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en globules rouges, & que ces globules sont plus ou moins denses, plus ou moins élastiques. C’est sans doute par cette considération, que l’auteur du livre sur le cœur, que l’on trouve parmi les œuvres d’Hippocrate, dit, en comparant le sang aux autres humeurs, qu’il n’est pas chaud de sa nature, mais susceptible de s’échauffer, apparemment à cause de sa consistence : ce qui paroît en effet devoir réellement concourir, avec la disposition des solides, pour la production plus ou moins facile, plus ou moins constante de la chaleur animale, qui augmente & diminue avec l’augmentation & la diminution d’action dans les vaisseaux, & d’agitation dans les humeurs ; ce qui rend raison de l’intempérie froide qui domine dans les personnes d’un tempérament pituiteux, dans les hydropiques, dans les chlorotiques, en un mot dans tous ceux dont le sang est mal travaillé, manque de condensation, ou dont les globules rouges bien conditionnés ne sont pas en suffisante quantité, comme après les grandes hémorrhagies : ce qui sert aussi à l’explication du défaut de chaleur propre dans la plûpart des poissons, & dans tous les animaux, dont les solides relâchés, les humeurs aqueuses, ne sont susceptibles entre eux & les solides, que de frottemens, de chocs très-foibles ; d’où résulte si peu de chaleur, qu’elle est emportée par le milieu ambiant, à-mesure qu’elle est produite : d’où s’ensuit que ces animaux ne peuvent acquérir aucun degré de chaleur supérieur à celle de ce milieu, & que leur température éprouve toutes les variations de celle des corps inanimés.

Toutes ces différentes puissances méchaniques qui viennent d’être proposées, d’après la plûpart des physiologistes modernes, comme propres à concourir à la génération de la chaleur propre aux animaux, & à la production, par la raison des contraires, de tous les phénomenes du froid, que les animaux sont susceptibles de ressentir, & dont ils éprouvent les effets les plus importans, particulierement pour le maintien de l’uniformité de cette chaleur, paroissent exister dans l’économie animale, d’une maniere si prouvée, qu’il est impossible de se persuader, avec le docteur Douglas, qu’elles doivent être rejettées, en faveur de son système ; d’autant plus qu’elles ne sont point incompatibles avec lui, ainsi qu’on vient de tâcher de l’établir ; & qu’au contraire elles sont comme des accessoires qui servent à l’étayer & à le soûtenir contre les objections qui pourroient le renverser entierement, si elles n’étoient pas de nature à fournir des moyens de défense tirés de l’adresse même avec laquelle l’attaque a été formée. Il est vrai que ce système perd par-là l’avantage de la simplicité, & qu’il semble par conséquent n’être plus conforme aux vûes de la nature, qui opere en général avec le moins de dépense possible : mais elle ne peut en user ainsi, que pour des effets non compliqués : il lui faut des causes multipliées, là où les besoins sont essentiellement distingués & différens, quoique relativement au même objet : les diverses combinaisons qui en dérivent exigent autant de causes différentes, qui prises séparément, sont aussi simples les unes que les autres, parce qu’elles ont chacune leur destination particuliere, par rapport aux circonstances variées qui les mettent en œuvre.

Il résulte donc de tout ce qui a été dit dans cet article, que par une admirable disposition dans l’économie animale, c’est à la diminution de la chaleur dans l’atmosphere, c’est-à-dire au froid même, qu’il semble démontré que l’on doit attribuer principalement l’entretien des effets du feu, à l’égard des animaux chauds, à un degré à-peu-près uniforme dans l’état de santé, & proportionné en raison inverse, précisément à celui de l’augmentation du froid ; pourvû cependant que les efforts des organes vitaux pour

conserver la fluidité, le mouvement, le cours des humeurs, soient toûjours supérieurs aux résistances causées par la constriction des solides, par le resserrement des vaisseaux ; effets constans du froid, auxquels il est attaché, en donnant occasion à de plus grands frottemens entre toutes les parties du corps animal, tant solides que fluides, mais sur-tout entre les globules sanguins & les parois des vaisseaux capillaires, d’exciter l’action des particules ignées dans l’intérieur de ce corps, à-proportion qu’elle diminue au-dehors.

Ce sont donc les mouvemens absolumens nécessaires pour la conservation de la vie saine dans les animaux, qu’il faut regarder comme les antagonistes du froid ; puisque tout étant égal & bien disposé, la chaleur augmente constamment à-mesure qu’ils augmentent de force & de vîtesse, & qu’elle diminue de même avec la diminution de ces mouvemens, parce que le frottement qu’ils occasionnent augmente & diminue avec eux. Ainsi dans tous les cas où ils ne sont pas suffisans, soit par l’excès du froid dans le milieu ambiant, soit par le vice particulier des solides, ou par celui des fluides, pour entretenir la chaleur animale dans sa latitude ordinaire ; chaleur qui doit par conséquent toujours excéder celle de l’atmosphere même, dans les plus grandes chaleurs de l’été : l’animal dans lequel ce défaut de chaleur naturelle a lieu, éprouve le sentiment & les autres effets du froid dans toutes les parties de son corps, si ce défaut y est général ; ou dans quelques-unes seulement, si ce défaut n’est que particulier. Dans l’un & dans l’autre cas, le froid ne peut ainsi se faire sentir pendant un tems considérable, sans devenir une cause de desordre dans l’économie animale. (d)

Froid, (Patholog.) il suit de ce qui vient d’être établi à la fin de l’article précédent, que le froid considéré entant qu’il produit ses effets dans le corps des animaux chauds, dans le corps humain, peut être lui-même produit par des causes externes & par des causes internes, par rapport à l’individu qui le souffre.

La principale cause externe de ce froid animal est le froid de l’atmosphere. Le premier degré de celui-ci, relativement à ses effets physiques les plus susceptibles, hors de nous, de tomber sous les sens, est marqué par la diminution de l’action du feu à l’égard de l’eau, au point où elle cesse d’être fluide, où elle devient un vrai solide, qui est la glace : mais ce changement, qui est la congelation, ne se fait encore à ce degré de froid, que dans de très-petites masses d’eau. Il est toûjours plus considérable, à-mesure que le froid augmente ; & dans les climats tempérés, cette augmentation se fait jusqu’à la moitié du nombre des degrés dont augmente l’action du feu dans l’atmosphere, par-dessus le degré de la congelation, pour former la plus grande chaleur dont ces climats-ci sont susceptibles : ensorte que comme le plus grand hyver de ce siecle y fit descendre le mercure du thermometre de Farenheit environ à 32 degrés au-dessous de zéro, c’est-à-dire du point où commence la congelation, les plus grandes chaleurs l’ont fait monter à environ 98 : ce qui fait une augmentation de deux tiers par-dessus le point de la congelation : ainsi le degré moyen entre le plus grand chaud & le plus grand froid dans l’atmosphere, est celui de la température qui a été observée dans les caves de l’Observatoire de Paris ; ce degré est fixé à 10 au-dessus du point de la congelation. Selon la division du thermometre de M. de Réaumur, c’est le point moyen des variations de cette température, dont la latitude, selon le thermometre de Farenheit, s’étend du quarante-cinquieme degré, ou environ, au cinquante-cinquieme. Ainsi au degré moyen de cette latitude, l’eau est également éloignée d’être convertie en gla-