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rans jetterent leurs armes sur son bucher pour lui faire honneur. On immoloit aussi des bœufs, des taureaux, & des moutons, qu’on jettoit sur le bucher.

On donnoit tout-auprès des combats de gladiateurs pour appaiser les manes du défunt ; on avoit introduit l’usage de ces combats pour suppléer à la barbare coûtume anciennement pratiquée à la guerre, d’immoler les prisonniers auprès du bûcher de ceux qui étoient morts en combattant, comme pour les venger. Les combats des gladiateurs n’étoient pas le seul spectacle qu’on y donnoit ; on faisoit aussi quelquefois des courses de chariots autour du bûcher ; on y représentoit même des pieces de théatre, & par un excès de somptuosité, on y a vû donner des festins aux assistans & au peuple.

Dès que le corps étoit brûlé, on en ramassoit les cendres & les os, que le feu n’avoit pas entierement consumés. C’étoit les plus proches parens ou les héritiers qui en prenoient soin : afin que les cendres ne fussent pas confondues avec celles du bûcher, on avoit la précaution en mettant sur le bûcher le corps du défunt, de l’envelopper d’une toile d’amianthe, que les Grecs appellent asbestos ; on la voit ensuite ces cendres & ces os avec du lait & du vin ; & pour les placer dans le tombeau de la famille, on les enfermoit dans une urne d’une matiere plus ou moins précieuse, selon l’opulence ou la qualité du défunt ; les plus communes étoient de terre cuite.

Ensuite, le sacrificateur qui avoit assisté à la cérémonie, jettoit par trois fois sur les assistans pour les purifier, de l’eau avec un aspersoir fait de branches d’olivier, usage qui s’est introduit dans le Christianisme à l’égard du cadavre seulement, & qu’on a jugé à-propos de conserver. Enfin, la même pleureuse congédioit la compagnie par ce mot I, licet. c’est-à-dire, vous pouvez vous en-aller ; alors les parens & amis du défunt lui disoient par trois fois, en l’appellant par son nom, & à haute voix : vale, vale, vale : nos te ordine quo natura voluerit sequemur ; adieu, adieu, adieu, nous te suivrons quand notre rang marqué par la nature arrivera. On portoit l’urne où étoient les cendres dans le sépulcre, devant lequel il y avoit un petit autel où l’on brûloit de l’encens & d’autres parfums : cérémonie qui étoit renouvellée de tems en-tems, de même que celle de jetter des fleurs sur la tombe.

A l’égard de ceux dont on ne brûloit point les corps, on les mettoit ordinairement dans des bierres de terre cuite ; ou si c’étoient des personnes de distinction, dans un tombeau de marbre creusé ; on mettoit encore dans ce tombeau une lampe dite perpétuelle, & quelquefois de petites figures de divinités, avec des fioles qu’on appelloit lacrymatoires, qui renfermoient l’eau des larmes qu’on avoit répandues à leur convoi, témoignage qu’ils avoient été fort regrettés. On a trouvé dans quelques tombeaux des bijoux qui y avoient été mis avec le corps, parce qu’apparemment le défunt les avoit fort chéris de son vivant.

La cérémonie des funérailles se terminoit par un festin, qui étoit ordinairement un souper, que l’on donnoit aux parens & aux amis ; quelquefois même on distribuoit de la viande au peuple, & neuf jours après on faisoit un autre festin qu’on appelloit le grand souper, la novendale, c’est-à-dire la neuvaine ; on observoit dans ce dernier repas de quitter les habits noirs, & d’en prendre de blancs.

C’en est assez sur ce sujet, où je n’ai crû devoir employer que les traits historiques qui pouvoient convenir ici, en élaguant toutes les citations sans nombre qui m’auroient mené trop loin ; mais le lecteur curieux de plus grands détails, & de détails d’érudition recherchée, peut consulter l’ouvrage latin de funeribus Romanorum, publié par Jean Kirchman,

dont la premiere édition parut à Lubeck en 1604. Cet ouvrage acquit de la célébrité à son auteur, & contribua à lui procurer un bon mariage. (D. J.)

