blent hâter l’instant où il sera bon à couper. Si l’on tarde trop, il s’égraine, & on en perd une partie : mais ce qu’il y a de plus essentiel à remarquer pour la récolte, c’est de ne lier le blé en gerbe, & de ne le serrer que par un tems sec ; sans quoi, il s’échaufferoit dans la grange, prendroit un mauvais goût ; & on perdroit totalement le grain & la paille.
La nouvelle méthode pour la culture des terres, & sur-tout pour celle du froment, a fait assez de bruit pour être examinée ici. Si vous voulez vous en instruire, lisez la fin de l’article Agriculture. Cette méthode a eu moins de partisans & de célébrité en Angleterre où elle est née, qu’en France où elle n’est qu’adoptive ; elle y a été soûtenue par l’activité naturelle de M. Duhamel, par son zele plein de chaleur pour le bien public, par une sorte de tendresse paternelle qui masque les défauts de ce qu’on s’est approprié. Je ne parle pas des difficultés que l’on trouve dans l’usage des instrumens qui sont nécessaires pour la nouvelle culture ; je sais par expérience, que les instrumens se perfectionnent & deviennent commodes entre les mains des cultivateurs. Il m’a paru que cette culture avoit un vice intérieur, que rien ne pourroit jamais corriger. Il est certain que de fréquens labours paroissent rendre les terres fécondes : mais il ne faut pas beaucoup d’expérience pour savoir que si les labours sont la seule préparation qu’on leur donne, ce ne sera qu’une fécondité précaire, qui amenera une stérilité très-difficile à vaincre.
Les labours fréquens divisent, atténuent les molécules de la terre : mais cet avantage forcé n’est pas à comparer à celui qui résulte de la fermentation intérieure & sourde de ces mêmes parties, qui s’opere naturellement dans le repos, & qui est encore excitée par le fumier qu’on y ajoûte. On sait, qu’indépendamment des labours, on a besoin d’aider la terre par des engrais, en proportion de la quantité de récoltes qu’on lui demande. Il peut arriver qu’une très bonne terre brisée par des labours continuels, produise pendant quelque tems avec une abondance extraordinaire ; mais ce seront ces efforts mêmes qui détruiront sa fécondité dans son principe ; le repos long qui deviendra nécessaire, anéantira les avantages qu’on s’étoit promis. Indépendamment de ces principes généraux, on peut assûrer qu’il y a eu une erreur de calcul très-considérable, dans la comparaison qui a été faite entre cette culture nouvelle & l’ancienne.
Dans le détail de la dépense, ce qu’il en coûte pour sarcler devroit être doublé plus de six fois. On n’a pas vû de jardins, si l’on ne sait pas avec quelle assiduité il faut arracher les mauvaises herbes, que la culture rend vigoureuses & dominantes : la même chose arrive dans la nouvelle culture du froment ; chaque labour amene la nécessité de sarcler de nouveau : ce n’est point une opération facile & prompte, comme celle qui se fait dans les blés ordinaires. Il faut arracher avec la main des herbes fortes, dont les racines s’étendent au loin dans une terre ameublie. Si leur tige se casse, on n’a rien fait. La répétition fréquente d’une opération aussi longue devient rebutante par les soins & les frais qu’elle exige. Il y a eu une autre erreur dans la comparaison des produits : on fait le parallele de ce que rend une terre cultivée à l’ordinaire, avec ce que donne la même quantité, suivant la nouvelle méthode. On établit la comparaison sur quelques arpens dont on a pris le plus grand soin, selon la nouvelle méthode. Pour que le parallele fût juste, il faudroit qu’on supposât l’ancienne pratiquée avec autant d’exactitude qu’elle pourroit l’être. Je connois des terres de qualité moyenne, qui ne sont bien cultivées que depuis deux ans, & dont chaque arpent a produit dix septiers de blé. Si
les mêmes soins leurs sont continués, il n’est pas douteux que dans la suite elles ne produisent douze septiers dans les années heureuses. D’après cela, un nouveau parallele pourroit n’être pas favorable à la nouvelle culture ; mais je ne le ferai point ici : je me contenterai de ne conseiller à personne de cultiver ses terres de cette maniere ; au reste, c’est au tems à décider de la valeur de mes présomptions. Quoi qu’on dise de la paresse & de la stupidité des laboureurs, l’intérêt les éclaire toûjours sur les choses vraiment utiles, dès qu’une fois on les leur a montrées.
Lorsque le froment a été serré bien sec, on peut le garder assez long-tems en gerbes dans la grange. Cependant l’usage de le battre sur le champ est établi dans plusieurs pays. Cette opération se fait de différentes manieres, dont aucune ne paroît avoir sur l’autre un avantage bien marqué. Le grain étant sorti de l’épi, on le vanne pour le séparer encore de la paille legere des enveloppes qui s’est détachée avec lui. Après cela on le passe par le crible pour le nettoyer mieux, & on le porte dans le grenier. Pendant les premiers six mois on fait bien de le remuer tous les quinze jours. Après cela il suffit de le faire tous les mois ; & la premiere année étant passée, on peut encore éloigner cette opération de quelques semaines Le froment se conserve de cette maniere pendant six ans au moins. M. Duhamel a éprouvé qu’on pouvoit porter cette conservation beaucoup plus loin, avec un grenier d’une construction particuliere. On y desseche d’abord le grain par le moyen d’un étuve, & l’on entretient ensuite ce premier dessechement à l’aide d’un ventilateur. M. Duhamel, sans rien oser assurer, présume avec de fortes raisons que cette maniere de traiter le blé doit le préserver d’une espece d’insectes très-dangereux, qu’on appelle charençons, & contre lesquels on n’a trouvé jusqu’à-présent aucun remede sûr. Voyez le traité de M. Duhamel sur la conservation des grains.
L’importance dont est le froment pour la vie des hommes, en a soûmis d’une maniere particuliere la conservation & le commerce à la vigilance publique. La crainte de disettes a fait faire beaucoup de réglemens précaires, & fait naître plus d’une fois l’idée des magasins publics. Mais avec une connoissance mieux approfondie des hommes & des choses, on a vû que de tels magasins seroient nécessairement mal régis, & exposeroient à un monopole odieux une denrée aussi nécessaire. Voyez l’essai sur la police des grains par M. Herbert.
Il est étonnant qu’en France on ait pris pendant si long-tems de fausses mesures sur un objet dont tant d’autres dépendent. Il n’y a pas deux ans que le commerce du blé étoit défendu d’une province à l’autre. Souvent une partie des citoyens soûmis au même maître mouroit de faim, pendant que la province voisine étoit incommodée d’une abondance ruineuse pour les cultivateurs. Cet abus ne pouvoit pas échapper à la sagesse du gouvernement, & il a cessé. Mais on ne peut pas penser aux avantages infinis qui résulteroient de l’exportation libre du blé dans un royaume aussi fertile, sans être affligé que cet encouragement soit encore refusé à l’agriculture. Voy. Grains, (Economie politique.) Cet article est de M. le Roi, lieutenant des chasses du parc de Versailles.
FROMENTÉE, s. f. (Pharmacie.) c’est une espece de potage, dont la base est du froment qu’on fait bouillir avec du lait & du sucre. On y ajoûte quelquefois des épices. Pline rapporte que dans son tems on y mêloit de la craie. Galien en parle comme d’une espece de blé ou de bouillie fort nourrissante. Il dit qu’on la faisoit bouillir avec de l’eau, du vin, & de l’huile.
Les Latins l’appelloient alica, que Festus dérive