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arrive que la matiere fondue forme deux couches distinctes ; l’une pesante qui occupe le fond du vaisseau, & c’est le régule ; l’autre legere & qui surnage la premiere, qu’on appelle les scories.

On appelle vitrification, l’espece de fusion qui change tellement un corps, ou en combine plusieurs ensemble, de façon qu’il en résulte une matiere diaphane qui reste constamment dans le même état, quoique exposée de nouveau au feu de fonte.

Il ne faut pourtant pas croire qu’on n’employe pas aussi le mot de fonte dans bien des cas pour l’action du feu qui desunit les parties aggrégatives d’un corps : on dit aussi la fonte de la cire, de la graisse, &c. ensorte que le mot de fusion est plus particulierement employé pour les métaux.

Cette opération est une des plus fréquentes de la partie métallurgique de la Chimie.

Elle s’étend sur tous les corps fixes de la nature, avec toutefois cette restriction, qu’il y en a qui sont très-aisés, d’autres très difficiles à fondre, & d’autres qui ne prennent l’état de fonte qu’à l’aide d’un ou de plusieurs autres corps fixes aussi. Ces corps prennent le nom de fondans ou de menstrues secs. Voyez la section des fondans à l’article Flux, qu’il faut joindre avec celui-ci. On peut encore cependant comparer leur action à celle des menstrues humides. Ceux-ci n’ont besoin que d’une très-médiocre chaleur pour être dans l’état de fluidité, & joüir conséquemment de l’exercice de leurs propriétés. Les fondans en exigent une plus forte, les uns plus, les autres moins. Il est vrai qu’il s’en trouve qui demandent le même degré de feu que le corps à fondre, comme nous l’avons dit du mélange de deux corps infusibles par eux-mêmes ; mais ceux ci se trouvent dans l’extrème, qui fait exception non-seulement avec les menstrues humides qui dissolvent & ne sont point dissous, quoique leurs parties soient divisées par la même raison qu’elles divisent, mais encore avec les fondans mêmes, qui doivent être plus fusibles que le corps qu’on veut fondre par leur intermede.

Les corps volatils en sont aussi susceptibles, mais quelques-uns seulement, & ils se dissipent sitôt qu’ils ont éprouvé cet état.

Il y a des métaux qui se calcinent au degré du feu qui les met en fonte.

Quelle que soit l’intention de l’artiste, il faut toûjours que le corps auquel il fait subir la fusion, devienne le plus fluide qu’il est possible : mais si cette condition est nécessaire à l’égard d’un corps simple, à plus forte raison l’est-elle quand c’en est un composé, comme quand il s’agit de faire un alliage ou une nouvelle matiere. Ceux dont le génie est assez pénétrant & l’imagination assez forte pour atteindre aux points physiques du tems, concevront aisément que dans l’espace d’un quart-d’heure chaque molécule intégrante ou principe d’un corps tenu en fonte bien liquide, subit un nombre infini de mouvemens qui méritent considération. Il est souvent indispensable de soûtenir long-tems cette fluidité, pour desunir d’abord les differens principes métalliques, & pour les combiner ensuite entr’eux. C’est pour lors que se font, ainsi qu’au milieu du fluide aqueux, qui est le véhicule des corps fermentatifs, ces nombres prodigieux de courses rapides de la part des molécules solitaires ou réunies, de chocs, de frottemens, qui produisent enfin ce nouvel arrangement de parties qui existe dans chaque molécule intégrante du nouveau résultat. La desunion préalable qui se fait des principes du corps primitif, arrive en conséquence de leur mouvement, tant spontané que forcé. C’est à ces différens phénomenes que nous avons donné le nom d’attraction à l’article Flux. Il est à souhaiter qu’il naisse un nouveau Newton qui en pénetre la

nature, & en développe le méchanisme. Si la raison inverse du quarré des distances a lieu dans la circonstance présente, l’application en paroît difficile à démontrer.

C’est pour les raisons mentionnées, que les expériences qu’on n’obtient qu’à la faveur de la fusion, sont sujettes à tant de variétés. Si l’on ne connoît ni le pouvoir de la fonte liquide, ni les avantages de la forme des vaisseaux, ni la mesure du tems qu’exige une expérience, & si l’on ne sait bien entremêler & combiner ces différentes conditions, on manque d’ordinaire tout succès. On peut citer pour exemple la mine perpétuelle de Beccher, toutes les autres vitrifications graduées, les fusions & réductions répétées, par lesquelles Isaac le hollandois retiroit toûjours quelque peu de métal précieux, & le départ par la voie seche, ou séparation de l’or d’avec l’argent. C’est dans ces sortes de cas particulierement que bon nombre d’artistes n’ont que trop éprouvé que quand ils manquoient aux conditions nécessaires, ils n’obtenoient rien de ce qu’ils pouvoient & devoient obtenir. Ce n’est pas que la réussite manque absolument parce qu’on n’a pas choisi les vaisseaux de la forme la plus avantageuse, mais ce défaut est au-moins capable de porter des imperfections dans l’expérience.

Mais il faut encore être bien convaincu que la quantité des matieres apporte une différence dans l’opération, & c’est un article de conséquence qui mérite l’examen le plus réflechi. Les opérations en petit donnent des phénomenes qu’on n’a point dans les travaux en grand. Il est vrai que souvent on ne fait pas attention à la différence essentielle qu’il y a entre une fusion faite dans les vaisseaux fermés, & celle où le métal a le contact immédiat des charbons qui leur fournissent la matiere corporelle du feu. Mais il n’en est pas moins positif que la différence infinie qui se trouve entre les produits de deux opérations, l’une en petit & l’autre en grand dans les vaisseaux fermés, résulte de la réciprocité, de la mesure du tems, de la fluidité du bain, de la grandeur du vaisseau, & de la masse du corps qui y est contenu.

Il est encore évident, par ce que nous avons dit, que la fusion veut être faite dans les vaisseaux fermés, quand on lui soûmet les métaux imparfaits & les demi métaux. Sans cette précaution le mouvement qui leur est imprimé, leur enleve tout-au-moins le principe du feu ; Voyez Calcination. C’est ce mouvement qui constitue la fluidité ; & c’est ici que l’art l’emporte sur la nature. Ce n’est pas qu’elle n’ait bien la puissance de produire une fusion ou quelque chose d’approchant, & même une réduction, c’est-à-dire d’unir le principe matériel du feu à la terre, qui constitue un métal avec lui. C’est une vérité que personne, je crois, ne révoquera en doute ; mais d’imprimer à une grande masse métallique le mouvement le plus rapide, & dans un très-petit espace de tems, c’est ce qu’elle n’a jamais fait ; sans compter que l’art sait aussi combiner la matiere du feu dans moins de tems encore. Voyez Réduction & Principe.

Nous avons dit à l’article Flux, que ce mouvement étoit excité par les particules ignées qui pénétroient la masse du corps qu’elles embrasoient & sondoient ; mais Stahl dit précisément tout le contraire. Après avoir accordé que quoiqu’on ne pût pas donner des phénomenes du tonnerre une explication qui satisfît à tout, il n’en étoit pas moins vrai qu’ils étoient l’effet d’un mouvement dont on n’a point coûtume de constater la vérité par ses propres réflexions, bien loin d’en pénétrer la nature, & dans lequel on ne savoit point assez démêler ce qui étoit en quelque façon à la portée de l’entendement humain, il continue ainsi : Unde tanto magis commendari meretur, pensitatio atque contemplatio, quid motus, motus inquam,