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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/456

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tes en 1246 : sed neque gabellæ salis, seu alterius mercimonii possint ibi fieri contra homines villæ. Ceci ne prouve pas à la vérité qu’on levât alors une gabelle dans cette ville, la coûtume au contraire le défend ; mais cela prouve qu’elle étoit connue, & qu’apparemment on en levoit ailleurs, ou du-moins que l’on en avoit levé précédemment.

Il ne paroît pas que la gabelle du sel eût lieu du tems de Louis Hutin ; car ce prince, dans des lettres qu’il donna à Paris le 25 Septembre 1315, touchant la recherche & la vente du sel, ne parle d’aucune imposition sur le sel. Il paroît que le sel étoit marchand, & le roi se plaint seulement de ce que quelques particuliers en faisoient des amas considérables : il commet en conséquence certaines personnes pour faire la visite des lieux où il y aura du sel caché, & les autorise à le faire mettre en vente à juste prix.

Avant Philippe-le-Long il y avoit en France plusieurs seigneurs particuliers qui avoient mis de leur autorité privée des impositions sur le sel dans leurs terres. Il y en a plusieurs exemples dans les anciennes coûtumes de Berri de M. de la Thaumassiere ; ce qui étoit un attentat à l’autorité souveraine.

La premiere ordonnance que l’on trouve touchant la gabelle du sel, est celle de Philippe V. dit le Long, du 25 Février 1318, que quelques-uns ont mal-à-propos attribuée à Philippe-le-Bel, ne se trouvant dans aucun recueil des ordonnances de ce prince : elle suppose que la gabelle étoit déjà établie ; car ce prince dit, que comme il étoit venu à sa connoissance que la gabelle du sel étoit moult déplaisante à son peuple, il fit appeller devant lui les prélats, barons, chapitres & bonnes villes, pour pourvoir par leur conseil sur ce grief & quelques autres.

Et sur ce que ses sujets pensoient que la gabelle du sel étoit incorporée au domaine, & devoit durer à perpétuité, le roi leur fit dire que son intention n’étoit pas que cette imposition durât toûjours, ni qu’elle fut incorporée au domaine, mais que pour le déplaisir qu’elle causoit à son peuple, il voudroit que l’on trouvât quelque moyen convenable pour fournir aux frais de la guerre, & que ladite gabelle fût abattue pour toûjours.

On voit par-là que la gabelle étoit une aide extraordinaire, qui avoit été mise à l’occasion de la guerre, & qu’elle ne devoit pas durer toûjours. On tient que cette premiere imposition ne fut que de deux deniers pour livre.

Ducange en son glossaire, au mot gabelle, dit que dans un registre de la chambre des comptes de Paris, coté B, commençant en l’année 1330, & finissant en 1340, fol. 156, il y a une ordonnance du roi Philippe (le Long), de l’an 1331, suivant laquelle, pour être en état de fournir aux frais de la guerre, il établit des greniers à sel dans le royaume, dont les juges furent nommés souverains commissaires, conducteurs & exécuteurs desdits greniers & gabelles.

Mais cette ordonnance ne se trouve point dans le recueil des ordonnances de la troisieme race, imprimé au Louvre ; ce qui donne lieu de croire que l’on a voulu parler de celle de Philippe-le Long en 1318, ou de celle de Philippe de Valois, du 15 Février 1345.

Ces deux ordonnances de 1318 & 1345, contiennent presque mot pour mot la même chose ; ce qui pourroit faire croire que la seconde n’a été qu’un renouvellement de la premiere.

