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Si par exemple la poulie a 4 de rayon, & la cramaillere 12, le produit de 12 × 4 = 48 ; au lieu que prenant deux produisans 8 x 8 dont la somme soit egale à 12 × 4, on aura pour produit 64 : ce qui fait un quart de moins de résistance. Si au contraire on donnoit à la poulie 1 de rayon, & 15 à la cramaillere, toute l’action du poussoir se réduiroit à 15 ; ce qui obligeroit d’employer un ressort plus de quatre fois moins fort, ce qui affoibliroit le ressort du marteau, & par conséquent le coup.

De même, le rayon du barillet agissant sur les rayons de la fusée, il ne faut pas trop s’éloigner de l’égalité de leurs rayons : car la fusée devenant petite, la résistance des rayons augmente comme le quarré de la quantité retranchée, par la raison que ces actions se multiplient. L’on me passera cette digression en faveur de l’application que je fais de ce principe.

§. IV. Des engrenages. Supposant la théorie des engrenages ; comme je ne m’arrêterai point à la décrire, je dirai seulement qu’elle suppose des dentures égales, ainsi que les pignons sur lesquels elles agissent, & l’exactitude des courbes qu’elle prescrit pour communiquer uniformément le mouvement. Mais la meilleure exécution est encore bien loin de cette théorie.

Comme cet ouvrage est autant destiné pour perfectionner la pratique des Arts, que pour approfondir leur théorie, il est naturel que je choisisse l’un plûtôt que l’autre.

La pratique des engrenages consiste à donner exactement la courbe que la théorie enseigne. Or comme cette courbe est fort difficile à former, & que les dentures ne sont jamais parfaitement égales, non plus que les pignons, il convient de choisir le cas où les inégalités font moins d’impression, où sans y diminuer les frottemens, on les puisse rendre moins irréguliers.

Le frottement des dents sur les aîles des pignons consiste dans l’étendue de la courbe qui roule sur l’aîle du pignon : cette courbe est d’autant plus étendue, que la roue est moins nombrée, relativement à son pignon : plus elle est étendue, plus elle est difficile à former ; & les accotemens ou chûtes qui résultent de leur imperfection, sont d’autant plus fréquens, que la roue étant peu nombrée, tourne plus vîte, comme nous l’avons dit aux révolutions. Donc pour accourcir ces courbes, il n’y a point de meilleur moyen que de nombrer beaucoup les roues : par-là les dents approchent d’être paralleles entre elles ; ensorte que la dent qui pousse l’aîle le fait d’autant plus facilement, que le point d’attouchement de la dent se fait comme par une simple pulsion, & concourt en quelque sorte au chemin qu’elle fait décrire à l’aîle. Si l’on pouvoit placer les dents des roues sur une circonférence concave, il est aisé de pressentir l’avantage qui en résulteroit. Les dents allant en élargissant vers le fond, les aîles du pignon, qui font le contraire, conviendroient d’autant mieux dans ces dentures, qu’elles pourroient se dégager avec une grande facilité : mais ne pouvant pratiquer ces sortes de dents, il convient de s’en rapprocher le plus qu’il est possible. Or on ne le peut faire que de deux manieres ; 1°. en nombrant beaucoup les roues ; 2°. en faisant des roues de champ où les dents sont sur un plan, & par conséquent paralleles ; mais il n’est pas possible d’en employer plusieurs de cette espece, à cause que cela change la position des axes du pignon qu’elles conduisent ; ensorte qu’il faut choisir le premier parti, comme le plus avantageux pour rendre le plus uniforme le frottement de l’engrenage.

L’on pourroit m’objecter, qu’en diminuant les révolutions, l’on multiplie les dents ; & que les frottemens que l’on abrege du côté des révolutions, se re-

trouvent dans l’augmentation des dentures : mais le réponds que les dentures ne sont augmentées que proportionnellement à la diminution des révolutions, ensorte que c’est toûjours le même nombre de dents qui travaillent : & comme nous avons réduit l’étendue de la courbe, il suit pour le concours de ces deux causes, diminution de frottement.

§. V. Des pivots. Cette partie est dans l’Horlogerie, la plus intéressante & la plus difficile à traiter. C’est par leur moyen qu’on employe beaucoup de mouvement dans un petit espace ; mais c’est aussi par eux que l’on multiplie les frottemens. Il y a tant de causes qui concourent à ces frottemens, que pour être en état d’en démêler les principales, & estimer leurs leur, j’ai été obligé de construire une machine avec laquelle j’ai fait un grand nombre d’expériences : on trouvera à la fin des Planches d’Horlogerie, cette machine ; & voici le résultat de mes principales expériences.

Après avoir consulté les auteurs qui ont traité cette matiere, MM. Amontons, Bilfinger, de Camus, Musschenbroek, Nollet, Desaguliers, Euler ; avoir répété une partie de leurs expériences, en avoir fait de nouvelles ; enfin après avoir comparé les unes & les autres ; j’ai trouvé tant de différence entr’eux, que je crois qu’il y auroit de la témérité de prononcer sur un principe général. Néanmoins, je crois pouvoir avancer, que sans connoître le frottement absolu d’un pivot donné de diametre avec sa roue, si l’on vient à varier le diametre des pivots sans rien changer à la roue, en les rendant doubles, triples, quadruples, les frottemens seront, sans erreur sensible, doubles, triples, quadruples. Je dis sans rien charger à la roue ; car si l’on varie la grandeur de la roue, gardant toûjours la même pression par le même poids, l’on pourra augmenter le diametre des pivots, sans que la résistance paroisse avoir augmenté : d’où il suit que les roues étant données avec leurs pivots, l’on peut diminuer les frottemens, ou en diminuant les pivots, ou en aggrandissant les roues. Il est évident que si l’on diminue les diametres des pivots, leur vitesse est diminuée : mais les vîtesses sont comme les rayons ; les frottemens sont donc diminués dans ce rapport. Mais ne pouvant estimer le frottement primordial que par hypothèse, il suit que l’expérience pourra donner quelque petite différence de la regle que nous établissons : mais on s’en écartera d’autant moins, que les pivots seront parfaitement bien faits ; & à cet égard, je crois devoir donner la façon de les bien faire.

On doit les faire aussi menus que l’on pourra, pourvû qu’ils soient assez forts pour résister à la force qu’ils éprouvent, pour qu’ils ne puissent ni casser ni ployer.

Quand les pivots viennent extrèmement petits, il est difficile de les bien tourner, c’est-à-dire de les faire bien ronds, à cause qu’il se trouve de petites veines dans l’acier, qui sont trop dures pour être limées. Or ces petites veines sont aux gros pivots comme aux petits ; mais elles ne gardent assûrément pas la proportion des diametres ; d’où il suit que les petits pivots sont toûjours moins ronds que les gros. Etant moins ronds, ils sont dans le cas d’user davantage les trous ; de sorte qu’ayant diminué le frottement par le diametre des pivots, il en résulte un autre qui détruit plus le trou que s’il eût été plus gros ; ce qui nous montre qu’il y a des limites dans la diminution des pivots pour réduire les frottemens.

Pour exécuter de petits pivots, comme il les faut aux petites montres plates, & sur-tout aux montres en bague, il faut faire choix d’un bon acier sans veine, & d’un grain bien fin.

Pour tremper, on sait qu’il faut faire rougir son acier au feu, & le jetter ensuite subitement dans