Funérailles, (Hist. mod.) après avoir rapporté les cérémonies funebres des anciens, on peut parcourir celles qui sont usitées de nos jours chez quelques peuples d’Asie, d’Afrique, & d’Amérique ; il semble que la nature a par-tout inspiré aux hommes ce dernier devoir envers leurs semblables qui leur sont enlevés la mort ; & la religion, soit vraie, soit fausse, a consacré cet usage.

Funérailles des Arabes. Dès que quelqu’un a rendu les derniers soupirs chez les Arabes, on lave le corps avec décence : on le coud dans un morceau de toile s’il s’en trouve dans la maison, ou dans quelques guenilles s’il est pauvre ; on le met sur un brancard composé de deux morceaux de bois avec quelques traverses d’osier, & quatre ou six hommes le portent où il doit être enterré. Comme ces peuples changent souvent de camp, ils n’ont point de cimetieres fixes. Ils choisissent toûjours un lieu élevé & écarté du camp ; ils y font une fosse profonde, où ils mettent le corps la tête du côté de l’orient, le couvrent de terre, & mettent dessus de grosses pierres, afin d’empêcher les bêtes sauvages de venir le déterrer & le dévorer. Ceux qui portent le corps à la sépulture & ceux qui l’accompagnent, chantent des prieres pour le défunt & des loüanges à Dieu.

Dans ces occasions les hommes ne pleurent point, ce qu’on regarde comme une preuve de leur courage & de leur fermeté. Mais en récompense les femmes s’acquittent très-bien de cette fonction. Les parentes du défunt crient, s’égratignent le visage & les bras, s’arrachent les cheveux, & ne sont couvertes que d’un vêtement déchiré, avec un voile bleu & sale ; toutes marques de douleur extraordinaire, vraie ou apparente.

Les cérémonies des funérailles qui ne sont pas longues étant achevées, on revient au camp. Tous ceux qui y ont assisté trouvent un repas préparé, & mangent dans une tente ; les femmes dans une autre. Les hommes à leur ordinaire gardent la gravité, les femmes essuient leurs larmes ; les uns & les autres se consolent ; on fait à la famille des complimens de condoléance qui sont fort courts, puisqu’ils ne consistent qu’en ces deux mots, kalherna aandek, c’est-à-dire je prends part à votre affliction : & en ces deux autres, selamet erask, qui signifient Dieu conserve votre tête. Après quoi les parens du défunt font le partage de ses biens entre ses enfans. Mém. du chevalier d’Arvieux, tom. III.

Funérailles des Turcs. En Turquie, lorsqu’une personne est morte, on met son corps au milieu de la chambre, & l’on répete tristement ces mots à-l’entour, subanna allah, c’est-à-dire, ô Dieu miséricordieux, ayez pitié de nous. On le lave ensuite avec de l’eau chaude & du savon ; & après avoir brûlé assez d’encens pour chasser le diable & les autres esprits malins qu’on suppose roder autour de lui, on l’enveloppe dans un suaire sans couture, afin, dit-on, que dans l’autre monde il puisse se mettre à genoux lorsqu’il subira son jugement ; tout cela est accompagné de lamentations, où les femmes ont la principale part.

Autrefois on exposoit le mort sur une table, comme dans un lit de parade, orné de ses plus beaux habits, & de diverses fleurs de la saison ; après quoi on le portoit sur des brancards hors de la ville, dans un lieu destiné à la sépulture des morts. Aujourd’hui on se contente de le mettre dans une bierre, couverte d’un poîle convenable à sa profession, sur lequel on répand des fleurs, pour marquer son innocence. La loi défend à qui que ce soit de garder un corps mort au-delà d’un jour, & de le por-