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Enfin lorsque les dents de la roue ne sont pas suffisamment creusées par-derriere ; qu’il arrive que la dent ayant passé le bord de la palette, cette palette se trouve retenue en frottant sur le creux de la dent ; & lorsque ce frottement est trop considérable, il forme ce que l’on appelle accrochement par-derriere.

Par ces trois causes j’ai vû varier des montres, assez bien faites d’ailleurs. Il est bon de remarquer que tous les frottemens de cet échappement vont toûjours en diminuant : ce qui est le contraire du précédent, où ils vont toûjours en augmentant par l’épaississement de l’huile.

Par la théorie & la description des échappemens en pendule, il est aisé de voir que les variations du frottement y sont presque pour rien, même dans ceux à repos qui en réunissent le plus. La puissance du régulateur est si grande, qu’elle les surmonte toutes.

Néanmoins l’échappement à recul à double levier, est de tous celui qui exige le moins de force, & qui par conséquent a le moins de frottement, proportion gardée, sur l’étendue de l’arc que le pendule décrit. Il ne faut point d’huile dans cet échappement, au lieu qu’il en faut dans les précédens.

§. III. Des vibrations. La quantité des vibrations augmente prodigieusement les frottemens ; elles occasionnent un certain nombre de roues, qui par leur révolution les augmentent encore. Il est donc à-propos de réduire les vibrations, & de distribuer les révolutions des roues le plus également qu’il sera possible, pour approcher de l’uniformité des frottemens, auxquels on doit tendre dans la communication du mouvement des différens mobiles qui composent l’horloge. Ces frottemens augmenteront d’autant plus que l’on voudra faire aller plus long-tems la piece sans être remontée ; par la raison que cela ne se peut faire qu’en multipliant les mobiles ; & comme chaque mobile a ses variations particulieres, produites par le frottement de ses pivots & de ses engrenages, il suit que l’on multiplie par les mobiles les causes des variations : c’est pourquoi il est aisé de sentir l’abus qui peut résulter de faire aller long-tems les montres sans les remonter.

Il est vrai qu’on fait des pendules pour aller fort long-tems, plusieurs mois, même plusieurs années, sans que la quantité des frottemens que le tems occasionne, altere sensiblement l’isochronisme, tant est puissant le régulateur.

La loi de la pesanteur a prévenu les Horlogers en pendule, pour fixer la quantité des vibrations, puisqu’elle les fait exécuter dans le rapport inverse des racines quarrées des longueurs du pendule ; d’où il arrive que l’on peut beaucoup varier la force qui les anime, sans que cela altere sensiblement la quantité des vibrations.

Il n’en est pas de même pour les montres ; le rayon & le poids du balancier ou régulateur étant donné, la quantité des vibrations ne l’est pas pour cela : elles dépendent non-seulement de la force qui les anime, mais encore du ressort spiral qui les regle. Il seroit donc bien nécessaire d’en fixer la quantité la plus convenable à l’usage des montres.

Cet objet présente tant de difficultés par les circonstances qui l’accompagnent, comme les secousses, le chaud & le froid, & les différentes positions où les montres sont exposées, qu’il n’est pas étonnant que nous n’ayons rien eu jusqu’à-présent de positif sur cette matiere, à-moins que l’on ne veuille bien recevoir l’essai que j’en ai fait, dans un mémoire présenté à l’académie des Sciences, avec une montre construite en conséquence, dont voici le méchanisme abregé.

La théorie & la pratique nous apprennent que les pendules sont d’autant plus justes, que le point de suspension est plus éloigné du centre d’oscilla-

tion : d’où il suit que les pendules qui font le moins de vibrations dans un tems proposé, sont celles qui vont le mieux. L’on sait que les tems des vibrations dans les pendules sont en raison inverse des racines quarrées des longueurs ; il n’y a donc autre chose à faire que d’employer la force nécessaire pour les entretenir, & il n’y aura ni augmentation ni diminution dans le tems proposé, si la longueur du pendule ne varie point, quoique l’on variât la force motrice qui entretient les vibrations.

Comme les vibrations dans les montres ne sont point fixées par la nature, comme elles le sont dans les pendules, il n’est point étonnant que les Horlogers ayent beaucoup varié sur cette quantité. Ceux qui leur en font faire un grand nombre, trouvent dans la pratique tant de difficultés, par l’augmentation des roues, par la diminution des pivots que la vîtesse exige, & par la prodigieuse quantité de frottemens qui s’ensuivent, & qui exigent à leur tour une force motrice considérable, que quelle que soit la réduction du poids du balancier, cette force pour peu qu’elle perde, est bien-tôt en défaut : c’est pourquoi la plûpart des Horlogers n’ont guere passé 18000 vibrations par heure.

Je ne fais pas mention de quelques montres qui ont été jusqu’à vingt mille, & qu’on a trouvées impossibles à régler.

Parmi ceux qui veulent un grand nombre de vibrations,

1°. Les uns nous disent que les montres qui font un grand nombre de vibrations, ont un air de vigueur qui réjouit la vûe, & ils croyent qu’en marchant plus vîte, elles sont moins sujettes à s’arrêter.

2°. D’autres plus raisonnables, veulent que cette vîtesse que l’on donne au balancier, rende les montres moins sujettes à se déranger par les différentes secousses auxquelles elles sont exposées.

3°. Enfin il en est d’autres qui prétendent que les montres qui font beaucoup de vibrations, ont leur ressort spiral plus roide pour obtenir cette fréquence, & que cette force ou roideur dans le ressort spiral est moins sujette à l’influence du chaud ou du froid.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de répondre sérieusement aux premiers. Je me contenterai de leur faire remarquer, d’après l’auteur des mondes, qu’il n’y a rien de plus beau qu’un grand dessein qu’on exécute à peu de frais. Or mesurer beaucoup de tems en parcourant peu d’espace, c’est mettre de la simplicité dans le dessein, & l’épargne dans l’exécution.

Je répondrai aux seconds, que par des expériences que j’ai faites avec assez de soin, je n’ai point remarqué que la différence des variations trouvée dans une montre qui fait 18000 vibrations par heure, & dans une autre que j’ai réduite à 14400, pût être attribuée à la différence des nombres d’oscillation. De plus, que quoique les oscillations soient inégales en nombre, les altérations que peuvent produire les différentes secousses, doivent produire des résultats égaux ; parce qu’elles ne peuvent être qu’en raison réciproque du nombre des vibrations.

A l’égard des derniers qui veulent que le ressort spiral étant plus roide, soit moins sujet aux impressions du chaud & du froid, il n’y a guere que l’expérience qui leur puisse répondre exactement. Ceci tient à une théorie extrèmement profonde ; car pourquoi voit-on entre des montres de même vibration, les unes retarder par le froid, tandis que d’autres avancent, & réciproquement ?

Je répondrai que j’ai éprouvé par plusieurs expériences, que l’échappement étoit l’unique ou la plus grande cause de cette espece de paradoxe.

Il y a deux choses dans l’échappement ; l’arc de levée, & l’arc de supplément. Le premier est toûjours de même étendue, & suit par sa vîtesse le rap-