Mais Philippe de Valois avoit dès le 20 Mars 1342 donné des lettres, portant établissement de greniers à sel & de gabelles. Elles sont adressées à Guillaume Pinchon archidiacre d’Avranches, Pierre de Villaines archidiacre en l’église de Paris, Me Philippe de Trye thrésorier de Bayeux, maître des requêtes de l’hôtel du roi, & à quelques autres personnes qualifiées. Le roi y annonce que desirant trou-

ver des moyens de résister à ses ennemis, en chargeant

ses sujets le moins qu’il étoit possible, il a ordonné après grande délibération, certains greniers ou gabelles de sel être faits dans le royaume ; & sur ce ordonné certains commissaires ès lieux où il appartient pour lesdits greniers & gabelles, publier, faire exécuter & mettre en ordre. Il leur donne le titre de souverains-commissaires, conducteurs & exécuteurs desdits greniers & gabelles, & de toutes choses qui sur iceux ont été & seront ordonnées & qui leur paroîtront nécessaires ; qu’ils pourront demeurer à Paris ou ailleurs, ou expédient leur semblera ; que si plusieurs d’entr’eux s’absentent de Paris, qu’il y en restera au moins toûjours deux ; qu’ils pourront au nombre de deux ou trois établir, par lettres scellées de leurs sceaux, tels commissaires, grenetiers, gabelliers, clercs & autres officiers ésdite greniers & gabelles, par-tout où bon leur semblera, & les ôter, changer & rappeller ; de leur taxer & faire payer des gages convenables ; que ces officiers auront la connoissance, correction & punition de tout ce qui concerne le sel : que l’appel de leurs jugemens ressortira devant les souverains commissaires, lesquels n’auront à répondre sur ce fait qu’au roi.

Cette ordonnance ne dit pas quelle étoit l’imposition que l’on percevoit alors sur le sel : mais on sait d’ailleurs qu’elle fut portée par ce prince à quatre deniers pour livre ; elle n’étoit point encore perpétuelle, comme il le déclare par son ordonnance du 15 Février 1345.

Le roi Jean ayant à soûtenir la guerre contre les Anglois, fit assembler en 1355 les états de la Languedoïl & du pays coûtumier, avec lesquels il fut avisé, suivant ce qui est dit dans une ordonnance du 28 Décembre 1355, que pour fournir aux frais de l’armée il seroit imposé dans tout le pays coûtumier une gabelle sur le sel, qui seroit levée suivant certaines instructions qui seroient faites à ce sujet.

La même ordonnance établit une imposition de huit deniers pour livre, sur toutes les marchandises qui seroient vendues dans le même pays ; & cette imposition, ainsi que la gabelle ordonnée précédemment, sont ensuite comprises l’une & l’autre sous le terme générique d’aides ; & la direction de ces aides étoit faite dans chaque lieu par des commissaires députés par les trois états, au-dessus desquels commissaires étoient les généraux des aides.

Au mois de Mars de la même année, le roi Jean fit une autre ordonnance, portant qu’à la Saint-André derniere il avoit fait assembler à Paris les trois états de la Languedoïl, du pays coûtumier, & deçà la riviere de la Dordoigne, pour avoir conseil sur le fait des guerres & des mises à ce nécessaires. Que par la plus grande partie des personnes des trois états, il avoit été accordé l’imposition de huit deniers pour livre, & la gabelle du sel ; & que comme on ne savoit pas si ces aides seroient suffisantes, ni si elles seroient agréables au peuple, les états devoient se rassembler à Paris le premier Mars suivant, auquel jour ayant été assembles, il leur étoit apparu que ladite imposition & gabelle n’étoit pas agréable à tous, & aussi qu’elle n’étoit pas suffisante, pourquoi ils accorderent entre eux qu’il seroit fait une aide, suivant ce qui est dit par cette ordonnance : au moyen de quoi, le roi ordonna que l’imposition accordée par les états au mois de Décembre précédent, cesseroit à la fin du mois, & que la gabelle cesseroit dès ce moment pour toûjours ; que si aucun avoit été gabellé, c’est-à-dire si on lui avoit fait payer le droit de gabelle pour plus de trois mois, on lui rendroit ou rabattroit sur le nouveau subside ce qu’il auroit payé de trop sur le précédent ; & que ce qui auroit été gabellé sur les marchands de sel, leur seroit promptement rendu, excepté leur dépense de trois mois.