fraise pointue & cannelée sur toute sa longueur ; les Arquebusiers s’en servent pour aggrandir un trou dans une piece de fer, & le faire plus large d’un côté que de l’autre ; l’on s’en sert comme des forets en la posant dans la boîte & la tournant de même.

La fraise à roder, est une espece de clou de la longueur du pouce, dont la queue est ronde, unie, & un peu forte ; la tête un peu plus large, ronde, épaisse, & un peu mâchée en-dedans comme une lime. Les Arquebusiers s’en servent pour unir en-dessus l’œil où doit être placé une vis, pour que la tête porte bien à-plomb. Ils font passer la queue de cette fraise dans l’œil, de façon que le côté mâché de la tête porte dessus la face de cet œil. Ensuite ils mettent la queue de cette fraise dans l’étau à main, & tournent à droite & à gauche pour faire mordre la fraise sur le fer qu’ils veulent roder & unir.

Fraise, (Horlogerie.) espece de foret dont les Horlogers & d’autres artistes se servent pour faire des creusures propres à noyer les têtes des vis, & pour d’autres usages. Il y en a dont (fig. 49. & 50. Pl. XIV. de l’Horlogerie) la meche est ou quarrée ou triangulaire, ou ronde ; d’autres sont des especes de limes (fig. 41.) fixées à l’extrémité d’un arbre. Celles-ci servent pour dresser le fond d’une creusure, d’un barillet, ou d’une roue de champ. On se sert des fraises de la même maniere que des forets. Voyez Foret.

Les Horlogers appellent encore fraise, une espece de rochet (fig. 40. de la même Planche) monté sur un arbre ; cet outil sert à faire au bas de la fusée la creusure destinée à recevoir le rochet de la chaîne. Tous ces outils se meuvent par le moyen de l’archet, dont la corde fait un tour sur le cairrot.

On appelle encore fraise une petite plaque d’acier fort mince, circulaire, trempée fort dur, & taillée sur sa circonférence ; elle sert pour fendre les roues. Voyez Machine à Fendre. (T)

Fraise, en terme de marchand de Modes, est un tour-de-col, à deux ou trois rangs de ruban, ou de blonde froncée. Voyez Froncer. Ces sortes de colliers s’attachent par-derriere avec un nœud de ruban, & sont garnis par-devant le plus souvent d’un nœud à quatre. Voyez Nœud à quatre.

Fraise, (Venerie.) c’est la forme des meules & des pierrieres de la tête du cerf & du chevreuil, qui est le plus proche de la tête, que nous appellons massacre.

* FRAISER, v. act. ce verbe n’a pas toutes les acceptions du mot fraise, & il en a quelques-unes que le mot fraise n’a pas. On dit à la vérité fraiser les dehors d’une place, fraiser des manchettes, fraiser un trou dans un corps de fer ; mais on dit encore chez les Pâtissiers fraiser de la pâte, pour la manier beaucoup, en la pétrissant sur elle-même ; & fraiser une feve légumineuse, pour lui ôter sa peau, ou robbe.

Fraiser un Bataillon, (Art milit.) c’étoit autrefois l’entourer de piquiers qui empêchoient la cavalerie de le forcer. A-présent c’est faire mettre la bayonnette au bout du fusil aux soldats qui le composent, & principalement aux rangs qui en forment la circonference, ou qui le terminent.

La colonne de M. le chevalier de Folard doit être fraisée de fusiliers & de piquiers. Mais ses piquiers au lieu d’une pique de 15 piés de longueur, doivent avoir des especes de pertuisannes de 11 piés.

« On ne regarde pas fixement, dit cet auteur, un corps de troupes fraisé de ces sortes d’armes, jointes aux hallebardes, aux espontons, & aux bayonnettes au bout du fusil, particulierement contre une nation comme la françoise, dont l’ardeur & l’abord est des plus redoutables. Traité de la colonne ». (Q)

FRAISIER, s. m. fragaria, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleurs en rose, composées de plusieurs pétales disposés en rond. Le calice est découpé ; il en sort un pistil qui devient dans la suite un fruit presque rond ou ovoïde, & pointu par le bout. Il y a plusieurs semences adhérentes à un placenta qui est charnu dans quelques especes, & sec dans d’autres. Ajoûtez aux caracteres de ce genre, que les feuilles sont portées trois-à-trois à l’extrémité d’un pedicule. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Boerhaave compte six especes de fraisiers fertiles ; mais il nous suffira de décrire la plus commune, le fragaria vulgaris, C. B. Pin. 326.

Sa racine est vivace, roussâtre, fibreuse, chevelue, d’une saveur astringente ; elle pousse des pédicules longs d’une palme, grêles, velus, branchus à leurs sommets, & qui portent des fleurs ; elle jette aussi des queues de même longueur & de même figure, qui soûtiennent des feuilles ; elle pousse encore des jets traçans & rampans sur terre, noüeux, donnant de chaque nœud des feuilles & des racines, par lesquelles cette plante se multiplie. Ses feuilles, au nombre de trois sur une queue, sont oblongues, larges, semblables à celles de l’argentine : veinées, velues, dentelées à leur bord, vertes en-dessus, blanchâtres en-dessous. Ses fleurs, au nombre de quatre ou cinq sur un même pédicule, sont en rose à cinq pétales blancs placés en rond ; elles ont beaucoup d’étamines courtes, garnies de sommets jaunâtres, & un pistil sphérique, porté sur un calice découpé en dix parties ; le pistil se change en un fruit ovoïde, bon à manger, charnu, mou, rouge quand il est mûr, quelquefois blanc, rempli d’un suc doux, vineux, odorant, chargé de quantité de petites graines entassées les unes sur les autres.

Cette plante fleurit en Mai, & donne son fruit mûr au mois de Juin. Elle vient naturellement dans les forêts & à l’ombre ; on la cultive dans les jardins où elle profite davantage, & porte des fraises plus grosses & plus douces que celles des bois & des montagnes, mais bien moins odorantes & moins agréables au goût.

M. Frézier en revenant de son voyage de la mer du Sud, a le premier fait connoître en Europe le fraisier du Chili, fiagoria chiliensis fructu maximo, foliis carnosis, hirsutis. Il differe de toutes les especes européennes par la largeur, l’épaisseur, & le velu de ses feuilles. Son fruit de couleur rouge-blanchâtre, est généralement de la grosseur d’une noix, & même quelquefois aussi gros qu’un œuf de poule ; mais sa saveur n’a pas l’agrément & le parfum de nos fraises de bois. Cette plante a produit du fruit au jardin royal de Paris, & en porte aujourd’hui dans le jardin de Chelesca par les soins de Miller. Elle réussit le mieux à l’exposition du soleil du matin, & demande de fréquens arrosemens dans les tems de sécheresse.

Le fraisier, tant celui qui porte des fraises rouges, que celui qui fournit des fraises blanches, se multiplie de plan enraciné. Le plan de fraisier qu’on tire des bois, vaut mieux pour transplanter que celui des jardins ; les fruits qu’il produit sont plus odorans.

On met les fraisiers en planche ou en bordure, dans une terre bien préparée ; & pour le mieux, on les plante sur des à-dos, contre un mur exposé au midi, afin d’avoir des premieres fraises ; on les espace de huit pouces en terre sablonneuse. On observe que les