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grands froids doivent se faire sentir en hyver par le vent de nord, ou par ceux de nord-oüest, de nord-est, &c. qui participent plus ou moins à la froideur du premier. C’est aussi ce que l’on observe le plus communément.

On remarque souvent en hyver que quand le vent passe subitement du sud au nord, un froid vif & piquant succede tout-à-coup à une assez douce température. La raison de ce dernier changement est facile à trouver. Quand le vent de sud regne en hyver, l’air est plus échauffé par ce vent qu’il ne le seroit par la seule action des rayons du soleil. Cependant la chaleur dans ces circonstances est encore assez foible ; puisque dans les provinces méridionales de la France, le vent étant au sud dans les mois de Décembre, de Janvier, & de Février, le thermometre de M. de Réaumur ne s’éleve guere le matin qu’à 6 ou 7 degrés au-dessus de la congelation, & l’après-midi à 10 ou 11 degrés. La seule privation du vent de sud doit donc causer dans l’atmosphere un refroidissement, qui sans être fort considérable, ira bien-tôt jusqu’à un terme fort approchant du terme de la glace dans des pays qui ne sont pas extrèmement froids. Si nous ajoûtons que le vent de nord augmente le refroidissement, nous verrons clairement pourquoi le froid est déjà assez vif, lorsqu’à peine le vent le nord a commencé de souffler.

Si le vent de nord est déterminé à souffler en même tems sur une grande partie de la surface de notre globe, le froid pourra commencer en même tems dans des pays fort éloignés.

Le froid est plus général ou plus particulier, selon que le vent de nord qui l’amene regne sur une plus grande ou sur une moindre étendue de pays ; il est d’autant plus considérable que les régions d’où vient ce vent de nord, sont plus voisines du pole, ou plus froides d’ailleurs par quelqu’une des causes locales indiquées ci-dessus.

Il n’y a nulle difficulté à concevoir qu’un vent de nord, ou tout autre vent regne en même tems dans une grande partie de notre hémisphere, les causes qui produisent les vents étant par elles-mêmes assez puissantes pour imprimer à une partie considérable de l’atmosphere terrestre un certain mouvement déterminé. Voyez Vent.

Qu’un vent de nord apporte dans notre zone tempérée l’air glacé des régions voisines du pole, c’est ce qui doit arriver naturellement dans plusieurs circonstances. Si par exemple les vents de sud ont soufflé pendant long-tems avec beaucoup de violence dans une grande partie de notre hémisphere, l’air fortement comprimé se sera resserré vers notre pole ; il se rétablira avec force, quand les causes qui produisoient les vents de sud auront cessé ; il s’étendra au loin ; il sera très-froid, parce que les régions d’où il viendra seront fort septentrionales.

C’est dans des circonstances à-peu-près semblables que le froid devenant plus considérable & plus général, on pourra éprouver dans une grande partie de la terre un froid pareil à celui qui se fit sentir en 1709.

Au reste je ne prétens nullement décider qu’on se soit effectivement trouvé en 1709 dans les circonstances que je viens d’indiquer. Différentes combinaisons des causes accidentelles du froid avec la cause générale pouvant produire à-peu-près les mêmes effets, il est souvent très-difficile, quand un froid extraordinaire arrive, de déterminer précisément ce qui peut y avoir donné lieu.

Le vent de nord nous apporte en assez peu de tems l’air des pays septentrionaux. On trouve par un calcul fort aisé, qu’un vent de nord assez modéré, qui parcourroit 4 lieues par heure, apporteroit l’air du pole à Paris en moins de 11 jours. Ce même air ar-

riveroit à Paris en 7 jours par un vent violent, qui feroit par heure jusqu’à 6 lieues. Un vent de nord-nord-est viendroit de la Norwege ou de la Laponie en moins de tems.

Bien des physiciens sont persuadés que le vent de nord souffle presque toûjours de haut en-bas, parce qu’il nous apporte un air plus condensé. Je crois que cette direction de haut en-bas, à laquelle la terre résiste, n’a guere lieu que pour certains vents de nord qui soufflent dans une étendue de pays peu considérable. Un vent qui regne dans une grande partie de notre hémisphere, ne peut guere s’écarter de la direction horisontale que pour souffler de bas en-haut. Je mets à part les obstacles que les montagnes opposent à la direction du vent.

Ce qui est bien certain, c’est qu’un vent est froid, par cela seul qu’il prend sa direction de haut en-bas, la raison en est sensible, après ce que nous avons dit, que les couches supérieures de notre atmosphere étoient toûjours plus froides que les inférieures.

Les vents qui ont passé sur les sommets des montagnes refroidissent beaucoup les plaines voisines, dans lesquelles ils se font sentir, principalement lorsque ces montagnes sont couvertes de neige. L’effet de ces sortes de vents est assez connu ; ils sont souvent bornés à une étendue de pays peu considérable, & ils occasionnent par-là des froids particuliers.

Un vent de nord peut quelquefois au milieu même du printems ramener dans un climat d’ailleurs assez tempéré, toutes les rigueurs de l’hyver. On sait que la fin de l’automne & le commencement du printems sont froids, par la cause générale des saisons. Si quelque nouvelle cause survient, il ne sera pas impossible que le froid de l’hyver soit surpassé par celui de l’automne ou du printems.

Sans apporter aucun changement à l’ordre des saisons, les vents peuvent causer du dérangement dans les climats. On ne niera point, par exemple, que le climat de Paris ne soit en général plus froid que celui de Montpellier ; cependant il a fait plus de froid en certaines années à Montpellier qu’à Paris. Un vent de nord-oüest ou de nord-est soufflant dans l’une de ces deux villes pendant que le sud-oüest regne dans l’autre, rend suffisamment raison de cette irrégularité.

Nous avons beaucoup parlé de vents de nord, de nord-oüest, de nord-est, &c. qui régulierement parlant, sont les plus froids de tous : les vents d’est & d’oüest peuvent aussi contribuer dans certains cas à la rigueur de l’hyver. Il suffit pour cela que dans les pays d’où ils viennent, le froid soit actuellement considérable. Le vent de sud même est froid en certaines circonstances, comme on l’éprouve à Paris, quand les montagnes d’Auvergne méridionales à l’égard de cette capitale, sont couvertes de neige.

Un vent de nord, comme tout autre vent, selon les obstacles & les différentes résistances qu’il trouve, change de direction & passe à l’est, à l’oüest, ou même au sud, sans perdre son degré de froid. On peut expliquer par-là pourquoi en 1709 il gela très-fortement à Paris pendant quelques jours par un petit vent de sud ; ce vent succédant à un vent de nord qui venoit de loin & qui s’étendoit loin, n’étoit qu’un reflux de même air que le nord avoit poussé, & qui ne s’étoit refroidi nulle part. Voyez l’hist, de l’acad. des Scienc. année 1709. pag. 9.

On voit par tout ce qui vient d’être dit jusqu’où peut aller l’influence des vents sur la production du froid, & en général sur les saisons. Les vents étant fort variables, fort inconstans dans les zones tempérées, les saisons par une conséquence nécessaire y seront pareillement sujettes à de grandes variations. Voyez Vent & Saison.

Quoique certains vents, ceux de nord sur-tout,